Comment Israël a imposé aux Palestiniens des décennies de déplacement forcé

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Femme palestinienne dans un camp de réfugiés - Photo : Archives

Par Munir Nuseibah

La majorité des discussions sur la dépossession palestinienne – y compris par les Palestiniens eux-mêmes – portent sur la Nakba de 1948 et l’exil forcé de plus de 700 000 Palestiniens par les forces sionistes déterminées à créer un État israélien dans la Palestine mandataire.

Résumé

Cependant, les diverses mesures qu’Israël utilise pour déplacer de force des Palestiniens depuis 1948 ont reçu beaucoup moins d’attention, même si l’on estime qu’il a déplacé de force 66 % de toute la population palestinienne dans le cadre de son plan délibéré et de longue date de créer et maintenir une majorité juive.

Munir Nuseibah, conseiller politique d’Al-Shabaka, a identifié six des méthodes utilisées par Israël pour déplacer les Palestiniens, et en commente deux – le déplacement par la création de statuts personnels ad hoc ainsi que par la planification urbaine. Il soutient que l’approche traditionnelle au conflit fondée sur les droits de l’homme ne suffit pas. Il appelle plutôt les défenseurs et les organisations des droits de l’homme à appliquer l’approche plus récente de la justice transitionnelle pour s’attaquer aux violations massives des droits de l’homme commises pour des raisons de politique, car c’est le seul moyen d’obtenir une réparation significative et une paix juste.

Le contexte manquant pour revendiquer des droits

Comme le montrent les recherches d’archives menées par les nouveaux historiens israéliens, les hauts responsables du mouvement sioniste préconisent depuis longtemps le “transfert” des Palestiniens afin d’obtenir une majorité juive dans une région où les Juifs sont minoritaires. Les fondateurs de l’état d’Israël et leurs héritiers ont traduit ces appels en politiques et en pratiques utilisant diverses méthodes qui se poursuivent aujourd’hui [1]. Pourtant, les motivations d’Israël et la nature systématique des transferts de population n’ont pas été prises en compte. Par exemple, la Déclaration de principes de 1993 entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine, qui fait référence aux “réfugiés” comme l’une des questions à l’ordre du jour des négociations sur le statut permanent, ne fait aucune mention des milliers d’autres victimes déplacées ayant droit à réparation. (Inutile de dire que les droits des réfugiés n’ont pas été pris en compte et qu’aucun recours n’a été offert.)

Il est courant, dans les écrits sur la démarche fondée sur les droits, de se concentrer sur les réfugiés de guerre séparément des autres vagues de personnes déplacées. Dans le contexte palestinien, cependant, il est vital de situer les réfugiés de guerre dans le contexte global du conflit. Comme le note Raef Zreik, “les Palestiniens ont perdu non seulement leurs droits et leurs terres, mais aussi le contexte qui leur permet d’exiger ces droits d’une manière qui tienne la route” [2]. Les réfugiés palestiniens de 1947-1948 et 1967 ne peuvent être considérés “simplement” comme des réfugiés de guerre. Ils sont victimes d’une politique raciste de transfert de populations mise en œuvre sous le couvert de la guerre et d’autres groupes de victimes ont été créés conformément aux exigences de la même macro-politique.

L’application d’un cadre de justice transitionnelle au contexte israélo-palestinien peut remédier à l’absence de contexte identifié par Zreik. Le cadre de justice transitionnelle a déjà été utilisé dans d’autres conflits, mais il n’a pas été suffisamment étudié dans le cas de la Palestine, même s’il offre un moyen d’apporter totale réparation aux victimes de violations flagrantes des droits de l’homme, comme nous le verrons dans la dernière section du présent document d’orientation .

Les six méthodes israéliennes de déplacement forcé

Israël a utilisé son système juridique et ses institutions depuis sa création jusqu’à ce jour pour infliger des déplacements forcés dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) ainsi qu’en Israël. Ses méthodes peuvent être divisées en au moins six catégories générales et ont entraîné le déplacement permanent de Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte.

– Le recours à la violence en temps de guerre, comme ce fut le cas lors des guerres de 1948, 1956 et 1967, a créé l’un des problèmes de réfugiés les plus complexes au monde, ainsi qu’un nombre considérable de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

– La transformation des statuts personnels en Israël et dans les TPO de manière à exclure les résidents habituels ou les personnes qui devraient avoir droit au droit de résidence et le droit de vivre chez eux.

– Une planification urbaine et paysagère discriminatoire qui encourage l’expansion juive et réprime la construction palestinienne dans certaines zones telles que Jérusalem, la vallée du Jourdain et le désert du Néguev. En conséquence, des maisons et même des villages entiers sont démolis en tant que “constructions illégales”.

– La dépossession des Palestiniens de leurs biens en vertu de lois et de règlements discriminatoires qui entraînent l’expulsion forcée de familles de leur lieu de résidence.

– Les déportations sous justifications de sécurité et loi d’urgence. Cette méthode a été largement utilisée dans les TPO au début de l’occupation et est encore utilisée régulièrement.

– La création de conditions de vie insupportables dans certaines zones qui poussent la population civile à quitter ses maisons et à s’installer dans d’autres régions. Les villages de Sheikh Sa’ad à Jérusalem et d’Al-Nu’man en Cisjordanie, où les deux communautés ont été étouffées par la construction du chemin de séparation, en sont des exemples.

Les six méthodes de déplacement ont toutes contribué au déplacement forcé de la population civile palestinienne soit à l’intérieur des frontières de la Palestine/Israël soit au-delà des frontières internationales. On estime qu’à la fin de 2011, Israël avait déplacé de force environ 66 % de l’ensemble de la population palestinienne. Deux des méthodes utilisées par Israël – création de statuts personnels ad hoc et les plans d’urbanisme – sont examinées plus en détail ci-dessous.

Déplacement par le biais de la création de statuts personnels ad hoc

Au lendemain de la guerre de 1948, Israël a utilisé plusieurs/diverses définitions du statut personnel pour produire les changements démographiques nécessaires à la transformation de la minorité juive dans les régions qu’il avait conquises pendant la guerre en une majorité.
Il a introduit des lois discriminatoires en matière de citoyenneté pour empêcher tous les réfugiés d’acquérir la citoyenneté israélienne. Deux lois régissent la citoyenneté israélienne : la Loi du Retour de 1950 et la Loi de la citoyenneté de 1952. Ensemble, les deux lois donnaient à tous les Juifs du monde entier le statut privilégié de “ressortissants” juifs d’Israël avec le droit d’immigrer en Israël et de devenir citoyens à part entière, alors qu’elles accordaient la “citoyenneté” uniquement aux Palestiniens qui étaient restés en Israël [3]. Les lois excluaient tous les réfugiés palestiniens bien qu’ils et leurs aïeux aient résidé dans la région, devenue Israël, depuis des siècles avant la création de l’État. La loi israélienne de 1954 [4] de Prévention de l’Infiltration (infractions et juridiction) a également servi à criminaliser toute tentative de retour d’un/d’une réfugié(e) dans son foyer.

Au lendemain de la guerre de 1967, Israël a introduit des mesures similaires par le biais du système juridique militaire par lequel il gérait l’occupation. Peu après la guerre, au cours de laquelle environ un tiers de la population a été déplacé, Israël a procédé à un recensement dans les Territoires Palestiniens Occupés. Il a ensuite introduit un nouveau système de résidence palestinienne qui excluait toute personne n’ayant pas pris part au recensement, quels que soient ses liens avec les Territoires Palestiniens Occupés. Israël a ensuite promulgué un certain nombre d’ordonnances militaires de “prévention de l’infiltration” qui criminalisaient tout retour non autorisé d’une manière presque identique à celle prévue par la loi de 1954 susmentionnée, consolidant ainsi le déplacement des réfugiés de 1967.

La politique consistant à définir de nouvelles règles de résidence, puis à criminaliser tout Palestinien qui tentait de rentrer chez lui n’épuisait pas la création de statuts personnels en Israël. Après son occupation de la Cisjordanie et de Gaza, Israël a annexé Jérusalem-Est et introduit trois types différents de statut de résident pour la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Les habitants des TPO qui avaient été recensés ont reçu des cartes d’identité israéliennes (C I) de trois couleurs différentes : Rouge pour la Bande de Gaza, orange pour la Cisjordanie et bleue pour Jérusalem-Est. Les habitants de Jérusalem-Est ont obtenu le statut de résident permanent israélien et étaient régis par le droit interne israélien et sous compétence juridique israélienne, tandis que les autres habitants étaient considérés comme résidents de leur territoire et placés gouvernés par un régime militaire israélien.

Les deux systèmes juridiques prévoyaient des moyens de révoquer le statut de résident. En Cisjordanie et à Gaza, ceux qui se rendaient à l’étranger recevaient un permis de sortie du territoire assortie d’une date d’expiration. Si le voyageur ne revenait pas avant l’expiration de son permis son statut était alors requalifié comme “cessation de résidence” et il n’était pas autorisé à rentrer. Il a été mis fin à cette politique de révocation de résidence en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza après le début du processus de paix.

A Jérusalem-Est, la politique de révocation de résidence avait les mêmes effets que celle de Cisjordanie ou de la Bande de Gaza, bien qu’elle fût de la compétence du droit israélien et non du droit militaire. Les résidents de Jérusalem devaient aussi avoir un permis de sortie du territoire lorsqu’ils se rendaient à l’étranger et perdaient leur statut de résident s’ils ne revenaient pas avant l’expiration de leur permis. Toutefois, contrairement aux résidents de Cisjordanie et de Gaza, le processus de paix n’a apporté aucune protection aux résidents de Jérusalem. Bien au contraire, Israël a fait évoluer le cadre juridique de manière à permettre une accélération du rythme des révocations du statut de résident.

Avant le processus de paix, Israël révoquait le statut de résident des habitants de Jérusalem lorsqu’il était estimé qu’ils avaient “quitté Israël pour s’installer hors d’Israël” [5]. La Loi sur l’Entrée en Israël définissait l’installation hors d’Israël aux fins de révocation comme suit : vivre à l’étranger pendant 7 ans, obtenir un statut de résident dans un pays étranger, ou obtenir la citoyenneté de ce pays par naturalisation. Résider en Cisjordanie ou à Gaza n’était pas considérée comme une installation hors d’Israël.

Cependant, une fois le processus de paix engagé, Israël a soudainement modifié les règles de révocation sans introduire d’amendements légaux officiels et sans avertissement. Soudainement, il a commencé à utiliser un nouveau critère pour interpréter la résidence en dehors d’Israël appelé le “centre de vie”. Selon cette nouvelle politique, s’il était démontré que le “centre de vie” du Jérusalemite était en dehors d’Israël, alors il/elle est passible de voir sa résidence révoquée. Pire encore, la résidence en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza était considérée comme une résidence à l’étranger, mettant en danger la résidence de milliers de Palestiniens établis dans la banlieue de Jérusalem. Selon les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur israélien, les résidences de 14 152 Palestiniens ont été annulées entre 1967 et 2011, soit plus de 11 000 après le début du processus de paix. Ces chiffres sous-estiment grandement la perte de droits de résidence par les Palestiniens. Par exemple, elles n’incluent que des données partielles pour la période allant de 1967 à 1990, comme l’a noté le ministère de l’Intérieur israélien lui-même [6]. De plus, la politique contraignante du “centre de vie” a été et est appliquée de manière impitoyable.

Outre la révocation de la résidence, Israël a également introduit des limites à l’enregistrement des enfants. Ces limites ne s’appliquent pas uniquement aux résidents de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de Gaza; ils s’appliquent également aux citoyens palestiniens d’Israël. En ce qui concerne ses propres citoyens, Israël empêche l’octroi automatique de la citoyenneté aux enfants de citoyens israéliens nés à l’étranger. Bien que cela s’applique aux citoyens juifs et non juifs, un enfant juif peut toujours acquérir sa citoyenneté en vertu de la loi du “retour”, alors qu’un enfant non juif ne bénéficie pas de ce droit.

Les conditions régissant l’enregistrement des enfants de Jérusalem sont plus compliquées et plus restrictives. Étant donné que les habitants palestiniens de Jérusalem ne sont pas citoyens d’Israël, ils ne peuvent pas automatiquement transmettre leur droit de résidence à leurs enfants. Entre 1967 et 1994, le ministère de l’Intérieur israélien a refusé d’enregistrer les enfants de résidentes de sexe féminin au motif que les enfants devaient jouir du statut du père. Actuellement, si les deux parents sont résidents, le ministère de l’Intérieur enregistre l’enfant, mais ce droit n’est pas acquis. En fait, Israël a régulièrement renforcé les restrictions en matière d’octroi du statut de résident permanent aux enfants lorsqu’un seul parent est résident et si l’enfant est né à l’étranger, réduisant ainsi effectivement le nombre d’enfants inscrits à Jérusalem. En 2002, Israël a commencé à traiter les demandes d’enregistrement d’enfants de Jérusalemites nés à l’étranger comme cas d’unification familiale, comme c’était également le cas en Cisjordanie et à Gaza.

Dans le même temps, le gouvernement israélien a décidé de mettre fin au traitement des demandes de regroupement familial présentées par des citoyens palestiniens d’Israël ainsi que des Palestiniens de Jérusalem ainsi que par leurs épouses palestiniennes de Cisjordanie ou de la bande de Gaza. Israël a également rendu plus difficile l’enregistrement d’un enfant né en Israël si seulement l’un de ses parents était résident, une politique qui a affecté davantage les habitants de Jérusalem. Une organisation non gouvernementale palestinienne a estimé en 2003 que ces restrictions avaient entraîné plus de 10 000 enfants non enregistrés à Jérusalem-Est, mais il n’existe aucune autre source de données concernant les résultats de cet outil sous-estimé pour le déplacement forcé de Palestiniens. Il convient de noter que des restrictions similaires ont été introduites pour l’enregistrement des enfants en Cisjordanie et à Gaza, même après la création de l’Autorité palestinienne en 1994.

Déplacement forcé grâce aux plans d’urbanisme

La planification urbaine est une autre méthode qu’Israël utilise régulièrement des deux côtés de la Ligne verte depuis la création de l’État jusqu’à nos jours pour déplacer les Palestiniens et les remplacer par des colons juifs. Dans le désert du Néguev, par exemple, la majorité de la population civile a été déplacée pendant la guerre de 1948 et à la suite de déplacements forcés au cours des années cinquante. Pourtant, Israël cible toujours les habitants de cette région et la méthode de choix est actuellement l’urbanisme. Le gouvernement israélien a refusé de reconnaître des dizaines de villes et de villages bédouins palestiniens – dont certains existaient avant 1948, alors que d’autres avaient été créés à la suite de la politique de déplacement forcé d’Israël – et il est déterminé à mettre en œuvre un plan qui entraînerait la destruction de quelque 35 villages bédouins et à déplacer de force les Bédouins dans des espaces concentrés, “développant” la région pour l’expansion juive.

Il convient de noter que les Bédouins font également partie de la population palestinienne déplacée de force dans les territoires occupés afin de laisser la place à une colonisation juive, illégale au regard du droit international. Les Bédouins ont par exemple été continuellement déplacés aux alentours de Jérusalem pour étendre la colonie de Ma’ale Adumim, qui compte environ 40 000 colons juifs. Le gouvernement israélien envisage d’étendre encore la colonie en direction de Jérusalem. Cela va déplacer les Bédouins de la tribu des Jahhalin qui avaient déjà été chassés de Tal ‘Arad dans le Néguev.

On a beaucoup écrit sur la colonisation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, qui utilise des méthodes de planification urbaine similaires à celles décrites ci-dessus, mais il convient de noter le rôle particulièrement important que joue la planification urbaine pour déplacer les Palestiniens à Jérusalem-Est, illégalement annexée. Depuis le début de l’occupation de 1967, Israël a volé 35% des terres palestiniennes à Jérusalem-Est et les a attribuées à la colonisation juive. Israël a également eu recours à des politiques de zonage pour déclarer 22% des terres palestiniennes “des espaces verts” sur lesquels les Palestiniens n’étaient pas autorisés à construire. À l’heure actuelle, 13% seulement de la superficie totale de Jérusalem-Est est destinée à la construction palestinienne, et la majeure partie est déjà construite et habitée. Israël considère toute construction sans permis comme “illégale” et démolit fréquemment de telles constructions, provoquant le déplacement forcé des habitants.

Comme nous l’a vu dans les développements ci-dessus et dans les exemples donnés de méthodes de déplacement, la politique discriminatoire d’Israël en matière de déplacement forcé de Palestiniens a été systématique et continue, et est fondée sur la culture même de la création de l’État. L’importance de cette compréhension entrera en jeu lorsqu’un véritable processus de paix sera lancé. Dans le contexte palestinien, rien ne justifie de se concentrer uniquement sur les réfugiés de guerre et d’ignorer les victimes des différentes méthodes de déplacement, qui s’inscrivent toutes dans une politique délibérée visant à remplacer de force les habitants autochtones par des colonisateurs venus de la population juive israélienne existante ou de récents immigrants juifs.

Dès l’origine, une politique systématique de déplacement forcé

Comme nous l’avons vu dans le développement ci-dessus et dans les exemples donnés de méthodes de déplacement, la politique discriminatoire d’Israël en matière de déplacement forcé de Palestiniens a été systématique et continue, et est fondée sur la nature même de la création de l’État. L’importance de cette compréhension entrera en jeu lorsqu’un véritable processus de paix sera lancé. Dans le contexte palestinien, rien ne justifie de se concentrer uniquement sur les réfugiés de guerre et d’ignorer les victimes des différentes méthodes de déplacement, qui s’inscrivent toutes dans une politique délibérée visant à remplacer de force les habitants autochtones par des colonisateurs venus de la population juive israélienne existante ou d’immigrants juifs récents.

Un véritable processus de paix obligera à aller au-delà du cadre traditionnel des droits de l’homme et à appliquer un système de justice transitionnelle au conflit israélo-palestinien. Le cadre de justice transitionnelle offre une approche globale, non seulement pour fournir des mesures de réparation, mais également pour permettre l’identification des violations des droits de l’homme qui doivent être réparées. Au Timor-Oriental, par exemple, la Commission de vérité disposait d’un mandat détaillé lui permettant d’enquêter sur “le contexte, les causes, les antécédents, les motivations et les perspectives qui ont conduit aux violations”, ainsi que “s’il s’agissait d’une tendance systématique ou non” aux “abus” et “s’ils résultent d’une planification, d’une politique ou d’une autorisation délibérée de la part de l’État, de groupes politiques, de groupes de milices, de mouvements de libération ou d’autres groupes ou individus” [7].

Sans une compréhension aussi complète des violations, il serait impossible de compenser et rétablir dans leurs droits de manière significative les victimes de violations des droits de l’homme et de mettre fin aux crimes. Outre la multitude d’autres problèmes qui y sont associés, le “processus de paix” d’Oslo a totalement ignoré bon nombre des méthodes et des vagues d’expulsion et de transfert de civils; en effet, les déplacements forcés ont en réalité augmenté après le début du [soit-disant] processus de paix.

Les organisations de défense des droits de l’homme, les chercheurs et les intervenants sur le terrain devraient redéfinir le tableau à mesure qu’ils identifient les éléments à prendre en compte dans une phase de transition vers la paix et la justice dans le conflit israélo-palestinien. L’examen approfondi des violations des droits de l’homme est essentiel non seulement pour les comprendre mais aussi pour prescrire les mesures correctives appropriées, y compris les réformes juridiques et institutionnelles indispensables à un recours utile, comme le montrent les exemples donnés ci-dessus. Les erreurs d’Oslo ne doivent pas être répétées : aucune paix ne peut jamais être instaurée tant que des lois et des institutions discriminatoires sont en train de créer un nombre toujours plus grand de victimes.

Notes :

[1] Comme l’a écrit Nur Masalha, “la notion de transfert est née presque en même temps que le sionisme politique lui-même, avec l’espoir de Herzl de ‘d’évaporer la population sans le sou de l’autre côté de la frontière’ : Expulsion of the Palestinians: The Concept of “Transfer” in Zionist Political Thought 1882-1948_ (Washington: Institute for Palestine Studies, 1992), 207.
[2] “Palestine, Apartheid and the Rights Discourse,” _Journal of Palestine Studies_ 34, no. 1 (October 1, 2004): 78.
[3] Israël a accordé la citoyenneté à la plupart de ceux qui sont restés sur son territoire après la guerre. Cependant, il a accordé différentes catégories de citoyenneté sur la base de la “nationalité”, pour les Juifs, les Arabes, les Arméniens, les Druzes. À ce jour, le système juridique israélien détermine certains droits fondés sur la “nationalité”.
[4] On peut acquérir la citoyenneté par résidence s’il/elle: 1) avait été citoyen palestinien avant l’établissement de l’État d’Israël; (2) a été compté dans le recensement de 1952; (3) était un “habitant d’Israël”; et (4) était physiquement présent en Israël ou y était entré “légalement” entre le moment de la création de l’État et la promulgation de la loi. Cela a effectivement exclu les centaines de milliers de Palestiniens, forcés de devenir des réfugiés.
[5] Entry into Israel Regulations (1974), Article 11
[6] Pour un récapitulatif complet de la politique draconienne d’Israël à l’égard du droit de résidence des Palestiniens, voir le document ici.
[7] Commission Reception, Truth and Reconciliation à Timor-Oriental, document ici.

* Munir Nuseibah, analyste politique pour Al-Shabaka, est un avocat spécialiste des droits de l’homme basé à l’Université Al-Quds de Jérusalem, en Palestine occupée. Il est professeur assistant à la faculté de droit de l’université Al-Quds.


18 juin 2013 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – MJB & Lotfallah