Les Israéliens veulent expulser des milliers de Palestiniens et couper la Cisjordanie en deux

17 septembre 2025 - Une femme tend les bras vers A-Sir alors que les incendies font rage, Naqab (Néguev). Des centaines de policiers coloniaux israéliens ont fait une descente dans le village bédouin, situé en Palestine de 1948, et ont démoli 35 maisons, détruisant tout un quartier - Photo : Oren Ziv / Activestills

Par Zena al-Tahhan

Le projet de colonie E1 entraînera un nettoyage ethnique de milliers de communautés palestiniennes résidant dans la région, tout en divisant la Cisjordanie en deux. Les membres des communautés ciblées affirment qu’Israël veut les refouler dans les villes et leur voler leurs terres.

Alors que plusieurs pays occidentaux annoncent leur reconnaissance d’un État palestinien avant le vote de l’Assemblée générale des Nations unies sur la question, Israël accélère ses mesures d’annexion illégales de la Cisjordanie occupée afin de rendre impossible la création d’un État palestinien.

Situé le long des anciennes routes commerciales reliant la ville de Jérusalem au désert de Jéricho, le petit village bédouin de Jabal al-Baba est l’une des dizaines de communautés palestiniennes menacées d’un transfert forcé imminent par l’occupant israélien.

Le projet d’expulsion de ces communautés palestiniennes est la clé de voûte du plan israélien visant à relancer le projet de colonisation E1, longtemps suspendu, qui avait suscité une vive réaction internationale pendant des décennies en raison de ses conséquences considérables.

Cisjordanie : la violence et l’incertitude sont devenues la norme

La zone qu’Israël envisage de remplir de colons illégaux et rendre inaccessible aux Palestiniens, est une bande de terre stratégique qui constitue l’un des rares liens restants entre le nord et le sud de la Cisjordanie et l’un des derniers points de contiguïté entre Jérusalem occupée et le territoire.

Une fois mis en œuvre, ce plan diviserait la Cisjordanie occupée en deux et consoliderait davantage le contrôle israélien sur Jérusalem.  

« Cela enterrera l’idée d’un État palestinien » a fièrement déclaré le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, à la mi-août, lorsque le plan E1 a été relancé.

Le ministre, qui supervise la démolition des maisons palestiniennes et l’expansion des colonies illégales, a annoncé le 14 août l’approbation de milliers de nouveaux appartements pour les colons illégaux dans la région.

E1 et la route « Fabric of Life » prévue – Carte de Peace Now

Jabal al-Baba abrite quelque 450 habitants qui ont été expulsés de leurs terres ancestrales dans le désert du Naqab (Néguev) lors de la Nakba de 1948, le violent nettoyage ethnique de la Palestine par les milices sionistes.

Attirés par le paysage semi-aride et ouvert qui leur rappelait le terrain familier du Naqab, ils ont recommencé une nouvelle vie sur les pentes orientales de Jérusalem, idéales pour leur mode de vie bédouin ancestral.  

Aujourd’hui, 77 ans plus tard, ils sont à nouveau menacés d’expulsion.

« Nous parlons de la confiscation de 12 000 dunams de terres (12 kilomètres carrés) » a déclaré Atallah Mazaar’a, porte-parole de Jabal al-Baba, à Mondoweiss. « Quelque 22 villages bédouins palestiniens, qui abritent au moins 7 000 habitants, seront expulsés. »

« Il y a une attaque contre toutes les terres palestiniennes, du nord au sud, et en particulier contre les Bédouins qui vivent dans des zones ouvertes et reculées », a poursuivi Mazaar’a. « La confiscation actuelle des terres palestiniennes est massive. »

Les Bédouins palestiniens vivant dans la zone réservée au plan E1 sont progressivement expulsés, les autorités israéliennes démolissant leurs maisons, les expulsant de leurs terres et installant des colons israéliens à leur place.

« E1 est le projet le plus problématique pour les Palestiniens de Jérusalem » a déclaré M. Mazaar’a . « Israël sait à quel point il est important. C’est pourquoi il se précipite pour mettre en œuvre le plan de colonisation. »

Atallah Mazaar’a, porte-parole de Jabal al-Baba – Photo : Zena al-Tahhan

Malgré l’expulsion imminente, Mazaar’a affirme que le village restera inébranlable. « Nous préférons mourir en tant que personnes honorables sur nos terres plutôt que de les céder aux colons et aux occupants » a-t-il affirmé. 

« Expulsion après expulsion »

Entre le 12 et le 15 août, les forces d’occupation israéliennes ont délivré quelque 40 ordres de démolition à des maisons de Jabal al-Baba et de deux autres villages bédouins voisins, leur accordant 60 jours pour faire appel.

Mais ce n’est pas la première fois. Le projet de colonisation E1 d’Israël est en cours depuis le début des années 1990, initialement proposé par l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin. Ce plan prévoit la construction de milliers de logements et d’unités commerciales illégaux pour les colons afin de créer une zone bâtie continue entre la colonie de Ma’ale Adumim, où vivent quelque 70 000 Israéliens, et Jérusalem.

Depuis 2009, l’occupation israélienne a démoli plus de 500 maisons palestiniennes et autres structures de subsistance dans des dizaines de communautés de la zone E1, dont près de 200 financées par des donateurs internationaux tels que l’Union européenne. Au moins 900 personnes ont été déplacées de force.

Rien qu’en 2025, l’armée a déjà démoli au moins 9 maisons et plus de 50 abris pour animaux.

« Il s’agit d’une expulsion après l’autre » a déclaré Bassam Bahar, chef du comité de protection des terres de Jérusalem-Est, à Mondoweiss. « Ces familles sont ici depuis les années 50 et vivent sur des terres palestiniennes privées avec l’accord des propriétaires. »

« Les autorités d’occupation israéliennes veulent transférer ces résidents vers les centres urbains d’Abu Dis et peut-être même de Jéricho, afin de créer une nouvelle réalité démographique dans les zones est de Jérusalem, la seule zone restante où les Palestiniens de Jérusalem peuvent s’étendre » a-t-il poursuivi.

« L’objectif de tous ces projets est de judaïser Jérusalem et de créer une ceinture de colonies autour de Jérusalem pour l’encercler de tous côtés, que ce soit au nord, au sud ou à l’est » a expliqué Bahar.

La violence israélienne en Cisjordanie occupée va crescendo

« Ils ont pris possession de toutes les zones au sud vers Bethléem et au nord vers Ramallah. Aujourd’hui, la seule zone dans laquelle ils peuvent encore s’étendre est l’est, vers Jéricho. »

Ma’ale Adumim a été construite en 1975 sur des terres palestiniennes volées principalement aux villes et villages d’al-Aizariya, Abu Dis, al-Issawiyya et Anata. Ces zones formaient historiquement la banlieue est de Jérusalem, située à quelques kilomètres seulement du centre-ville.

Après avoir occupé Jérusalem-Est et toute la Cisjordanie en 1967, Israël a redessiné les limites municipales de Jérusalem, excluant ces villes et les plaçant sous régime militaire dans le cadre de l’occupation de la Cisjordanie.

En conséquence, des centaines de milliers de Palestiniens ont soudainement eu besoin d’un permis pour accéder à leur propre ville.

En 2002, Israël a renforcé cette séparation en construisant un mur illégal de huit mètres de haut autour de ces zones, les isolant ainsi que les communautés bédouines voisines de Jérusalem à l’ouest.

Le plan E1 aggravera encore la situation des Palestiniens. Tout d’abord, Israël prévoit de construire son mur autour de ces zones à partir de l’est, les encerclant complètement. Elles seront non seulement coupées de Jérusalem, mais aussi de la Cisjordanie, et transformées en prison à ciel ouvert.

Ensuite, Israël a récemment approuvé la construction d’une série de routes et de tunnels souterrains – que Israël qualifie de manière trompeuse de « Fabric of Life » (tissu de la vie) ou de route de la « Souveraineté » – qui passeront au cœur de la zone E1.

Cela détournera le trafic palestinien des principales autoroutes qui traversent la zone E1 en surface, en plus de la route historique vers Jéricho sur la Route 1 utilisée par les colons illégaux.

Jabal al-Baba ne sera pas seulement coupé de Jérusalem, le village sera également séparé de la ville la plus proche, al-Aizariya. 

« La route alternative qu’ils veulent construire pour les Palestiniens n’est pas adaptée à un usage humain. Plus d’un million de Palestiniens qui voyagent entre le centre et le sud l’emprunteront. Elle mettra en danger la vie des habitants » a déclaré  Mazaar’a, porte-parole de Jabal al-Baba.  

« Vider le territoire »

Ces développements s’inscrivent dans le cadre de l’annexion croissante par Israël des zones orientales de Jérusalem, ainsi que de l’ensemble de la Cisjordanie occupée, dans le but d’empêcher la création de tout type d’État palestinien.

L’État génocidaire tourne maintenant le maximum de sa violence vers la Cisjordanie

Les habitants des zones ouvertes sont transférés de force – ce qui constitue un crime de guerre au regard du droit international – tandis que l’armée israélienne consolide sa mainmise sur la plus grande partie possible du territoire palestinien.  

Les autorités israéliennes mènent des actions d’annexion en Cisjordanie occupée depuis plus de cinq décennies. Mais depuis le génocide à Gaza, la mainmise sur les terres palestiniennes et la construction de colonies illégales ont atteint des niveaux records.

Le gouvernement israélien finance directement les colons à hauteur de millions de dollars et les arme pour chasser les Palestiniens de leurs terres.

Ils veulent pousser les personnes qui résident dans des zones reculées et dans les villages vers les villes.

Bassam Bahar

Les autorités ne s’en cachent plus. En juillet, lors d’une séance à la Knesset, les députés israéliens ont voté massivement en faveur de l’annexion de la Cisjordanie occupée.

Le 3 septembre, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, également chargé de la démolition des maisons palestiniennes et de la construction de colonies illégales, a dévoilé une proposition de carte selon laquelle 82 % de la Cisjordanie occupée serait rattachée à Israël.

Trois millions et demi de Palestiniens sont entassés sur seulement 18 % de la Cisjordanie occupée, dans les centres-villes.

« Un maximum de terres, un minimum de population » a déclaré Smotrich.

Et avec les récentes annonces de plusieurs pays occidentaux concernant la création d’un État palestinien, l’objectif et l’intention d’annexion sont devenus l’un des buts les plus urgents pour Israël, les politiciens de tous bords appelant leurs dirigeants à prendre cette mesure.

« Ils veulent pousser les personnes résidant dans des zones reculées et dans les villages vers les villes et les y assiéger » a déclaré Bahar. « Il s’agit de vider le territoire de ses habitants. »

M. Mazaar’a a déclaré que les habitants sont bien conscients qu’il s’agit d’une politique profondément enracinée. « Israël paie des colons pour qu’ils attaquent nos villages. Ils viennent et se déshabillent au coeur de nos communautés afin de nous inciter à partir » a-t-il déclaré.

« Même si le monde entier nous abandonne, nous, les Palestiniens, serons ceux qui feront avancer notre cause » a-t-il ajouté.

22 septembre 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – YG

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