Le sionisme est le poisson-pilote du fascisme international

12 juin 2025 - Le président argentin Javier Milei et Benjamin Netanyahu, à Jérusalem - Photo : Casa Rosada, présidence de la Nation argentine

Par Angel Leonardo Peña

Le sionisme ne se cache plus dans l’ombre, comme il le faisait autrefois, en soutenant les courants les plus réactionnaires de la planète par le biais de formations et d’aides. Il occupe désormais le devant de la scène en tant que fer de lance du fascisme mondiale, et toute la fachosphère lui emboîte le pas.

« Les peuples ont eu raison de ce salaud,
mais il ne faut pas chanter victoire, il est encore trop tôt :
le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde »,

écrit Bertolt Brecht dans l’épilogue de la Résistible Ascension d’Arturo Ui.

Javier Milei, président argentin connu pour être un plagiaire, un passionné de clonage canin et un adepte de la tronçonneuse, s’est rendu en Israël le 9 juin dernier.

Il a versé des larmes de crocodiles au Mur des Lamentations, a embrassé Netanyahu et Herzog, a qualifié le premier de frère, a pris la parole à la Knesset, a réitéré son soutien indéfectible à Israël, a invoqué de la fantasmagorie biblique et s’est adonné à l’un de ses passe-temps favoris, à savoir fustiger la gauche.

À son retour en Argentine, il a annoncé que son gouvernement allait transférer son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, une décision notoirement promue par Trump lors de son premier mandat.

Cette démonstration d’affection dégoulinante s’ajoute à l’engagement déjà pris par Milei ces dernières années en faveur d’une coopération en matière d’outils répressifs, de renseignement militaire et de technologie. Le gouvernement Milei refusera par la suite l’entrée sur le territoire argentin à une famille palestinienne, alors que tous leurs documents légaux étaient en règle.

Milei, dont l’affection pour Israël frôle le perversion sexuelle, est sans doute le leader le plus théâtral d’une tendance mondiale d’extrême droite qui voit en Israël l’incarnation de ses fantasmes politiques les plus fous, non seulement une entité irréprochable, mais aussi un modèle mondial à reproduire.

Meloni, Wilders, Bolsonaro, Bukele, Trump, Orban, Modi, [Le Pen] et de nombreuses autres figures de la droite mondiale ont chanté les louanges d’Israël. Les raisons ne sont pas surprenantes, et tandis qul’Etat sioniste s’enfonce dans le génocide, il a consolidé son influence au sein de l’extrême droite.

Il ne fait aucun doute que, au sein de la droite mondiale, le sionisme a joué un rôle important, voire essentiel, dans la perpétuation des forces réactionnaires hégémoniques dans le monde, d’abord en fournissant une assistance répressive, militaire et technique aux gouvernements réactionnaires du Sud, puis en soutenant les mutations des partis politiques réactionnaires à travers le monde.

La connivence entre le fascisme et le sionisme a une longue histoire

Depuis sa création, le sionisme a toujours été issu du même moule que les précédentes avant-gardes de la réaction impériale, qu’il s’agisse du colonialisme, de l’apartheid ou du fascisme, depuis le modèle colonialiste de Herzl, l’idolâtrie de Jabotinsky pour le fascisme et le nettoyage ethnique calculé et cynique de Ben Gourion.

Mais dans le passé, le sionisme a fait exactement cela : il a suivi les tendances réactionnaires et s’en est inspiré pour créer ses propres structures idéologiques.

Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que le sionisme ne suit plus les modèles réactionnaires précédents, mais façonne les nouvelles variantes de la droite, se transformant en fer de lance de la réaction. Le génocide n’est pas seulement l’outil des fascistes, mais aussi celui des soi-disant impérialistes libéraux, des démocraties telles que l’Angleterre, la Belgique ou la France dans un passé récent.

Le sionisme a emprunté à tous ces modèles réactionnaires précédents – et bien que certains prétendent que la situation terminale dans laquelle le sionisme a plongé les Palestiniens est un départ radical ou « hors du commun » et davantage un signe de modèles fascistes tardifs devenus apocalyptiques – les germes du génocide en cours ont toujours été profondément enracinés dans le sionisme lui-même.

Le sionisme a commencé comme un projet politique colonial, promu comme tel par Herzl et d’autres, et a cherché le soutien d’autres nations impériales pour le réaliser. Il s’agissait, à bien des égards, d’une reproduction de ces projets coloniaux et, aux yeux de l’Europe, d’une extension de ceux-ci.

Lorsqu’il a commencé à prendre forme dans sa dimension plus idéologique, le sionisme a largement emprunté au fascisme italien et allemand. Il suffit de lire les écrits de Ze’ev Jabotinsky dans les années 1920 et 1930 pour comprendre le degré d’osmose entre le modèle fasciste et colonialiste européen et le modèle sioniste naissant en tant que projection coloniale, la méfiance de Jabotinsky envers la démocratie, son amour du militarisme et son mépris pour « l’autre ».

Il est vrai que le sionisme n’existe pas dans une bulle ; il a existé et continue d’exister comme une forme d’avant-poste de l’impérialisme britannique, puis américain, dans la région. Mais il est également vrai que le sionisme, en tant que modèle idéologique, est aujourd’hui l’avant-poste le plus visible de la tradition impériale, et que sa propre logique interne souhaite se reproduire dans d’autres modèles réactionnaires à travers le monde.

Ce projet se poursuivrait non seulement en s’inspirant des cercles fascistes et réactionnaires, mais aussi en soutenant ceux qui ont autrefois été à l’avant-garde des mouvements réactionnaires et des projets politiques partout dans le monde. Le sionisme a fourni une formation technique et militaire à une myriade de juntes et de dictatures militaires en Amérique latine, dans des pays comme le Paraguay de Stroessner, le Chili de Pinochet et l’Argentine de Videla.

Dans le cas du Paraguay, où Stroessner était un sympathisant nazi notoire, le Mossad a conclu un accord avec la dictature fasciste pour que 60 000 Palestiniens soient réinstallés au Paraguay, poursuivant ainsi la campagne de nettoyage ethnique promise par le sionisme et commencée en 1947.

Dans beaucoup de ces endroits, les éléments de l’opposition étaient des universitaires et des intellectuels juifs ; le sionisme ne se souciait guère de leur disparition et de leur torture, comme il l’avait fait par le passé. Alors que la population juive russe était assassinée par milliers dans les pogroms du début du XXe siècle, les membres de l’Organisation sioniste mondiale courtisaient les fonctionnaires tsaristes pour qu’ils soutiennent le projet sioniste, attisant leur antisémitisme.

Le sionisme a également fourni un savoir-faire scientifique à l’Afrique du Sud de l’apartheid pour le développement et la création d’armes nucléaires, tandis que l’Afrique du Sud de l’apartheid lui fournissait l’uranium dont il avait besoin pour poursuivre sa course vers la catastrophe, un mariage fondé sur l’oppression et l’apartheid.

Le sionisme a existé en tant que complice du mouvement réactionnaire international, malgré l’antisémitisme virulent de ce dernier ; il voyait en lui un allié potentiel contre les forces démocratiques et de gauche qui exigeaient la fin de l’occupation.

Pour le sionisme, il n’y avait aucune contradiction entre l’antisémitisme et les objectifs sionistes.

Le sionisme en tant qu’édifice n’est pas un monolithe centralisé. Il va du laïc au libéral en passant par le religieux, mais il repose sur les mêmes fondements qui unissent toutes ces différentes variantes : la construction d’un État ethno-religieux.

Les éléments séduisants du sionisme pour les partis de droite plus modernes résident dans les mêmes notions qui les ont attirés vers les modèles fascistes précédents, mais cette fois sous le couvert et la viabilité d’un modèle politique qui semble durable pour l’Occident.

Depuis de nombreuses années, le sionisme entretient des alliances non seulement avec des États fascistes, mais aussi avec des mouvements idéologiques réactionnaires mondiaux, s’alignant sur les évangélistes et les nationalistes chrétiens du monde entier et promouvant l’islamophobie comme un projet d’État viable.

Les mouvements néofascistes ou postfascistes ne peuvent pas revendiquer aussi ouvertement leur identité fasciste européenne. Grâce à des formations aux médias et à des campagnes de relations publiques, ils ont compris que faire référence aux anciens mouvements fascistes ne pouvait que leur valoir une défaite aux urnes, mais ils voient dans le sionisme une alternative en termes de discours et de langage tout en conservant les principes fondamentaux de la politique réactionnaire dans leur rhétorique.

Nazisme 2.0

Bon nombre de ces partis réactionnaires européens, comme le Rassemblement national en France ou Vox en Espagne, ont vu dans la loi sur l’État-nation adoptée en Israël en 2018 un modèle à reproduire. Certains de ces partis ont autrefois colporté des complots antisémites et nié l’Holocauste, mais aujourd’hui, ils considèrent Israël comme leur plus grand allié.

Pour eux, le sionisme n’est plus un projet « juif », mais ethno-nationaliste, enveloppé dans une rhétorique de défense de la civilisation occidentale contre les « hordes barbares » islamistes envahissantes, tout en jouant sur leurs propres peurs antisémites et en souhaitant que leur population juive parte pour Israël.

Pour eux, il n’y a aucune contradiction. Ils invoquent Israël comme symbole de la résistance européenne contre l’immigration musulmane et ce qu’ils perçoivent comme la menace de l’islamisation. Dans ce contexte, Israël est souvent considéré non seulement comme un État juif, mais aussi comme une « forteresse » qui s’aligne sur leur propre rhétorique anti-immigrés et islamophobe.

Ceux qui masquent leur islamophobie et leur fascisme sous le couvert du nationalisme applaudissent Israël comme un modèle.

En Inde, le gouvernement Modi s’est engagé dans la démolition de milliers de maisons dans des quartiers musulmans, voyant dans ce que Israël fait depuis des décennies en Cisjordanie non seulement un cadre, mais aussi la preuve que la communauté internationale est incapable (en toute honnêteté, peu disposée) à mettre fin à de tels abus.

Depuis le 7 octobre, une litanie de partis d’extrême droite ont manifesté leur soutien à Israël, allant jusqu’à affirmer qu’« Israël est l’Occident dans un environnement qui rejette et combat l’Occident. Lorsque nous soutenons Israël, nous défendons également notre mode de vie », comme l’a déclaré Alexander Gauland, président d’honneur de l’AFD.

Le 8 février dernier, un événement a été organisé dans un hôtel chic de Madrid, où étaient présents certains des plus grands noms de la droite européenne. Abascal, Salvini, Orban, Le Pen, tous ont crié à tue-tête contre l’infiltration islamique en Europe et la nécessité d’une nouvelle « reconquista ».

Le Likoud a bien sûr été accueilli en tant qu’observateur international à ce rassemblement réactionnaire.

Dans une récente interview accordée à Democracy Now!, Adam Shatz a expliqué l’attrait de la droite pour Israël et le modèle politique sioniste :

« Je pense qu’il faut également souligner l’attrait profond des dirigeants et des mouvements d’extrême droite pour l’État d’Israël, car Israël est un État ethno-national fondé sur l’exclusion raciale, sur des politiques d’oppression, de spoliation et d’apartheid. C’est pour cette raison qu’Israël exerce un fort attrait sur ces organisations de droite – n’est-ce pas ? – et sur leurs dirigeants, qui aiment les expulsions, qui aiment construire des murs. Israël est considéré comme une sorte de modèle ».

La Nakba s’est mondialisée, tout comme Starbucks, Amazon ou Carrefour.

Le sionisme devait nécessairement être une forme d’entité auxiliaire pour les forces réactionnaires déjà établies à travers le monde. Du colonialisme au fascisme, il s’est nourri de leur sang et de leur soutien, il a tiré les leçons de leurs génocides et de leurs erreurs.

Il était heureux d’être l’instrument de l’impérialisme mondial, le facilitateur technique qui fournissait armes et entraînement aux lances des puissances coloniales et réactionnaires en Amérique latine, en Afrique ou en Asie, le valet auquel les grandes puissances faisaient appel lorsqu’elles ne voulaient pas trop se salir les mains.

Aujourd’hui, Israël a grandi et se nourrit du sang de ses propres parasites. Il tisse de nouvelles relations avec la vague moderne de la droite et est désormais devenue une sorte de garante de la légitimité de ces partis réactionnaires.

Même le trumpisme a connu une sorte de schisme pendant cette période, entre les partisans de l’« America First » comme Tucker Carlson et les apparatchiks sionistes comme Ben Shapiro et Ted Cruz.

Tel Aviv devient-il le nouveau Berlin de l’extrême-droite internationale ?

Lorsque Orban, Salvini ou Cristian continuent de promouvoir leurs modèles ethniques et raciaux, ce n’est plus Trump qu’ils citent en référence, mais Netanyahu, à tel point que lorsque Yoram Hazoni (président de l’Institut Herzl et représentant du conservatisme national) a été invité en Hongrie l’année dernière, Orban a ouvertement admis son admiration pour le modèle israélien d’ethno-nationalisme et d’homogénéité culturelle.

La survie du sionisme a été soutenue par le voile de légitimité fourni par les puissances occidentales. Alors que le fascisme et le colonialisme avaient cessé d’être à la mode dans le lexique du pouvoir, le sionisme s’est révélé être un modèle capable de porter cet héritage réactionnaire.

Seul le sionisme subsiste véritablement, et grâce à des années de propagande, de mythification et de soutien financier, il est toujours présenté comme une construction politique légitime par les médias occidentaux et leurs alliés impérialistes.

Le sionisme ne se cache plus dans l’ombre, facilitant la tâche des réactionnaires mondiaux en leur offrant formation et soutien, il se trouve désormais en première ligne des ambitions coloniales et impérialistes.

La dernière attaque contre l’Iran (baptisée sans imagination « guerre des 12 jours ») et les récents attentats à Damas ne font que le prouver. Dans le passé, le sionisme aurait attendu et poussé pour créer les conditions de sa survie ; aujourd’hui, il occupe le devant de la scène avec son caractère brutal, belliqueux et destructeur.

Après des années d’apprentissage, d’assimilation et d’emprunts, le sionisme a désormais pris la place qui lui revient en tant que fer de lance de la réaction, et tous les réactionnaires doivent le suivre.

16 août 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

Soyez le premier à commenter

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.