
28 mai 2025 - Des milliers de Palestiniens reviennent d'un site de distribution d'aide humanitaire géré par une nouvelle entreprise soutenue par les États-Unis à Rafah, dans le sud de Gaza, après s'être précipités pour recevoir des denrées alimentaires dont ils ont désespérément besoin. Un Palestinien a été abattu ce matin d'une balle dans le cœur par l'armée israélienne alors qu'il cherchait de l'aide. L'entreprise, Gaza Humanitarian Foundation, a été largement critiquée pour son manque d'expérience dans la distribution d'aide humanitaire et a provoqué le chaos, faisant environ 50 blessés et un mort au cours des deux premiers jours. Dans le même temps, des organisations humanitaires et onusiennes expérimentées et établies de longue date ont été empêchées d'intervenir et des cuisines solidaires ont été prises pour cible. Le blocus israélien sur l'aide humanitaire, qui dure depuis 11 semaines, a poussé la population de Gaza, qui compte plus de 2 millions d'habitants, vers la famine, aggravant la crise humanitaire. La semaine dernière, les premières aides ont commencé à arriver au compte-gouttes dans l'enclave assiégée - Photo : @doa.aalbaz / Activestills
Netanyahu fait face à une pression croissante de la part des États européens, qui brandissent notamment la menace de sanctions. La question qui reste en suspens est de savoir si Trump laissera réellement l’Europe agir ou s’il protégera une fois de plus Israël de toute responsabilité.
Les preuves de la tension dans le soutien occidental au génocide et à l’agression régionale d’Israël continuent de s’accumuler, mais elles restent malheureusement insuffisantes pour exercer une pression suffisante sur Israël afin qu’il mette fin au génocide constant et généralisé des Palestiniens.
Comme souvent, l’administration du président Donald Trump a envoyé des messages contradictoires pendant le week-end du Memorial Day. Les premières informations indiquaient que les États-Unis étaient parvenus à un accord avec le Hamas sur un cessez-le-feu temporaire. Les porte-parole israéliens se sont alors empressés de démentir tout accord devant les médias, craignant apparemment que Trump ne fasse pression sur Israël pour qu’il l’accepte.
Israël ayant présenté toute tentative d’accord comme un affrontement entre « le Hamas et les États-Unis contre Israël », le négociateur en chef de Trump, Steve Witkoff, a rapidement fait marche arrière, déclarant qu’un accord était sur la table mais que le Hamas ne l’avait pas encore accepté, soit exactement le contraire de ce qui avait été annoncé précédemment.
Mercredi, Witkoff a annoncé qu’il avait présenté une nouvelle « liste de conditions » que Trump était en train d’examiner et qu’il espérait envoyer le jour même. Le conseiller stratégique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Ron Dermer, avait examiné cette liste.
Mais cela ne garantit en aucun cas qu’Israël l’acceptera. Dermer a peut-être donné son accord à Witkoff, mais c’est Netanyahu qui décidera de la marche à suivre, et sa décision dépendra des besoins du moment.
Ayant déjà constaté que Witkoff et Trump éviteront de donner l’impression de prendre le parti du Hamas contre Israël, il trouvera le moyen de rejeter cette proposition sans paraître défier Trump.
La question sera alors de savoir dans quelle mesure cela mettra en colère le président américain, connu pour son caractère imprévisible.
Pourquoi Netanyahu pourrait accepter une nouvelle trêve temporaire
En fin de compte, l’objectif de Netanyahu est de détruire Gaza et d’expulser autant que possible la population survivante. Il veut une bande de Gaza qu’Israël puisse contrôler en permanence avec le moins de Palestiniens possible — et que ceux qui pourraient rester soient définitivement découragés de résister.
Les propositions de Witkoff et Trump pour un cessez-le-feu ne sont que de sinistres tromperies
Netanyahu n’a aucun problème à prendre tout le temps nécessaire pour y parvenir. Lorsque le génocide (appelé « la guerre » en Israël) prendra fin, il devra rendre des comptes pour sa propre corruption, pour les échecs catastrophiques de son gouvernement le 7 octobre 2023, pour ses attaques contre le système judiciaire israélien et pour son leadership diviseur.
Plus il maintiendra Israël dans un état de « guerre » – que ce soit à Gaza ou avec l’Iran – plus il aura de chances de trouver des moyens d’échapper à cette obligation de rendre des comptes, à court et à long terme.
Netanyahu marche donc sur une corde raide. Chaque déclaration de cessez-le-feu risque de mettre définitivement fin au conflit, car les alliés d’Israël s’impatientent face aux effets du génocide, même s’ils n’accordent pas beaucoup de valeur à la vie des Palestiniens.
Israël viole systématiquement les cessez-le-feu, mais, comme on le voit au Liban, cela est considéré comme normal par la société israélienne et, tant que la violence reste en dessous d’un certain niveau, cela ne dérange pas la plupart des pays du monde.
Israël a régulièrement frappé Gaza, le Liban, les camps de réfugiés en Cisjordanie et la Syrie avant qu’ils ne soient en « guerre ». Ces actions n’aident donc pas Netanyahu à maintenir l’état de guerre dont il a besoin.
Lorsque Netanyahu accepte ces « quasi-cessez-le-feu », c’est qu’il a l’intention de revenir rapidement à un génocide à grande échelle. Si l’histoire est un guide dans cette horreur, c’est qu’il a l’intention de rendre la situation encore pire qu’elle ne l’était auparavant.
Mais il est désormais confronté à des pressions auxquelles il n’avait pas à s’inquiéter auparavant. Celles-ci proviennent principalement d’Europe. Même si le mantra selon lequel les États-Unis sont la seule instance capable de faire réellement pression sur Israël, Netanyahu ne peut se permettre d’ignorer trop longtemps le marché européen.
Le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, a même élevé la voix, déclarant : « Les frappes militaires massives des Israéliens dans la bande de Gaza ne révèlent plus aucune logique à mes yeux… Mais il m’a semblé et me semble toujours que le moment est venu où je dois dire publiquement que ce qui se passe actuellement n’est plus compréhensible. La population civile est touchée de manière excessive. » [Connaissant la nature jusqu’au-boutiste et profondément obtue des dirigeants allemands, cette déclaration toute alambiquée est à noter… [N.dT]]
Si un citoyen allemand lambda avait tenu ces propos, il aurait peut-être été arrêté, étant donné que l’Allemagne a complètement transformé la définition de l’antisémitisme en antisionisme, et rien d’autre. Aujourd’hui, c’est le chancelier lui-même qui le dit. C’est un changement radical, et il n’est pas isolé.
J’ai rendu compte la semaine dernière de la possible révision par l’Europe de son accord commercial avec Israël.
En outre, des rumeurs circulent selon lesquelles le Royaume-Uni, la France et d’autres États européens clés pourraient reconnaître l’État de Palestine lors d’une conférence organisée par les Nations unies sous le nom de « Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question palestinienne et la mise en œuvre de la solution à deux États », qui se tiendra du 2 au 4 juin à New York.
Les Israéliens sabotent d’emblée tout espoir de cessez-le-feu
Israël a été suffisamment effrayé par la perspective que d’autres pays européens reconnaissent la Palestine pour menacer d’annexer la zone C de la Cisjordanie si le Royaume-Uni et la France reconnaissaient un État palestinien.
Étant donné que la récente décision d’Israël de retirer toutes les procédures d’enregistrement foncier à l’Autorité palestinienne équivaut de toute façon à une annexion de facto, certains pourraient ne pas considérer cette menace comme très sérieuse.
Mais la déclaration ouverte d’annexion par Israël et la reconnaissance d’un État palestinien par ses plus proches alliés européens – malgré l’impossibilité sur le terrain d’un tel État – modifieraient radicalement le paysage diplomatique, bien que de manière différente.
Les raisons pour lesquelles Israël s’oppose à la reconnaissance de la Palestine sont évidentes. Mais même eux préféreraient ne pas avoir à annoncer officiellement l’annexion de la Cisjordanie, car cela pourrait avoir de graves conséquences sur les accords commerciaux avec l’Europe et certains États arabes, ainsi que des répercussions politiques dans le monde entier.
Même certains Américains, en particulier les démocrates qui s’accrochent désespérément à des fictions telles que la solution à deux États, pourraient ne pas être en mesure de maintenir leur soutien inconditionnel à Israël si celui-ci annexait la Cisjordanie.
La position ambiguë de Trump
L’administration Trump s’est montrée très discrète sur toute cette affaire. Mais les fissures dans les relations entre Trump et Netanyahu continuent de s’accentuer.
Netanyahu brandit la menace militaire contre l’Iran, tandis que Trump tente de négocier un accord avec la République islamique. Mercredi, Trump a déclaré aux journalistes qu’il avait dit à Netanyahu lors de leur conversation de la semaine précédente que frapper l’Iran « ne serait pas approprié pour le moment, car nous sommes très proches d’une solution ».
Si cela semble plutôt mesuré, un rapport précédent décrivait cet appel téléphonique comme « houleux » et laissait entendre que les informations selon lesquelles les deux hommes étaient sur la même longueur d’onde concernant l’Iran visaient à dissimuler le fait qu’ils avaient en réalité de profonds désaccords sur la question.
Cette hypothèse a été renforcée lorsque la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a qualifié sa propre rencontre avec Netanyahu de « très franche », ce qui est souvent un euphémisme diplomatique pour désigner un désaccord.
Un rapport publié mercredi indiquait que Ron Dermer et le chef du Mossad, David Barnea, ont été dépêchés à Washington pour informer les collaborateurs de Trump qu’Israël ne se considérerait pas lié par un accord conclu par Trump avec l’Iran si celui-ci contournait Israël.
C’était également la position d’Israël concernant l’accord nucléaire conclu par Barack Obama avec l’Iran.
Mais si Netanyahu peut adopter un ton provocateur, il n’en reste pas moins qu’Israël ne peut pas attaquer l’Iran sans l’aide des États-Unis, et s’il tente de le faire, Trump est très susceptible de se retourner contre Netanyahu comme il ne l’a jamais fait auparavant.
Il est certain que Trump ne tolérera pas que Netanyahu perturbe intentionnellement ses plans pour la région et, pire encore, qu’il l’embarrasse en provoquant une flambée des prix du pétrole, qui serait inévitable en cas d’attaque majeure contre l’Iran.
Et, bien que Trump ne veuille pas donner l’impression de se ranger du côté du Hamas contre Israël, il a également continué à demander à Witkoff de poursuivre ses efforts en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Cela résulte sans aucun doute des efforts des alliés arabes de Trump dans le Golfe, qui font pression pour mettre fin au génocide.
L’escalade des tensions régionales par Israël va à l’encontre des efforts des États arabes du Golfe pour développer leurs économies et rehausser le profil de leur région sur la scène internationale.
Les actions d’Israël risquent d’accroître l’instabilité au Yémen et en Iran, compliquant les efforts de l’Arabie saoudite et d’autres pays pour apaiser les tensions entre eux et l’Iran. Elles risquent également d’attiser l’instabilité interne dans tout le monde arabe.
Tout cela n’est dans l’intérêt ni des dirigeants arabes du Golfe ni de Trump, qui entretient de solides liens économiques avec eux.
Les Israéliens s’acharnent sur un champ de ruines, sur fond de famine délibérement provoquée
Trump préférerait clairement pousser Netanyahu vers un cessez-le-feu qui satisfasse à la fois la droite israélienne et sa propre base électorale. Mais cela nécessite un accord qui donne en premier à Israël le contrôle permanent de Gaza et prévoit l’expulsion de la majeure partie de la population hors de Palestine.
Ainsi, pour l’instant, Trump est pris entre deux forces contraignantes : les sionistes d’extrême droite – juifs et chrétiens, israéliens et américains – qui constituent sa base politique, et ses partenaires arabes du Golfe avec lesquels il fait des affaires.
Trump ne s’est pas opposé aux plans d’Israël visant à forcer les personnes restant à Gaza à s’installer dans de minuscules enclaves au sein de la bande de Gaza, les transférant ainsi d’une prison à ciel ouvert vers plusieurs camps de concentration à ciel ouvert.
Mais il souhaite également que cessent les images effroyables de nourrissons affamés ou brûlés qui ne cessent d’affluer.
Trump poursuit donc le cessez-le-feu temporaire, mais s’abstient également de contrer les pressions européennes sur Israël, du moins pour le moment.
Bien qu’il n’y ait aucune indication et, de manière réaliste, aucune chance que les États-Unis se joignent à la reconnaissance d’un État palestinien, si l’équipe de Trump ne s’efforce pas activement non seulement de s’opposer à cette idée à New York la semaine prochaine, mais aussi de faire échouer toute tentative de reconnaissance de la Palestine, cela en dira long sur la façon dont elle perçoit les préoccupations d’Israël.
Il est également tout à fait possible que les efforts de Witkoff pour négocier un cessez-le-feu temporaire visent à contrecarrer les projets européens de reconnaissance et de sanctions commerciales potentielles contre Israël.
S’il parvient à pousser à un tel accord, il est fort probable que cela suffise à l’Europe pour mettre en pause une action déjà insuffisante et bien tardive.
La semaine prochaine apportera des réponses à certaines de ces questions. Trump, probablement embarrassé par l’échec public du plan – voué à l’échec – visant à assurer la distribution d’une aide symbolique par des mercenaires américains à Gaza, ne fait pas de Gaza une priorité.
Il est donc possible qu’il laisse l’Europe agir, surtout s’il estime que Netanyahu a besoin de se voir rappeler qui est le patron.
Auteur : Mitchell Plitnick
* Mitchell Plitnick est le président de ReThinking Foreign Policy. Il est le co-auteur, avec Marc Lamont Hill, de Except for Palestine : The Limits of Progressive Politics. Mitchell a notamment été vice-président de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient, directeur du bureau américain de B'Tselem et codirecteur de Jewish Voice for Peace.Son compte Twitter.
29 mai 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine