La résistance palestinienne pleure la disparition du général Suleimani

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Ismaïl Haniyeh, responsable du bureau politique du mouvement Hamas, lors d'une prise de parole à Téhéran à l'occasion des cérémonies organisées suite à l'assassinat du général iranien Qassem Suleimani - Photo : agence officielle iranienne

Par Motasem A Dalloul

Dès que l’assassinat du général iranien Qassem Suleimani a été confirmé par le Pentagone, le Mouvement de la résistance islamique palestinienne s’est joint à ceux qui le pleurent et qui accusent les États-Unis de provoquer le chaos dans la région avec ses attaques illégales contre “l’axe de la résistance” au Moyen-Orient et son “soutien aveugle” à l’État d’occupation israélien.

“Nous pleurons la mort de Soleimani et des autres commandants iraniens tués pendant le raid aérien des États-Unis”, a déclaré le mouvement. “En cette triste occasion, le Hamas condamne les agressions américaines qui engendrent des conflits et des révoltes dans la région, dans le seul but de servir les intérêts de l’occupation israélienne”.

Les déclarations du Hamas ont déclenché une série de critiques sur les médias sociaux dans le monde arabe, en particulier en Arabie Saoudite et aux EAU. Le Hamas a été accusé de se ranger du côté du régime iranien, soi-disant “responsable des effusions de sang en Irak et en Syrie, ainsi que de l’instabilité au Liban”.

Un commentaire critique saoudien largement diffusé sur WhatsApp disait : “Le Hamas aurait dû se jeter dans les bras de l’Arabie Saoudite, le protecteur des sunnites de la région… Soleimani, qui était la main de l’Iran en Irak et en Syrie, n’aurait pas libéré la Palestine s’il était resté en vie.”

Pourquoi le Hamas a-t-il adopté une telle position ? C’est un mouvement de résistance palestinien qui veut mettre fin à l’occupation israélienne et créer un État palestinien souverain. Tant qu’il y aura une occupation israélienne, insiste-t-il, il y aura de la résistance. Résister est un droit légal garanti par les lois et les conventions internationales, et reconnu par l’ONU.

Le mouvement estime également que la cause palestinienne doit être la préoccupation centrale des États et des peuples arabes. Tous les Arabes affirment que la libération de la Palestine est bien leur principal souci. Mais presque tout le monde sait maintenant que ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, les États arabes veulent surtout légitimer l’État d’occupation d’Israël en liant des relations commerciales, diplomatiques et même sociales et culturelles avec lui, c’est ce qu’on appelle la “normalisation” des relations.

Les régimes autocratiques du monde arabe s’efforcent de saper la résistance palestinienne en s’en prenant au Hamas et à d’autres factions. Certains de ces régimes, tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, le font même ouvertement.

L’Égypte, par exemple, soutient le rigoureux siège israélien qui pèse sur les Palestiniens dans la bande de Gaza depuis le milieu de 2007. Même lorsque le point de passage de Rafah vers l’Égypte est ouvert, les Palestiniens rencontrent toutes sortes de problèmes pour l’emprunter; or c’est à peu près la seule porte d’entrée et de sortie de Gaza. Le gouvernement égyptien arrête des Palestiniens, bloque la circulation des marchandises et empêche la libre circulation, même des personnes qui ont besoin de soins médicaux essentiels. Les Palestiniens qui souhaitent passer par Rafah doivent souvent verser des pots-de-vin aux autorités égyptiennes, au vu et au su de l’État égyptien. Les points de contrôle militaires et sécuritaires échelonnés entre la frontière et le Caire rallongent énormément– en heures parfois même en jours – le temps de trajet.

En novembre 2018, je n’ai pas pu passer par le passage de Rafah parce que j’avais refusé de verser un pot-de-vin. L’officier de sécurité égyptien m’a dit que je devais rentrer chez moi et quand je lui ai demandé pourquoi, il a dit que je “devais revenir demain”. Comme je ne comprenais pas, il m’a clairement indiqué que je devais lui apporter un pot-de-vin en dollars américains. Les voyageurs palestiniens doivent payer entre 500 et 1 500 dollars, et parfois plus, pour avoir l’autorisation de sortir, quelle que soit la raison du voyage.

L’Arabie saoudite et ses partisans affirment qu’elle protège les musulmans sunnites, y compris le Hamas et les Palestiniens. Il y a beaucoup à redire à ce sujet, mais je vais me concentrer sur la détention de Palestiniens dans le pays qui abrite les deux lieux les plus sacrés pour les musulmans : La Mecque et Médine.

Lorsque l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et l’Égypte ont déclaré le siège du Qatar en 2017, ils ont dit que c’était parce que le gouvernement de Doha accueillait des “organisations terroristes” comme le Hamas et des “chefs terroristes” comme le Cheikh Yousef Al-Qaradawi. Comment le Hamas peut-il demander de l’aide à un pays qui incite les gens contre lui et contre l’un des sheikhs sunnites les plus respectés au monde ?

L’année dernière, les groupes de défense des droits de l’homme ont révélé que plus de 60 Palestiniens sont détenus dans des prisons d’Arabie saoudite. Leurs familles ne savent rien de l’endroit où ils se trouvent ni des conditions dans lesquelles ils sont détenus, bien que l’on sache que certains d’entre eux se voient refuser tout traitement médical. Deux de ces détenus sont le représentant du Hamas dans le Royaume, le Dr Mohammed Al-Khodari, qui est un homme malade de plus de 80 ans, et son fils. Comment peut-on croire que l’Arabie saoudite est prête à soutenir le Hamas et les Palestiniens alors que des fonctionnaires saoudiens infligent des traitements aussi inhumains à leurs ressortissants ?

Les relations du Hamas avec l’Iran n’ont rien de secret ; le mouvement a dit à de nombreuses reprises qu’il reçoit un soutien militaire et financier de la République islamique, qui est un État en grande partie chiite. Les Palestiniens savent très bien que l’Iran n’est pas un ami des pays sunnites et qu’il a sa art de responsabilité, avec les États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux, ainsi que la Russie, de l’effusion de sang en Irak et en Syrie.

Le Hamas sait également que l’Iran soutient les Houthis au Yémen, où l’Arabie Saoudite, les EAU et d’autres pays arabes sunnites ont commis des crimes de guerre et contribué à créer la “pire crise humanitaire” du monde.

Dans sa déclaration sur l’assassinat de Suleimani, le Hamas a expliqué que le général iranien “a joué un rôle crucial dans le soutien de la résistance palestinienne à tous les niveaux”. Le mouvement ne peut pas se permettre de rejeter l’aide de qui que ce soit. Cela s’applique également aux pays qui ont des liens avec Israël, comme le Qatar, qui accueille un bureau commercial israélien depuis 1995 mais qui envoie également une aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Le Hamas, cependant, n’acceptera jamais qu’une aide inconditionnelle. Il n’est pas prêt à renoncer à ses principes ni à ceux des Palestiniens. Lorsque la révolution syrienne a éclaté en 2011, par exemple, il a sacrifié l’aide de Damas et de Téhéran en refusant de publier la moindre déclaration de soutien au régime d’Assad, ou de condamner la révolution populaire. Il a donc été contraint de quitter la Syrie, et l’Iran a cessé de le soutenir pendant un certain temps.

Pendant les années du siège israélien, le Hamas a réprimé un groupe chiite à Gaza – Al-Sabereen – qui diffusait des croyances chiites parmi les musulmans palestiniens qui sont à 100 % sunnites. Le soutien iranien n’a pas empêché le Hamas de rejeter la demande du dirigeant d’Al-Sabereen de circuler librement, ou de refuser le financement d’une nouvelle école parce qu’il était conditionné au fait qu’elle porte le nom d’un dirigeant iranien.

A ce stade, le Hamas ne s’intéresse pas aux conflits entre sunnites et chiites et refuse d’y prendre part, car ces conflits poussent l’Arabie saoudite et d’autres pays dans les bras d’Israël. Le mouvement s’intéresse plutôt à la manière de mettre fin à l’occupation israélienne, qui reste la principale cause de la souffrance des Palestiniens.

Il faut que les États et les personnes, qui critiquent le Hamas pour ses liens avec l’Iran, sachent que le Hamas ne veut pas d’armes ou d’entraînement militaire de leur part, mais un soutien industriel et financier. Le Hamas a également besoin d’une aide politique et diplomatique à la résistance palestinienne légitime contre l’occupation et a besoin du peuple et des pays arabes pour faire avancer la question palestinienne sur la scène internationale.

Si le Hamas pouvait compter entièrement sur le soutien de ses voisins arabes immédiats, il n’aurait pas besoin de demander l’aide de l’Iran ou d’ailleurs.

6 janvier 2019 – Hamas.ps – Traduction : Chronique de Palestine