Prêt à tout, Netanyahou ouvre les bras à l’extrême-droite raciste et xénophobe

Photo : courtesy Christian Peacemakers Team
Hébron 2017 : des colons bénéficient de la protection de l'armée d'occupation pour s'incruster violemment dans la ville palestinienne. Voleurs et criminels, les sionistes n'ont de cesse d'exproprier et spolier les Palestiniens - Photo : courtesy Christian Peacemakers Team

Par Jonathan Cook

Après une décennie de gouvernements de coalition dirigés par Benjamin Netanyahou, il est nécessaire d’adopter un vocabulaire forcément plus extrême pour en parler.

Au début, ils étaient à droite. Puis ultra-nationalistes. Récemment, des analystes ont commencé à dire de Netanyahou qu’il dirigeait une coalition d’extrême droite. Il semblerait, maintenant que nous ayons à aller plus loin encore.

S’il devait gagner les élections en avril, le prochain gouvernement de Netanyahou sera un gouvernement qui accueille à bras ouverts la droite terroriste.

La semaine dernière, la Commission électorale centrale, organisme qui supervise le processus électoral et est dominé par les principales factions politiques, a donné le feu vert à Otzma Yehudit (Pouvoir juif) pour qu’il se présente aux élections législatives.

De nombreux observateurs en ont été choqués, parce que ce parti est à juste titre décrit comme la version juive du Ku Lux Klan.

Mais Otzma Yehudit n’espérera pas seulement remporter des sièges à la Knesset. Grâce à Netanyahou, il a maintenant de bonnes chances de faire partie du prochain gouvernement.

Suprématistes juifs

Le parti, fondé il y a six ans, est un refuge politique pour un groupe de disciples de feu le rabbin Meir Kahane. Lui et ses partisans sont souvent qualifiés de racistes anti-arabes, mais de nos jours ce qualificatif s’applique à un large éventail de l’opinion publique en Israël. Il est plus judicieux de les qualifier de suprématistes juifs violents.

Ils sont en faveur du Grand Israël qui englobe les territoires occupés, qu’ils veulent exempts de Palestiniens. Les dirigeants défendent et s’associent aux extrémistes du mouvement de colonisation de peuplement qui font usage de la terreur et de la violence pour parvenir précisément à cet objectif.

L’an dernier, le dirigeant de Otzma Yehudit, Michael Ben-Ari, a appelé à la violence contre les 1,7 millions de la minorité palestinienne d’Israël, citoyens de seconde classe, les qualifiant de “cinquième colonne’’ qui “nous fait la guerre”.

Il les as prévenus : “Si vous parlez contre un juif, vous n’allez pas rester en vie … Vous ne serez pas déportés, vous ne verrez pas votre citoyenneté révoquée. Vous ne resterez pas en vie ! Vous vous retrouverez devant un peloton d’exécution, vous serez abattus – c’est ce que les Arabes comprennent. ”

Ben Ari a si peu fait pour cacher son soutien à la violence que les Etats-Unis ont émis en 2012 une interdiction de voyager à son encontre.

En réponse à la décision de la commission électorale, Issawi Frej, élu israélien palestinien à la Knesset, a dit : “Maintenant notre premier ministre déroule le tapis rouge devant l’homme [Ben-Ari] qui a dit cette simple phrase : ‘Kahane avait raison’.”

Pacte avec le diable

Le pacte conclu le mois dernier pas Netanyahou avec Otzma Yehudit avait pour objectif de le sortir d’un trou électoral.

Incertain de la façon dont ses électeurs vont réagir aux accusations pour fraude et corruption auxquelles il est confronté, et opposé à un groupe de généraux de l’armée d’un nouveau parti populaire, Netanyahou a besoin de conquérir autant de voix de droite que possible, d’où qu’elles viennent.

Bien qu’il y ait des raisons techniques pour lesquelles Netanyahou a besoin de Otzma Yehudit, il croit manifestement que le climat politique qu’il a contribué à créer au cours de la dernière décennie rend acceptable l’inclusion de ces suprématistes juifs dans son gouvernement potentiel.

Ceci a été mis en évidence cette semaine lorsque Netanyahou a réitéré sur les réseaux sociaux qu’Israël n’était “pas l’état de tous ses citoyens” – qu’il n’appartenait pas au cinquième de ses citoyens qui sont palestiniens mais exclusivement au peuple juif du monde entier.

Le recours à Otzma Yehudit de Netanyahou fait suite à une scission récente d’un autre parti extrême de sa coalition, le Jewish Home (le Foyer juif), proche de l’aile religieuse fanatique des colons. Les “vedettes” politiques du Jewish Home, Naftali Bennett et Ayelet Shaked, tous deux ministres du gouvernement, l’ont récemment quitté pour créer encore un autre parti d’extrême droite appelé la Nouvelle Droite.

Besoin de voix supplémentaires

Ce qui restait du parti Jewish Home risquait de tomber juste en dessous du seuil électoral, qu’un parti doit franchir pour remporter des sièges à la Knesset. Dans ce cas de figure tous ses suffrages seraient perdus et par conséquent cela donnerait un coup de pouce au principal opposant de Netanyahou, le parti “Bleu et Blanc” mené par Benny Gantz et d’autres généraux.

Gantz pourrait être en position de créer une coalition gouvernementale de rechange formée de la droite et du centre, et soutenue de manière informelle par un bloc de partis israélo-palestiniens.

Ainsi donc, Netanyahou défiant tout règle de prudence a forcé la main au “Foyer juif” pour conclure un pacte électoral avec Otzma Yehudit. Ensemble, ils espèrent aspirer suffisamment de voix pour obtenir quelques sièges et ainsi être en mesure d’étayer un gouvernement mené par le parti Likoud de Netanyahou.

En fait, Otzma Yehudit est le successeur du parti Kach, créé à l’origine par Kahane, et qui a fait une brève apparition au parlement israélien dans les années 1980.

Le seuil électoral était alors bien plus bas, et Kahane a pu remporter un siège pour lui-même. Mais son racisme anti-arabe sans équivoque et ses appels à la violence étaient si déconcertants pour les autres partis qu’ils le fuyaient à la Knesset.

Étant donné la visibilité supplémentaire, cependant, la popularité de Kahane augmenta. A la perspective que Kahane remporte plusieurs sièges à l’élection suivante, le parlement amenda les lois électorales pour empêcher le parti de s’y présenter.

Kahane fut assassiné aux États-Unis peu de temps après, en 1990.

Lorsque l’un de ses disciples, Baruch Goldstein, tira sur plus de 150 fidèles palestiniens dans la mosquée d’Ibrahim à Hébron en 1994, tuant 29 personnes, Kach fut interdit en tant qu’organisation terroriste.

Manipulation du système légal

Mais le parti Kach n’a jamais disparu. Il n’est même pas vraiment passé dans la clandestinité. Il s’est développé dans de nombreuses colonies au cœur des territoires occupés, et ses anciens dirigeants sont devenus des personnalités connues.

Les jeunes colons qu’il a formés ont incendié des oliveraies, puis des mosquées et plus récemment des maisons de familles palestiniennes. La police israélienne et les services de renseignement ont fait peu d’efforts pour trouver les coupables.

Mais alors que la violence se poursuivait, ses dirigeants se sont ingéniés à trouver comment manipuler les systèmes politique et juridique israéliens.

L’adjoint de Ben-Ari, Itamar Ben-Gvir, est devenu avocat, trouvant qu’il était facile d’exploiter les réticences du système de justice pénale à poursuivre les juifs qui s’en prennent aux Palestiniens.

Des organisations “caritatives” associées ont encouragé le style de suprématie juive de Kach et son terrorisme, y compris Lehava, qui utilise l’intimidation et la violence pour empêcher les juifs et les Palestiniens de sortir ensemble, ou même de se mélanger.

Menacé d’un nœud coulant

Depuis que Kach s’est officiellement réinventé sous le nom de Otzma Yehudit en vue des élections de 2013, il cherche un moyen de revenir au parlement. Mais pour le plaisir évident de sa direction, son type de racisme anti-arabes est entre temps devenu si répandu que Netanyahou peut se permettre de lui faire une place au sein de son prochain gouvernement.

Le soutien de Netanyahou à ces suprématistes juifs indique clairement dans quelle direction la droite israélienne projette d’emmener maintenant le pays. Depuis quelques temps, les preuves sont de plus en plus nombreuses à montrer que la droite de Netanyahou s’est considérablement rapprochée des positions de Kahane d’il y a trois décennies.

L’une des priorités affirmées de Kahane était alors d’écarter du parlement israélien les représentants des 1,7 millions de citoyens palestiniens d’Israël. Il les considérait comme des traîtres, un cheval de Troie de la grande cause palestinienne qui pourrait remettre en cause Israël en tant qu’état juif de l’intérieur.

Il est arrivé une fois en 1988, que Kahane menace publiquement un député israélo-palestinien d’un nœud coulant.

Des terroristes à la Knesset

De telles opinions – et menaces – sont maintenant devenues totalement normales au sein du gouvernement de Netanyahou. Avigdor Lieberman, ministre de la défense de Netanyahou jusqu’à récemment et quelqu’un qui a lui-même passé ses années de formation politique au Kach, a maintes fois cherché à faire passer les membres palestiniens de la Knesset pour des traîtres méritant la peine de mort.

L’année dernière, il a qualifié Ayman Odeh, le chef conjoint des partis palestiniens, de “terroriste“. Il a dénoncé les députés en tant que “criminels de guerre” œuvrant à “nous détruire de l’intérieur”. Il avait précédemment soutenu qu’ils devraient être exécutés.

Lieberman a aidé Netanyahou en 2014 à faire passer une loi qui relevait le seuil électoral dans le but à peine voilé d’empêcher les partis palestiniens d’obtenir des sièges au parlement.

Quand cette mesure s’est avérée contre-productive, après que les partis palestiniens se sont unis pour former la Liste commune, la réponse du gouvernement a été d’adopter une Loi d’Expulsion, qui permet à une majorité des trois quarts – en fait, des députés juifs – d’expulser un député dont les opinions ne leur plaisent pas.

Cette menace a pour objectif de servir d’épée de Damoclès au dessus de la tête des députés palestiniens, pour les empêcher de s’exprimer sur des questions clé, telles que la violence structurelle de l’occupation ou la discrimination systémique auxquelles est confrontée la population non-juive d’Israël.

La façon dont Netanyahou lui-même considère la représentation des citoyens palestiniens fut illustrée de manière frappante le jour des élections de 2015, lorsqu’il a averti que la survie de son gouvernement était “menacée”. Il a donné la précision suivante : “les électeurs arabes se rendent en masse aux bureaux de vote”.

“Des citoyens, pas des lépreux”

Sous la pression du président des États-Unis d’alors Barack Obama, il a présenté des excuses pour avoir fait cette remarque, mais il a récidivé et a déjà réaffirmé ce sentiment au début de cette campagne.

Netanyahou a laissé entendre qu’un gouvernement dirigé par Gantz pourrait trahir le pays en comptant sur un soutien informel des députés palestiniens. Le premier ministre a qualifié cette alliance électorale de “bloc d’obstruction” qui “œuvrerait à l’élimination de l’état d’Israël”.

Netanyahou essayait ainsi de créer une fausse équivalence entre sa démarche en vue de forger une alliance avec les Kahanistes de Otzma Yehudit partisans de la terreur, et un éventuel recours de Gantz aux principaux partis palestiniens d’Israël.

Cette incitation n’a guère attiré l’attention, si ce n’est celle d’un ancien juge israélo-palestinien de la Cour Suprême, Salim Joubran, qui a rappelé à Netanyahou : “Ces citoyens [palestiniens] sont légitimes, et non invalides, méprisables ou lépreux.”

Manifestations exigeant l’expulsion

Ces efforts pour faire passer les représentants élus de la forte minorité palestinienne d’Israël pour des traitres ont pour objectif d’envoyer le message selon lequel la population palestinienne est elle aussi déloyale.

Cela aurait plu à Kahane. Avec le slogan “Ils doivent partir”, il soutenait qu’il n’y avait pas de place pour les Palestiniens que ce soit en Israël [Palestine de 1948] ou dans les territoires occupés.

Peu après être entré au parlement en 1984, il organisa une marche provocatrice vers Umm al-Fahm, grande ville palestinienne d’Israël proche de la Cisjordanie, pour exiger que ses habitants émigrent. La police lui a barré la route, et des dirigeants gouvernementaux ont protesté contre ses actions les qualifiant de “honteuses” et “dangereuses”.

Ces dernières années, ses disciples, menés par Baruch Marzel, ont organisé des marches similaires vers Umm al-Fahm et d’autres communautés palestiniennes d’Israël. Ces marches, toutefois, ont été autorisées par les tribunaux et bénéficient d’une escorte policière.

Accusations de déloyauté

Depuis plus d’une décennie, le message de Kahane a été repris de l’intérieur du gouvernement. Lieberman a fortement défendu un programme de “transfert statique“, dans lequel des communautés telles que Umm al-Fahm – et des centaines de milliers de citoyens palestiniens – se trouveraient exclus d’Israël par le biais d’un nouveau tracé des frontières. Ils seraient déchus de leur citoyenneté.

Après que Lieberman eut annoncé son plan, il fut soutenu par le premier ministre de droite de l’époque, Ariel Sharon. Plus récemment, sa proposition a gagné le soutien de Netanyahou.

Lieberman est aussi le fer de lance d’un discours qui réclame que les citoyens palestiniens fasse la preuve de leur loyauté à un état juif – ou plus précisément, un état qui respecte les positions d’extrême droite du gouvernement Netanyahou.

A cette aune là, les citoyens palestiniens ne peuvent qu’échouer et paraître déloyaux.

C’est dans ce cadre que la Commission électorale centrale, tout en approuvant Otzma Yehudit, interdisait un important parti palestinien, Balad, de se présenter aux élections législatives. Elle l’a fait au motif que Balad est opposé à ce qu’Israël soit un état juif et exige qu’il devienne un état de tous ses citoyens, ou une démocratie libérale, qui accorderait des droits égaux aux citoyens palestiniens et juifs.

Incitations à la haine

Le premier ministre ne cesse d’inciter à la haine envers les Palestiniens.

Il y a deux ans, par exemple, Netanyahou a accusé les citoyens palestiniens d’être responsables des feux de forêt qui ont fait rage dans tout le pays, avançant qu’il s’agissait là d’une tentative de réduire le pays en cendre. Cette diffamation faisait la une des journaux, même si les autorités n’ont jamais fourni aucune preuve.

Mais elle a contribué à intensifier le racisme qu’une grande partie de l’opinion publique israélienne juive partage, comme le démontrent régulièrement les sondages.

Selon l’un d’eux de décembre, 88 % s’opposeraient à ce que leur fils se lie d’amitié avec une jeune fille appartenant à la minorité palestinienne d’Israël, et 90 % s’opposeraient à ce que leur fille soit amie avec un garçon arabe. Près de la moitié ne veulent pas d’un citoyen palestinien comme voisin.

Annexer la Cisjordanie

Entre temps, dans les territoires occupés, les appels de Kahane en faveur de la souveraineté juive en Cisjordanie et sur le site sacré hyper sensible de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem sont désormais un élément essentiel du discours du gouvernement Netanyahou.

Des ministres tels que Bennett et Shaked, ainsi que des membres importants du Likoud, le propre parti de Netanyahou, parlent ouvertement de chercher à annexer de larges pans de la Cisjordanie.

Dans le même temps, la mosquée Al-Aqsa – que les juifs israéliens appellent Mont du Temple – est devenue plus que jamais une poudrière car la droite s’efforce d’y affirmer une présence juive plus forte et de renforcer le contrôle israélien sur le site. Les tensions y ont encore monté ces jours derniers.

S’il était encore en vie aujourd’hui, Kahane serait ravi de voir l’influence qu’il a exercée au cours de la période suivante – non seulement sur le discours populaire, mais également sur les objectifs stratégiques des gouvernements israéliens.

Et maintenant, ses disciples de Otzma Yehudit ont une chance – grâce à Netanyahou – de poursuivre l’œuvre de Kahane de l’intérieur du prochain gouvernement et d’accélérer le rythme du changement.

Jonathan Cook * Jonathan Cook a obtenu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Il est le seul correspondant étranger en poste permanent en Israël (Nazareth depuis 2001). Ses derniers livres sont : « Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East » (Pluto Press) et « Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair » (Zed Books). Consultez son site personnel.

11 mars 2019 – jonathan-cook.net – Traduction: Chronique de Palestine – MJB

1 Commentaire

  1. On commémore le génocide rwandais d’il y a 25 ans mais on garde le silence absolu sur celui à petit feu du peuple palestinien. Honte à nos dirigeants successifs. HONTE!

Les commentaires sont fermés.