La résistance palestinienne négocie avec l’occupant un accord pour un échange de prisonniers

Photo : Al Jazeera/Ezz Zaanoun
Arrivée triomphale de prisonniers palestiniens à Gaza en 2011, après l'accord d'échange de prisonniers - Photo : Al Jazeera/Ezz Zaanoun

Par Adnan Abu Amer

Les négociations entre le Hamas et Israël sur un nouvel accord d’échange de prisonniers semblent progresser, ce qui soulève des questions sur les concessions que chaque parti est prêt à offrir pour qu’un tel accord se matérialise.

Les médias israéliens signalent que le Hamas et Israël ont fait des progrès notables dans la négociation d’un possible échange de prisonniers sous la direction d’une tierce partie, mais chacun des protagoniste continue de provoquer l’autre.

La radio publique israélienne (KAN) a déclaré le 26 juin qu’une tierce partie dont le nom n’a pas été divulgué négociait un accord. L’analyste des affaires politiques de KAN, Amir Bar Shalom, a déclaré dans une émission que les négociations ont franchi un cap lorsqu’une délégation du Hamas s’est rendue au Caire du 4 au 10 juin. La délégation, dirigée par le responsable du bureau politique de l’organisation dans la bande de Gaza, Yahya al-Sinwar, a rencontré d’importants responsables égyptiens appartenant à la direction générale du renseignement.

Le Hamas n’a pas officiellement réagi, mais le porte-parole du Hamas Hazem Qassem a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas considère la libération des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes comme une priorité absolue puisqu’il s’agit d’un problème national de base. La participation du mouvement aux négociations avec Israël pour parvenir à un nouvel accord d’échange de prisonniers pour les Israéliens détenus par les Brigades Izz Ad-Din al-Qassam [l’aile militaire du Hamas] doit être précédée de l’engagement d’Israël de respecter l’accord précédant de 2011 et de remettre en liberté les prisonniers relâchés en 2014 puis ensuite réincarcérés. Les fuites israéliennes au sujet des négociations pour un nouvel accord d’échange n’atteindront pas leur objectif qui est de tirer des informations du Hamas au sujet de ses prisonniers israéliens. Les Israéliens réclament une action et exercent une pression sur leur gouvernement qui néglige la question de leurs détenus aux mains du Hamas”.

En juin 2016, la famille du détenu israélien Avraham Mangisto a organisé un sit-in devant le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour exiger le retour de leur fils. En outre, les familles des soldats israéliens Oron Shaul et Hadar Goldin ont menacé de tenir périodiquement leur protestation devant le bureau de Netanyahu pour exiger qu’Israël organise la restitution des dépouilles de leurs fils. Les deux soldats ont été tués en 2014.

Les nouvelles de KAN concernant les progrès supposés dans l’échange de prisonniers ont paradoxalement coïncidé avec les sanctions israéliennes contre les détenus du Hamas dans les prisons israéliennes. Le 29 juin, les familles de 100 détenus de la bande de Gaza se sont retrouvées interdites de visiter les membres de leur famille dans les prisons israéliennes.

Il y a plus de 7000 détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 330 venant de Gaza, 680 de Jérusalem et 6000 de Cisjordanie.

Il convient de noter que depuis des années, le Hamas a refusé d’autoriser l’accès de la Croix-Rouge aux détenus israéliens. Il a rejeté à nouveau la demande la plus récente, datée du 6 juin.

Abdul Rahman Chedid, le directeur d’Asra Media Office, un groupe palestinien de défense des droits des prisonniers, a déclaré à Al-Monitor: “La décision israélienne revient à déclarer la guerre aux détenus du Hamas en exerçant une pression sur le mouvement pour libérer les soldats israéliens et répondre à l’exigence leurs familles qui est de ‘punir les détenus du Hamas dans les prisons israéliennes’. La décision pourrait être la première d’une série de sanctions qu’Israël appliquera sur les détenus du Hamas, et cela n’a pas été motivé par des violences que des détenus palestiniens auraient commises contre le Service pénitentiaire israélien. C’est plutôt une décision politique et gouvernementale israélienne. Les représailles contre les détenus de Gaza dans les prisons israéliennes sont aujourd’hui appliquées parce que des soldats israéliens sont prisonniers dans la bande de Gaza”.

Les fuites d’un éventuel échange ont également coïncidé avec le 11ème anniversaire de la capture par le Hamas du soldat israélien Gilad Shalit dans le sud de Gaza en 2006. Shalit est resté prisonnier pendant cinq ans et a été libéré en 2011 en échange de plus d’un millier de détenus palestiniens en Israël.

L’expert palestinien pour les affaires israéliennes, Mahmoud Mardawi, a déclaré à Al-Monitor: “Israël n’est pas prêt à un nouvel accord d’échange avec le Hamas en raison de la composition partisane du gouvernement israélien et de son orientation fascisante. Les parties qui participent à la Coalition nationale [au gouvernement] – en particulier le parti juif (HaBayit HaYehudi) – refuseront tout nouvel accord. Le Foyer juif fait appel à la réincarcération des détenus [palestiniens] libérés dans le cadre de l’accord de 2011. Dans le même temps, le gouvernement israélien ne refuse aucun effort d’une tierce partie pour initier des négociations avec le Hamas. En effet, au cas où des élections législatives anticipées seraient organisées en Israël, Netanyahou pourrait approuver un accord avec le Hamas pour renforcer sa popularité parmi les Israéliens. Le retour des soldats détenus dans leurs familles est une demande populaire israélienne, et peut-être les États-Unis ont-ils demandé à l’Égypte d’utiliser la visite de la délégation du Hamas pour aborder le sujet des soldats israéliens capturés par le mouvement [de la résistance]”.

Les États-Unis semblent s’immiscer dans la question des soldats israéliens détenus par le Hamas. L’ambassadeur des États-Unis en Israël David Friedman a déclaré le 26 juin que Washington est en colère contre le Hamas pour avoir refusé de libérer les soldats israéliens, et il estime que le Hamas est responsable de la souffrance de leurs familles.

L’envoyé des États-Unis, Jason Greenblatt, a rencontré le 23 juin des familles de soldats israéliens morts et/ou détenus et a exprimé sa consternation face au comportement du Hamas, qu’il qualifiait “d’inhumain”.

Un détenu palestinien dans le centre de détention de Ramon dans le désert du Negev a déclaré à Al-Monitor sous couvert d’anonymat: “Les sanctions actuelles des autorités israéliennes contre les détenus palestiniens ressemblent à celles qui ont été imposées dans le cadre de l’accord de change précédent pour faire pression sur les détenus palestiniens dans les prisons et le leadership du Hamas à l’extérieur pour faire baisser leurs exigences et libérer les soldats israéliens à moindre coût dans un échange futur”.

Khaled Meshaal, l’ancien responsable du bureau politique du Hamas, a déclaré en avril que certains partis, qu’il ne nomme pas, ont offert une médiation dans des négociations entre le Hamas et Israël, mais ils ont fait face à deux obstacles importants. Premièrement, Israël a tenté d’ignorer la question et a souligné qu’elle n’était pas négociable. Deuxièmement, le Hamas a refusé de commencer des négociations indirectes à ce moment-là, si ce n’est à la condition que plus de 60 prisonniers qui ont été libérés dans le premier accord d’échange en 2011 et qui depuis ont été à nouveau kidnappés par Israël à la mi-2014 soient libérés.

Entre les fuites israéliennes et les réserves du Hamas concernant les négociations pour un nouvel échange, il ne peut y avoir de la fumée sans feu. Israël et le Hamas pourraient tenir des pourparlers sous la table, par l’intermédiaire de l’Égypte, à des fins de confidentialité. Mais l’échec ou le succès d’un tel accord porterait sur certains développements, principalement la normalisation en cours des relations entre le Hamas et l’Égypte, un arrêt par Israël des représailles à l’encontre des prisonniers du Hamas, et un changement dans la composition du gouvernement israélien.

Mais il reste toujours l’éventualité que le renseignement israélien ne finisse par localiser les prisonniers israéliens dans la bande de Gaza, et ne les libère sans rien concéder au Hamas.

* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

7 juillet 2017 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine