
15 février 2025 - Des Palestiniens se rassemblent pour accueillir les 333 otages libérés à Gaza, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. Certains prisonniers palestiniens ont reçu des soins médicaux pour avoir été torturés pendant leur détention. Israël a libéré un total de 369 otages palestiniens en échange des trois captifs israéliens libérés par le Hamas et le Jihad islamique. Parmi eux, 24 doivent être immédiatement expulsés vers l'Égypte. Environ 14 000 prisonniers palestiniens sont détenus dans lesgeôles israéliennes, dont un tiers environ sont en détention administrative, sans aucune accusation ni procès - Photo : Doaa Albaz / Activestills.
Par Vijay Prashad
En août 2025, 10 800 détenus politiques et prisonniers politiques palestiniens croupissaient dans les prisons israéliennes. Depuis 1967, 320 prisonniers politiques sont morts dans les prisons israéliennes.
Il était stupéfiant de lire la nouvelle du décès d’Ahmad Saeed Tazazaa (20 ans) le 3 août 2025 dans la prison israélienne de Magiddo. Quelques mois plus tôt, des informations avaient fait état du meurtre par les forces israéliennes d’un autre prisonnier palestinien à Megiddo, Walid Khaled Abdullah Ahmad (16 ans), le 24 mars.
Les deux jeunes hommes, ou plutôt garçons, avaient été arrêtés en Cisjordanie ; Ahmad à Jénine et Walid à Silwad. Au départ, les Israéliens ont gardé le silence sur la mort de Walid, mais ils ont ensuite accepté qu’une autopsie soit pratiquée.
Le rapport d’autopsie est douloureux. L’autopsie de Walid a révélé qu’il souffrait d’une extrême fonte musculaire et d’une perte de graisse corporelle, d’une accumulation d’air dans la poitrine et l’abdomen (« probablement causée par un traumatisme contondant ») et qu’il présentait des signes d’œdème et de congestion dans le gros intestin (« compatibles avec une blessure traumatique »).
L’autopsie a confirmé qu’il était mort de faim et des coups infligés par les gardiens de prison israéliens.
Khaled Ahmed, le père de Walid, se souvient que son fils était non seulement un excellent élève, mais aussi le meilleur buteur de son équipe de football locale. « Walid se préparait à rejoindre l’équipe nationale palestinienne », a déclaré Khaled.
Walid a été tué trois jours avant que Suleiman al-Obeid, surnommé le « Pelé palestinien », ne soit tué par des tirs israéliens alors qu’il faisait la queue pour obtenir de la nourriture pour sa famille à Gaza. En quelques jours seulement, le football a perdu deux de ses plus brillantes étoiles à cause du génocide israélien.
Aujourd’hui, 10 800 détenus politiques et prisonniers politiques palestiniens croupissent dans les prisons israéliennes. Depuis 1967, 320 prisonniers politiques sont morts dans les prisons israéliennes.
Le 12 août 2025, la Société des prisonniers palestiniens a publié un rapport détaillant la situation des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes. Ce rapport est douloureux à lire en raison des conditions abominables qui y sont décrites.
La Société note que l’administration pénitentiaire israélienne « de manière systématique et planifiée » a « privé les prisonniers de leur humanité » au point de leur causer « un épuisement physique et psychologique qui peut aboutir à leur martyre ».
Les trois mots utilisés pour décrire la situation générale sont « torture », « famine » et « cruauté ». Depuis octobre 2023, 76 prisonniers palestiniens sont morts en détention.
Torture à l’électricité
Plus de 2000 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes dans des points de distribution alimentaire. Compte tenu de ces chiffres, il est difficile de vraiment comprendre ce qui arrive aux Palestiniens dans les prisons israéliennes. Pourtant, cette brutalité doit être comprise dans un contexte plus large, à savoir la violation par Israël des accords d’Oslo.
Israël mène une politique de nettoyage ethnique à Gaza par des bombardements génocidaires, rasant des villages et des villes palestiniens en Cisjordanie, encourageant la colonisation de ces terres par des Israéliens et s’emparant de force de tout Jérusalem.
Les bombardements de Gaza se poursuivent, et en Cisjordanie et à Jérusalem, les Israéliens arrêtent les dirigeants politiques de la résistance et les torturent dans leurs prisons. Les bombardements à Gaza et les arrestations en Cisjordanie et à Jérusalem font donc partie de l’annulation des accords d’Oslo.
La Commission palestinienne des affaires des détenus et anciens détenus a publié un rapport effrayant sur les tortures infligées aux Palestiniens par les forces israéliennes dans la prison de Gilboa, dans le nord d’Israël.
Les gardiens de prison israéliens font irruption dans les cellules pour effectuer des inspections, maîtriser les détenus, les emmener dans la cour de la prison, puis les tabasser, les insulter et leur infliger des décharges électriques.
Ils sont ensuite emmenés aux douches, aspergés d’eau, puis à nouveau électrocutés. Un avocat de la Commission décrit la situation :
« Les décharges électriques sont administrées à l’aide de pistolets paralysants spécialisés, qui sont également utilisés comme armes pour frapper les détenus à la tête. Étant en métal solide, ils causent des blessures profondes, laissant de nombreux détenus en sang, tandis que les gardiens se moquent d’eux et rient. Le niveau de torture est si sévère que de nombreux détenus perdent connaissance. »
Le recours à cette violence vise non seulement à faire perdre connaissance aux détenus, mais aussi à leur faire perdre leur identité et à les priver totalement de leur santé mentale.
Raed Abu al-Hummus, le chef de la Commission palestinienne, a déclaré : « L’objectif est clair : les épuiser émotionnellement, les pousser à un état d’effondrement psychologique. Ce n’est pas un cas isolé. Cela fait partie d’une politique israélienne de plus en plus intense à l’intérieur des prisons. »
Si les dirigeants politiques palestiniens en perdent leur identité, les formations politiques de résistance en souffriront. Les décharges électriques sont donc aussi brutales que les bombes larguées sur les civils affamés de Gaza : les deux sont utilisées par les Israéliens pour écraser toute résistance palestinienne à l’occupation de leurs terres.
La prison de Magiddo, l’une des pires prisons israéliennes parmi toute une série de prisons terribles, dispose de sections d’isolement spéciales pour les hauts dirigeants politiques palestiniens tels que Marwan Barghouti et Ahmad Sa’adat.
Marwan Barghouti (né en 1959) est un dirigeant important du Fatah qui a été kidnappé pendant la deuxième Intifada et qui est emprisonné depuis vingt-trois ans et quatre mois.
L’Union interparlementaire a estimé que le traitement qui lui a été réservé lors de son arrestation « excluait toute possibilité d’un procès équitable » et qu’il ne devrait pas être détenu dans ces conditions.
Au cours des dernières années, Barghouti a été battu dans sa cellule jusqu’à ce que ses côtes se brisent. Les tentatives visant à briser son moral se poursuivent sans relâche.
Ahmad Sa’adat (né en 1953), secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), est emprisonné depuis vingt-trois ans et trois mois, soit un mois de moins que Barghouti. Il avait initialement été kidnappé par l’Autorité palestinienne et détenu à la prison de Jéricho, où les Israéliens l’ont illégalement saisi et emmené à Magiddo.
Le but de la capture et de la détention prolongée de ces dirigeants est d’empêcher l’émergence d’un point attractif dans la société palestinienne qui pourrait revitaliser la politique palestinienne.
C’est ce que le théoricien politique israélien Baruch Kimmerling nomme le politicide, la mort de la politique. Israël ne se contente pas de tuer des Palestiniens pour s’emparer de leurs terres, il tue aussi toute possibilité de politique palestinienne.
Politicide
Ce qui est remarquable dans des organisations tels que la Société des prisonniers palestiniens, Addameer : Association de soutien aux prisonniers et des droits de l’homme, et Al-Haq : Défense des droits de l’homme, c’est qu’ils ont toujours soutenu les prisonniers politiques palestiniens et n’ont pas laissé leur résistance être oubliée ou minimisée.
En octobre 2021, les Israéliens ont interdit six groupes palestiniens : Addameer, Al-Haq, le Bisan Centre for Research and Development, Defence for Children International-Palestine, l’Union of Agricultural Work Committees et l’Union of Palestinian Women’s Committees.
Les Israéliens ont accusé ces groupes d’être en contact avec le FPLP. En novembre 2021, le commandant militaire israélien de Cisjordanie a déclaré ces organisations « associations illégales ».
Cela porte le politicide à un autre niveau. Désormais, non seulement les groupes politiques – tels que le FPLP – sont traités comme des groupes terroristes, mais même les organisations qui défendent les prisonniers sont interdites.
Ahmad Saeed Tazazaa était un jeune homme qui méritait de vivre une vie longue et épanouie. En septembre 2024, il a été arrêté à son domicile à Qabatiya. Les Israéliens ont envahi sa ville dans le nord de la Cisjordanie, se sont rendus dans une maison et ont jeté des Palestiniens du troisième étage.
Ahmad a été arrêté, emmené à Magiddo, torturé, puis tué. La façon dont ils l’ont traité en prison était encore plus brutale que la façon dont ils ont précipité ses compatriotes palestiniens du troisième étage.
Auteur : Vijay Prashad
* Vijay Prashad est un historien, auteur et journaliste indien, directeur des Etudes Internationales au Trinity College.Il a dirigé la publication de « Letters to Palestine » (Verso). Son compte Twitter.
18 août 2025 – Addameer – Traduction : Chronique de Palestine
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