Sondage : pour les Israéliens, le génocide est totalement dans la norme

28 août 2025 - Une Palestinienne blessée tient son enfant dans une ambulance après une attaque brutale menée par des colons israéliens masqués et armés de bâtons dans le village de Qawawis, à Masafer Yatta, dans le sud-ouest de la Cisjordanie. Plusieurs habitants palestiniens et trois militants solidaires ont été transportés à l'hôpital. Au cours de l'attaque, les colons ont pulvérisé du gaz poivré à l'intérieur des maisons, s'en prenant aux enfants et aux personnes âgées - Photo : Omri Eran Vardi / Activestills

Par Diana Buttu

Un sondage récent révèle que la « fièvre génocidaire » qui s’est emparée de la société israélienne a atteint son aboutissement logique : « Si nous pouvons tous les éliminer, pourquoi pas ? »

Quatre-vingt-deux. C’est le pourcentage d’Israéliens juifs qui soutiennent le nettoyage ethnique des Palestiniens de Gaza, comme le révèle un sondage commandé plus tôt cette année par l’université d’État de Pennsylvanie. Oui, 82 %.

Dans le même sondage, 56 % soutiennent le nettoyage ethnique des Palestiniens qui vivent en tant que « citoyens » en Israël, dont 66 % des moins de 40 ans. Cela signifie que sur mes dix voisins à Haïfa, près de six souhaitent que ma famille et moi-même disparaissions, et huit souhaitent voir Gaza faire l’objet d’un nettoyage ethnique.

Dans le même temps, près de la moitié des Israéliens juifs (47 %) sont d’accord pour dire que « lorsqu’elles conquièrent une ville ennemie, les Forces de défense israéliennes devraient agir comme les Israélites l’ont fait à Jéricho sous le commandement de Josué, c’est-à-dire tuer tous ses habitants ».

La fièvre génocidaire a désormais atteint sa conclusion logique : « Si nous pouvons tous les éliminer, pourquoi pas ? » (Pour être clair, il y a eu des tentatives pour minimiser l’enquête de Penn State en affirmant que seulement 53 % des personnes interrogées soutiennent le nettoyage ethnique de Gaza, en se référant à un autre sondage réalisé à peu près à la même période. Même ainsi, cela représente plus de la moitié des Israéliens.)

Suis-je surprise ? Absolument pas. Depuis sa création en tant qu’État, Israël a toujours été une société fondée sur la déshumanisation des Palestiniens. Comme je l’ai dit à maintes reprises, il est impossible qu’une personne puisse vivre dans la maison d’une autre, sur la terre d’une autre, et détruire la patrie, les communautés et la vie d’autres personnes sans une déshumanisation profondément enracinée.

Je le constate dans la manière dont la couverture médiatique israélienne du génocide perpétré par Israël et les déclarations officielles du gouvernement israélien ont évolué au fil du temps.

Je me souviens par exemple, au début de l’attaque israélienne contre Gaza, de la manière dont l’armée israélienne a tenté de justifier sa politique de destruction des maisons. « Un missile a été tiré depuis ce site » ou « C’était la maison d’un membre du Hamas » étaient les excuses (toujours incontestées) que l’armée israélienne donnait non seulement à la presse étrangère, mais aussi aux Israéliens.

Au fil du temps, ces excuses ont complètement disparu et, à la place, nous voyons désormais les Israéliens publier fièrement photo après photo, vidéo après vidéo, des images de zones entières de Gaza complètement rasées.

« Tout comme nous avons rasé Rafah, nous raserons tout Gaza », a déclaré le ministre des Finances ultranationaliste israélien Bezalel Smotrich. Il n’y a plus d’excuses, juste la destruction pure et simple des maisons palestiniennes, comme si elles n’étaient que de simples obstacles.

Les Israéliens ignorent commodément que ces maisons étaient habitées, qu’elles étaient des lieux de refuge et qu’elles renfermaient des années de souvenirs.

De même, alors que nous avons vu autrefois des dénégations ou des excuses pour les bombardements israéliens des hôpitaux palestiniens, 20 mois plus tard, les 36 hôpitaux de Gaza ont tous été bombardés ; plus besoin d’excuses.

De même, j’ai observé avec stupéfaction la mise en place du plan de famine de masse à Gaza par Israël. Au début de l’attaque israélienne contre Gaza, nous avons entendu Yoav Gallant, alors ministre de la Défense et aujourd’hui recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, parler de couper l’approvisionnement en eau, en carburant, en nourriture et en électricité.

Les Israéliens n’ont manifesté aucune horreur.

Au fil du temps, nous avons entendu des commentateurs justifier la famine des Palestiniens devant des journalistes toujours acquiesçants et un public qui ne remettait rien en question.

Là encore, aucune expression d’indignation ou d’horreur. Au contraire. Les préoccupations mondiales concernant la famine à Gaza sont accueillies par des déclarations telles que « ne commencez pas des guerres que vous ne pouvez pas gagner » ou « dites-leur de libérer les otages », comme si les enfants déclenchaient des guerres ou retenaient quelqu’un captif.

Écrivez que des enfants palestiniens sont incinérés dans leurs tentes par des bombes israéliennes, et vous obtiendrez en réponse : « Bonne nouvelle ! Ils le méritent. Continuez ! »

De nombreux Israéliens en sont venus à croire sincèrement qu’« il n’y a pas d’innocents à Gaza », comme l’ont exprimé de nombreux commentateurs et officiels. En effet, tout peut être justifié aujourd’hui, et les résultats du sondage le montrent.

Les soldats israéliens ne refusent pas les ordres illégaux, qu’il s’agisse d’affamer les Palestiniens, de les abattre alors qu’ils cherchent de la nourriture ou de bombarder des zones d’habitations.

Seuls 9 % des hommes de moins de 40 ans ne soutenaient pas la déportation et l’extermination dans le sondage de Penn State. Il n’est donc pas étonnant que nous voyions ce que nous voyons.

Au fil du temps, j’ai vu les Israéliens passer (dans le meilleur des cas) de l’indifférence au génocide qu’ils perpétraient à la joie qu’ils en tiraient.

Au début de l’attaque israélienne contre Gaza, par exemple, j’ai remarqué que les médias israéliens ont pris les devants en utilisant l’expression « ministère de la Santé dirigé par le Hamas » pour minimiser le nombre de personnes tuées par Israël, et en associant le mot « terroristes » à chaque personne tuée à Gaza. Rapidement, les chiffres ont complètement disparu de nos écrans.

Récemment, cependant, les chiffres ont été rapportés d’une manière différente : les Israéliens s’en réjouissent.

Le 16 mai, alors qu’Israël avait tué plus de 100 Palestiniens, un parlementaire israélien, c’est-à-dire un élu, s’est exclamé à la radio : « Ce soir, nous avons tué près de 100 personnes à Gaza et personne ne s’en soucie, car tout le monde s’est habitué au fait que 100 Palestiniens peuvent être tués en une seule nuit pendant la guerre. »

Pourtant, l’utilisation du terme « génocide » suscite une colère extrême et des accusations d’antisémitisme. Les Israéliens se moquent de cette idée, car le génocide ne peut être commis qu’à leur encontre. Peu importe qu’Israël ait tué au moins 55 998 Palestiniens ; peu importe qu’Israël ait rasé 90 % des maisons à Gaza ; peu importe que l’armée israélienne ait détruit les infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement ; peu importe que des Palestiniens soient abattus alors qu’ils cherchaient un sac de farine – tout cela n’a aucune importance pour eux.

Ainsi, alors qu’ils se réjouissent du massacre des Palestiniens, avec des autocollants qui fleurissent dans tout le pays et sur lesquels on peut lire « Finissons-en avec eux », nous ne sommes pas autorisés à qualifier les actions d’Israël de… quoi que ce soit.

De nouveaux autocollants, dont un à l’arrière du scooter d’un livreur de repas aux cheveux longs, aux dreadlocks et tatoué, proclament « Resettle Gaza Now » (Recolonisez Gaza maintenant), en référence au projet de la droite de construire des colonies israéliennes à Gaza.

Les Israéliens sont soit des apologistes du génocide, soit des négationnistes du génocide, tout comme ils étaient soit des partisans de la Nakba, soit des négationnistes de la Nakba.

Certaines des façons « plus soft » de soutenir le nettoyage ethnique sont déguisées en manipulation mentale : « Gaza est invivable, il vaut donc mieux pour eux d’aller ailleurs », tel est le raisonnement.

Bien sûr, ils ignorent que Gaza est invivable À CAUSE des actions d’Israël.

Mais ce serait une erreur de lier ce soutien à 82 % au nettoyage ethnique uniquement à ce génocide. Depuis longtemps, la politique israélienne consiste à nous chasser d’une manière ou d’une autre.

Le défunt Premier ministre israélien Yitzhak Rabin (qui, selon les normes israéliennes, était considéré comme « de gauche », mais qui, selon toutes les autres normes, serait qualifié de fasciste) a un jour déclaré : « J’aimerais que la bande de Gaza sombre dans la mer, mais cela n’arrivera pas et il faut trouver une solution. »

Il semble que la solution ait été trouvée : le nettoyage ethnique et le soutien généralisé dont il bénéficie, tant parmi les communautés religieuses que parmi les laïcs. Par exemple, 70 % des personnes interrogées dans le cadre du sondage de Penn State qui se sont identifiées comme « laïques » ont déclaré soutenir le nettoyage ethnique de Gaza.

Tout aussi inquiétant, 65 % des Israéliens juifs croient en un Amalek moderne, c’est-à-dire en l’existence d’un ennemi qui doit être complètement anéanti – y compris les bébés, leurs biens, leurs animaux – tout.

Parmi eux, 93 % affirment que le commandement biblique de détruire Amalek reste d’actualité. Choquant – et pourtant pas vraiment. C’est pourquoi Netanyahu a invoqué les références bibliques à Amalek pour justifier le génocide perpétré par Israël.

Comme me l’a récemment dit un ami, « les oppresseurs ne peuvent pas s’arrêter, surtout après avoir franchi le point de non-retour, après avoir commis des crimes impardonnables – ils doivent déshumaniser leurs victimes qui leur rappellent jour et nuit leurs crimes ».

En effet, notre simple présence continue de leur rappeler qu’ils ne sont pas indigènes sur cette terre, que c’est nous qui le sommes – et que, par conséquent, pour vivre à notre place, nous devons être éliminés.

24 juin 2025 – Substack – Traduction : Chronique de Palestine

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