À tous ceux qui font le choix de se taire … l’Histoire ne vous le pardonnera pas !

11 août 2025 - Un journaliste palestinien pleure ses six collègues, dont le correspondant d'Al-Jazeera Anas al-Sharif, lors de leurs funérailles à Gaza. Les six journalistes ont été tués dans une frappe aérienne israélienne visant leur tente à l'extérieur du complexe hospitalier Shifa de la ville de Gaza. Ils ont été identifiés comme étant Anas al-Sharif, Mohamed Qreiqeh, Ibrahim Zaher, Moamen Aliwa et Mohammed Noufal, membres de l'équipe d'Al Jazeera, ainsi que le journaliste indépendant Mohammad al-Khaldi. Ces meurtres ont eu lieu après des mois de menaces contre la vie d'Anas al-Sharif par les forces israéliennes. Selon le site web « Stop Murdering Journalists », Israël a tué un nombre sans précédent de journalistes à Gaza, approchant les 300 - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills

Par Ramzy Baroud

Les conséquences du génocide israélien à Gaza seront désastreuses. Un événement d’une telle barbarie, soutenu par une conspiration internationale d’inertie morale et de silence, ne sera pas relégué dans l’histoire comme un simple « conflit » ou une simple tragédie.

Le génocide à Gaza est un catalyseur pour les événements majeurs à venir. Israël et ses puissants soutiens sont parfaitement conscients de cette réalité historique. C’est précisément pour cette raison que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est engagé dans une course contre la montre, tentant désespérément d’assurer à son pays une place, sinon prépondérante, du moins respectable dans l’ère à venir.

Il poursuit cet objectif par une expansion territoriale en Syrie, une agression incessante contre le Liban et, bien sûr, la volonté d’annexer tous les territoires palestiniens occupés.

Mais l’histoire ne peut être contrôlée avec une telle précision. Aussi intelligent qu’il puisse se croire, Netanyahu a déjà perdu toute capacité d’influer sur le cours des événements.

Il n’a pas été en mesure de définir un programme clair à Gaza, et encore moins d’atteindre des objectifs stratégiques dans une zone de 365 kilomètres carrés réduite à un champ de ruines et de cendres.

Les Gazaouis ont prouvé que la résistance collective peut vaincre l’une des armées modernes les mieux équipées.

En effet, l’histoire elle-même nous a appris que les bouleversements de grande ampleur sont inévitables. Mais le drame le plus terrible est que ce bouleversement ne se produit pas assez rapidement pour sauver une population affamée, et que le sentiment pro-palestinien ne se développe pas assez vite pour imposer un résultat politique décisif.

Notre confiance dans ce changement inéluctable est ancrée dans l’histoire. La Première Guerre mondiale n’a pas été seulement une « Grande Guerre », mais un événement cataclysmique qui a complètement bouleversé l’ordre géopolitique de l’époque. Quatre empires ont été totalement remaniés et certains, comme l’Empire austro-hongrois et l’Empire ottoman, ont tout simplement été rayés de la carte.

Le nouvel ordre mondial issu de la Première Guerre mondiale a été de courte durée.

Le système international moderne que nous connaissons aujourd’hui est le résultat direct de la Seconde Guerre mondiale. Il comprend les Nations unies et toutes les nouvelles institutions économiques, juridiques et politiques occidentales qui ont été forgées par les accords de Bretton Woods en 1944. Cela comprend la Banque mondiale, le FMI et, pour terminer, l’OTAN, semant ainsi les graines de nouveaux conflits à ‘échelle mondiale.

La chute du mur de Berlin a été saluée comme l’événement unique et déterminant qui rendait obsolète les conflits endémiques de la lutte géopolitique de l’après-guerre, marquant prétendument le début d’un nouveau et définitif rééquilibrage mondial, certains annonçant même la « fin de l’histoire ».

L’histoire en a toutefois décidé autrement. Même les terribles attentats du 11 septembre et les guerres qui ont suivi à l’initiative des États-Unis, n’ont pas réussi à réinventer un ordre mondial qui soit conforme aux intérêts et aux priorités des États-Unis et de l’Occident.

Gaza est infiniment petite si l’on en juge par sa géographie, son poid économique ou politique. Pourtant, elle s’est avérée être l’événement mondial le plus marquant qui a défini la conscience politique de la nouvelle génération.

Le fait que les gardiens autoproclamés de l’ordre d’après-guerre soient précisément ceux qui violent de manière ultra-violente et choquante toutes les lois internationales et lois humanitaires, suffit à modifier fondamentalement notre relation avec « l’ordre fondé sur des lois » défendu par l’Occident.

Cela peut sembler insignifiant aujourd’hui, mais cela aura des conséquences profondes et durables. Cela a largement compromis, voire délégitimé, l’autorité morale imposée, souvent par la violence, par l’Occident au reste du monde pendant des décennies, en particulier dans les pays du Sud.

Cette délégitimation auto-imposée aura également un impact sur l’idée même de démocratie, qui est attaquée et remise en cause dans de nombreux pays, y compris les démocraties occidentales.

Quoi de plus logique, étant donné que la plupart des habitants de la planète sont fermement convaincus qu’Israël doit mettre fin à son génocide et que ses dirigeants soient tenus pour responsables. Pourtant, peu ou pas de mesures sont prises.

Le basculement dans l’opinion publique occidentale en faveur des Palestiniens est stupéfiante si on la contextetualise avec la déshumanisation totale du peuple palestinien par les médias occidentaux et avec l’allégeance aveugle des gouvernements occidentaux à Israël.

Plus choquant encore, ce changement dans l’opinion est en grande partie le résultat du travail de citoyens ordinaires sur les réseaux sociaux, de militants qui se mobilisent dans les rues et de journalistes indépendants, principalement à Gaza, qui font leur métier dans des conditions extrêmement difficiles et avec des ressources minimales.

Une conclusion qui domine est l’incapacité des nations arabes et musulmanes à prendre en compte cette tragédie qui frappe leurs propres frères en Palestine. Alors que certains se livrent à une rhétorique creuse ou à l’autoflagellation, d’autres restent inertes, comme si le génocide à Gaza était un sujet externe, à l’instar des guerres en Ukraine ou au Congo.

Ce seul fait remet en question notre définition collective de nous-mêmes, ce que signifie être arabe ou musulman, et si ces définitions revêtent une identité qui transcende la politique.

L’avenir nous le dira.

La gauche pose également problème, à sa manière. Bien qu’elle ne soit pas monolithique et que de nombreux militants de gauche aient soutenu les manifestations mondiales contre le génocide, d’autres restent divisés et incapables de former un front uni, même temporairement.

Certains cercles militants dits de gauche, continuent de se bercer d’illusions, paralysés par la crainte que leur opposition au sionisme leur vaut d’être taxés d’antisémitisme. Pour ce groupe, l’autocensure et l’autocontrôle les empêchent de prendre des mesures décisives.

L’histoire ne s’inspire pas d’Israël ou des puissances occidentales. Gaza entraînera en effet des changements mondiaux qui nous toucheront tous, bien au-delà du Moyen-Orient.

Mais en cet instant, il est urgent que nous utilisions notre volonté et notre action collectives pour influencer un seul événement historique : mettre fin au génocide et à la famine à Gaza.

Le reste sera laissé à l’histoire et à ceux qui souhaitent y jouer un rôle lorsque le monde changera à nouveau.

15 août 2025 – Transmis par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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