Quand Israël tue les médecins palestiniens

Abdullah Abu al-Teen, un médecin travaillant à l'hôpital gouvernemental Khalil Suleiman, a été froidement abattu vendredi par un sniper israélien, alors qu'il tentait de soigner des blessés lors d'un raid israélien à Jénine, en Cisjordanie occupée. Abdullah Abu al-Teen, était marié et le père de trois enfants - Photo : via Twitter

Par Zena al-Tahhan

Depuis le début de l’année, au moins 160 Palestiniens ont été assassinés par les forces israéliennes d’occupation en Cisjordanie occupée.

Ramallah, Cisjordanie occupée – Les forces israéliennes d’occupation ont abattu deux Palestiniens, dont un médecin, lors d’un raid dans la ville de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

Le ministère palestinien de la santé a identifié le médecin comme étant Abdullah Abu al-Teen, âgé d’une quarantaine d’années, et a déclaré qu’il avait été abattu d’une balle dans la tête par les forces israéliennes d’occupation vendredi matin [14 octobre] devant l’hôpital public de Jénine.

La seconde victime vendredi matin est Mateen Dabaya, âgée de 20 ans, a déclaré un porte-parole du ministère de la Santé à Al Jazeera.

Dans un communiqué, les Brigades de Jénine, un groupe de résistance armée palestinien formé l’année dernière, ont identifié Dabaya comme un commandant local de leur groupe. Dabaya a été tué d’une balle dans la tête, a déclaré le porte-parole du ministère, Mohammad Awawdeh.

Les meurtres ont eu lieu peu de temps après que des dizaines de véhicules blindés israéliens ont lancé un raid sur Jénine vendredi matin, au cours duquel des affrontements armés et des confrontations ont éclaté avec les forces israéliennes.

Des vidéos partagées par des journalistes locaux montrent les forces israéliennes tirant sur des équipes d’ambulanciers.

Au moins cinq autres Palestiniens ont été blessés par des tirs à balles réelles vendredi matin à Jénine, selon le ministère de la santé.

Plus tôt dans la journée, l’agence de presse nationale Wafa a annoncé qu’un adolescent palestinien avait succombé aux blessures qu’il avait subies lors de son arrestation par les forces israéliennes le mois dernier.

Wafa, ainsi que la Commission des détenus de l’Autorité palestinienne, l’ont identifié comme étant Mohammad Maher Ghawadreh, âgé de 17 ans.

Ghawadreh, originaire du camp de réfugiés de Jénine, est décédé alors qu’il était traité à l’hôpital Tel Hashomer en Israël. Il avait été capturé après avoir tiré contre un bus rempli de soldats israéliens dans la vallée du Jourdain occupée, faisant sept blessés, le 5 septembre dernier.

Multiplication des attaques par les colons

Les tensions sur le terrain entre les Palestiniens d’une part, et les forces israéliennes d’occupation et les colons d’autre part, se sont intensifiées au cours de la semaine dernière.

Samedi, un soldat israélien a été tué par un Palestinien lors d’une fusillade au poste de contrôle principal du camp de réfugiés de Shuafat, à Jérusalem-Est occupée.

Les forces israéliennes ont imposé pendant quatre jours un blocus au camp et à ses environs, où vivent quelque 130 000 Palestiniens, tout en recherchant un suspect identifié, toujours en fuite.

Les résidents du camp et des zones environnantes ont appelé les Palestiniens à se mobiliser et ont lancé une grève générale mercredi pour faire pression en faveur de la levée du siège, qui a été lentement levé jeudi matin.

Mercredi et jeudi, des affrontements ont éclaté avec les forces israéliennes d’occupation et les colons dans des dizaines de quartiers, villes et villages de Jérusalem-Est et de Cisjordanie occupées.

Un jeune Palestinien, Osama Adawi, 18 ans, a été assassiné par l’armée israélienne lors des affrontements de mercredi dans le camp de réfugiés d’Arroub, au nord de la ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, des dizaines de colons israéliens criant « Mort aux Arabes » ont attaqué des habitants et leurs biens dans le quartier palestinien de Sheikh Jarrah, situé à Jérusalem-Est occupée.

Le Croissant-Rouge palestinien a indiqué que ses équipes médicales avaient pris en charge 20 blessés suite à des agressions physiques et des jets de pierres par des colons, dont cinq ont été transférés à l’hôpital pour y être soignés.

Un Palestinien a eu le bras cassé, tandis qu’un autre, un homme de 48 ans, souffre d’une hémorragie interne due à des fractures du crâne et est actuellement hospitalisé.

Mahmoud Ramadan, un résident de Sheikh Jarrah, a déclaré que l’escalade de la violence de jeudi soir était grave.

« Il n’y a plus rien à part qu’ils commencent à faire des descentes dans nos maisons sous la protection de la police. Ils ont utilisé des pierres, des tuyaux, du gaz poivré », a déclaré Ramadan à Al Jazeera.

« ls nous frappaient et cassaient nos voitures sous les yeux de la police et devant les caméras de surveillance », a-t-il poursuivi, ajoutant que les forces israéliennes ont arrêté au moins 10 jeunes Palestiniens du quartier.

« Les pierres qu’ils jetaient pouvaient tuer quelqu’un. Ils arrivent de manière monstrueuse, comme s’ils étaient prêts à tuer. Nous n’avons aucune confiance dans la police israélienne pour nous protéger, tout comme nous n’avons aucune confiance dans les tribunaux israéliens », a-t-il ajouté.

Selon des journalistes locaux, Itamar Ben-Gvir, membre d’extrême-droite du parlement israélien (Knesset) et l’un des hommes politiques les plus populaires, a fait une descente à Sheikh Jarrah avec les colons dans la nuit de jeudi à vendredi. Ben-Gvir a sorti une arme à feu et a dit aux colons : « Si [les Palestiniens] jettent des pierres, tirez-leur dessus », selon les journalistes.

Une situation horrible

Mardi et mercredi, des bandes de colons israéliens armés ont également attaqué des habitants, des maisons et des magasins dans la ville palestinienne de Huwarra, au sud de Naplouse, en Cisjordanie occupée.

Wajeeh Odeh, membre du conseil local, a déclaré que des colons israéliens armés de fusils, de pierres et de tuyaux ont brisé des vitrines de magasins, des voitures et agressé physiquement des résidents sous la protection des forces israéliennes. L’attaque a été documentée dans des vidéos partagées par des journalistes.

« Les attaques se poursuivent depuis deux jours d’affilée, avec le soutien de l’armée israélienne », a déclaré Odeh à Al Jazeera. « Certains habitants ont été physiquement battus, tandis que des jeunes ont été blessés avec des pierres et du gaz poivré. »

Odeh a déclaré que les colons et l’armée israélienne ont tiré à balles réelles en direction des habitants et en l’air, mais qu’il n’y a pas eu de blessés par balles.

« Les colons tiraient à balles réelles devant les soldats », a-t-il poursuivi. « Cela crée un état d’horreur pour les gens ».

Entre 600 000 et 750 000 colons israéliens vivent dans au moins 250 colonies illégales dispersées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées. La majorité de ces colonies ont été construites par le gouvernement israélien ou ont été « légalisées » rétroactivement par celui-ci.

Israël a mené des raids quasi quotidiens en Cisjordanie, principalement dans les villes de Jénine et de Naplouse, où la résistance armée palestinienne s’organise de plus en plus.

Les fusillades et les exécutions de soldats par des Palestiniens se sont multipliés au cours du mois dernier.

Mardi, un soldat israélien a été abattu près de la colonie illégale de Shavei Shomron, au nord-ouest de Naplouse, dans une fusillade perpétrée par un Palestinien à bord d’un véhicule qui transitait.

Les forces israéliennes d’occupation ont fermé toutes les routes menant à Naplouse, qui se trouve sur la route principale entre Jénine et Ramallah, et ont fortement limité les déplacements pendant deux jours après la fusillade.

Le groupe armé « L’antre du lion » de Naplouse a revendiqué l’attaque.

Selon le ministère palestinien de la Santé, au moins 160 Palestiniens ont été assassinés depuis le début de l’année par les forces israéliennes d’occupation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées illégalement, dont 51 pendant l’assaut israélien de trois jours sur Gaza en août.

Des groupes de défense des droits, locaux et internationaux, ont condamné ce qu’ils appellent l’usage excessif de la force par Israël et sa politique du « tirer pour tuer » contre des Palestiniens, y compris des assaillants présumés, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, qu’Israël a occupées en 1967.

De hauts responsables politiques israéliens ont encouragé « les soldats et les policiers israéliens à tuer les Palestiniens qu’ils soupçonnent d’avoir attaqué des Israéliens, même lorsqu’ils ne représentent plus une menace », selon Human Rights Watch.

14 octobre 2022 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine