Le Hamas à Trump : « Nous sommes prêts à un accord équitable »

Basem Naim, membre du bureau politique du mouvement Hamas [résistance islamique] - Photo : via The New Arab

Par Jawa Ahmad, Jeremy Scahill

Trump devrait rejeter le programme de Netanyahu, a déclaré Basem Naim, et s’engager au contraire à mettre fin au génocide à Gaza et à soutenir une Palestine indépendante : « Le Hamas n’est pas la question. »

Au cours des trois dernières semaines, alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu supervisait une terrible escalade des attentats terroristes israéliens dans toute la bande de Gaza et annonçait son intention d’envahir la ville de Gaza, les perspectives d’un accord pour mettre fin au génocide étaient au point mort.

Fin juillet, Israël a retiré sa délégation de négociation du Qatar ; les États-Unis ont fait de même, dénonçant le Hamas et déformant sa réponse à un projet d’accord de cessez-le-feu. Aujourd’hui, les États-Unis, le Qatar et l’Égypte – ainsi que la Turquie, en coulisses – semblent tenter de relancer le processus.

L’administration Trump souhaiterait passer de négociations sur des « accords fragmentaires » à un accord qui aboutirait à la libération de tous les prisonniers israéliens, vivants ou morts, dès la signature d’un accord.

Mardi, plusieurs médias, citant des responsables égyptiens, ont rapporté que les médiateurs régionaux travaillaient avec les États-Unis pour « relancer » un accord de cessez-le-feu de 60 jours présenté par le président américain Donald Trump début juillet comme la proposition « finale » pour un accord.

« L’objectif principal est de revenir à la proposition initiale visant à établir un cessez-le-feu de 60 jours, avec la libération de certains prisonniers [israéliens] et de certains détenus palestiniens, et la circulation de l’aide humanitaire et médicale vers Gaza sans restrictions ni conditions », a déclaré le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdel Atty, lors d’une conférence de presse.

Netanyahu a déclaré à i24 News qu’il n’était pas favorable à un accord de cessez-le-feu partiel. « Je pense que c’est derrière nous. En tout état de cause, cela laisserait de nombreux ‘otages’ entre leurs mains, vivants ou morts. Et nous les voulons tous, vivants ou morts. C’est ce que nous voulons », a-t-il déclaré mardi. « Je ne vous dis pas que je ne suis pas disposé à en discuter. Je veux les ramener tous dans le cadre de la fin de la guerre. Mais selon nos conditions pour mettre fin à la guerre. »

Néanmoins, Israël serait en train de considérer d’envoyer une équipe de négociation « de haut niveau » à Doha pour reprendre les pourparlers avec les médiateurs.

Toutes ces discussions et fuites médiatiques concernant de prétendues nouvelles propositions concurrentes se déroulent à ce jour sans la participation directe de la seule partie capable de conclure de tels accords : le Hamas.

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« Nous sommes prêts à accepter un accord partiel, voire un accord global. Mais il s’agit de savoir si Israël et les États-Unis sont vraiment déterminés à parvenir à un accord pour mettre fin à cette guerre, ou s’ils utilisent les négociations comme un prétexte pour mener d’autres plans malveillants », a déclaré Basem Naim, haut responsable du Hamas et ancien ministre du gouvernement palestinien à Gaza.

« Nous avons été piégés pendant 30 ans dans ce soi-disant accord d’Oslo pour courir après des illusions », a ajouté M. Naim, faisant référence aux accords conclus entre l’Organisation de libération de la Palestine et Israël dans les années 1990, qui auraient théoriquement dû conduire à la création d’un accord de deux États exigeant des Palestiniens qu’ils cèdent officiellement une grande partie de la Palestine historique.

« Israël a profité de ce temps pour étendre ses colonies, expulser les Palestiniens de leurs terres, saper l’existence des Palestiniens et s’emparer de la mosquée Al-Aqsa. Je pense que nous ne sommes pas prêts à participer à nouveau à un jeu aussi répugnant. »

Le Hamas a annoncé mardi qu’une délégation dirigée par son principal dirigeant politique, Khalil Al-Hayya, était arrivée au Caire pour entamer des pourparlers avec des responsables égyptiens à partir de mercredi.

« Cette visite a été demandée par les services de renseignement [égyptiens] et il n’y a pas d’ordre du jour précis », a déclaré M. Naim. « Mais il y aura certainement des discussions sur les négociations, la situation humanitaire catastrophique à Gaza et la situation interne palestinienne. »

Dans un entretien approfondi accordé à Drop Site, M. Naim a évoqué l’état des négociations de cessez-le-feu, la position du Hamas sur l’abandon du pouvoir et son point de vue sur le désarmement des forces de résistance palestiniennes.

Naim a déclaré que son message à Trump était qu’il devait rejeter le programme d’extermination de Netanyahu et s’efforcer de conclure un accord qui mette fin au génocide de Gaza et conduise à un État palestinien indépendant.

« Le Hamas n’est pas la question. Même si, à un moment donné, Dieu nous en préserve, ils parviennent à écraser le Hamas, tôt ou tard – dans quelques mois, dans quelques années – un nouveau groupe de Palestiniens se lèvera et ripostera », a-t-il déclaré. « Les Palestiniens se battent depuis maintenant 100 ans pour atteindre leurs objectifs légitimes : vivre comme n’importe quel peuple dans le monde, libres et dignes, dans leur propre État indépendant et souverain, et préserver leur droit au retour dans leur patrie. »

Depuis plus de deux décennies, le Hamas a, à plusieurs reprises, soumis à Israël des propositions de trêve à long terme, connues en arabe sous le nom de hudna. Israël les a toutes rejetées. Plus récemment, fin avril, le Hamas a officiellement proposé un accord pluriannuel au cours duquel ses forces s’engageraient à ne mener aucune attaque contre Israël. Dans le cadre de cet accord, le Hamas libérerait immédiatement tous les prisonniers israéliens détenus à Gaza. L’idée était que cet arrangement permettrait de créer l’espace et la sécurité nécessaires pour négocier une solution politique durable.

Israël a une fois de plus rejeté cette offre et a poursuivi son offensive militaire sur Gaza.

L’envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff, a rencontré le week-end dernier le Premier ministre du Qatar pour discuter de la préférence des États-Unis pour un accord « tout ou rien » afin de mettre fin à la guerre.

Lundi, Trump a fait référence au plan annoncé par Netanyahu visant à intensifier l’offensive militaire, notamment en « prenant le contrôle » de la ville de Gaza et en tentant de récupérer les prisonniers israéliens par la force, déclarant à Axios qu’il serait « très difficile de les récupérer », car le Hamas « ne libérera pas les otages dans la situation actuelle ».

Bien que l’administration Trump ait indiqué qu’elle souhaitait un accord global pour libérer tous les prisonniers israéliens en une seule fois, elle n’a pas engagé de discussions avec le Hamas sur des détails spécifiques ces dernières semaines.

« C’était notre proposition il y a trois mois, et ils l’ont rejetée », a déclaré M. Naim. « Nous n’avons aucun problème à revenir à cette proposition tant qu’elle repose sur une feuille de route à long terme, sur la manière de mettre fin à cette guerre et à ce conflit. »

M. Naim a réaffirmé que le Hamas ne libérerait plus aucun captif israélien en dehors d’un accord garantissant la fin totale de la guerre et le retrait des forces israéliennes de Gaza.

« Les États-Unis ont donné tout le temps nécessaire aux Israéliens. Ils leur ont apporté tout leur soutien, politique, diplomatique, financier, militaire et en matière de renseignement, et les Israéliens ont échoué dans leur mission », a déclaré M. Naim.

« Ils n’ont pas réussi à récupérer leurs soldats ou les Israéliens capturés. Ils n’ont pas réussi à écraser la résistance. Ils n’ont pas réussi à forcer l’évacuation des Palestiniens. Ils n’ont pas réussi à créer une alternative au Hamas, car il est clair qu’il ne s’agit pas du Hamas, il ne s’agit pas de quelques prisonniers. Il s’agit de personnes qui veulent revivre, libres et dignes, comme tous les peuples du monde. Il n’y a donc pas d’alternative à une table de négociation juste et équitable. »

« Je pense qu’il existe aujourd’hui une formidable opportunité politique », a déclaré M. Naim. « Si le président Trump est sérieux quant aux promesses qu’il a faites pendant sa campagne électorale, il a une chance d’y parvenir une fois pour toutes. »

L’alternative, a averti M. Naim, est une escalade de la violence, des effusions de sang et de l’instabilité qui s’étendra bien au-delà de Gaza.

« Par leur soutien indéfectible à Israël, ils déstabilisent de plus en plus la région et ne parviendront jamais à leurs objectifs d’un nouveau Moyen-Orient pacifique et prospère », a affirmé M. Naim.

« Les dirigeants actuels d’Israël, que nous considérons comme un gouvernement fasciste et raciste, transforment ce conflit politique sur la création d’un État, les frontières et les peuples en un conflit religieux. Si cela se produit et que nous atteignons un point de non-retour, si cela devient un conflit religieux, il n’y aura plus aucune chance de négociation, car il s’agira alors de négocier des croyances, et je pense que personne ne fera de compromis. »

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Israël et les États-Unis ont tous deux déclaré que la démilitarisation de la résistance palestinienne dans la bande de Gaza serait une condition préalable à tout accord. Le Hamas a toujours affirmé qu’il s’agissait là d’une ligne rouge, comme l’a souligné M. Naim. « Personne ne peut nous nier le droit de résister à l’occupation tant que celle-ci perdure », a déclaré M. Naim.

« Nous sommes prêts à rendre nos armes si nous avons un État et nous sommes prêts à nous engager à intégrer nos combattants dans une armée palestinienne. Pourquoi la Palestine devrait-elle être un État désarmé ? Pourquoi ? Qui est l’agresseur ? »

« Depuis 76 ans, c’est Israël », a-t-il ajouté. « Par conséquent, si quelqu’un doit demander la sécurité ou des mesures de protection, ce sont les Palestiniens, pas les Israéliens. »

« Nous sommes prêts à remettre le pouvoir »

Le 23 juillet, le Hamas a soumis une série de propositions d’amendements au cadre de cessez-le-feu de 60 jours rédigé par les États-Unis, auquel Israël avait prétendu avoir donné son accord.

Le mouvement avait déjà proposé une série de concessions intégrées dans le document et axées sur trois conditions spécifiques :

  • que des quantités suffisantes de nourriture, de médicaments et d’autres produits de première nécessité soient autorisées à entrer dans Gaza et que l’ONU reprenne la direction de leur distribution ;
  • que les forces militaires israéliennes se retirent entièrement de l’enclave, bien que le Hamas ait déclaré qu’il accepterait une zone tampon autour de la bande de Gaza ;
  • et qu’en échange de la libération de dix otages israéliens vivants, Israël libère 200 Palestiniens condamnés à perpétuité et 2000 Palestiniens enlevés à Gaza depuis le 7 octobre.

Selon M. Naim, Israël n’a toujours pas donné de réponse officielle et a annoncé qu’il retirait son équipe de négociation des pourparlers à Doha, au Qatar.

« Nous sommes toujours en cours de négociation. Nous attendons la réponse des Israéliens. Ils n’ont pas répondu jusqu’à présent. Au contraire, ils ont réagi en annonçant de nouveaux plans visant à aggraver la situation. Et je pense que c’est très, très dangereux », a déclaré M. Naim.

Trump a déclaré à Axios que sa position était que le Hamas ne pouvait pas rester au pouvoir à Gaza, mais que c’était à Israël d’en décider. « J’ai une chose à dire : souvenez-vous du 7 octobre, souvenez-vous du 7 octobre », a déclaré M. Trump.

Comme l’a rapporté Drop Site, le Hamas a explicitement déclaré, par écrit, qu’il renoncerait à son pouvoir à Gaza au profit d’un comité technocratique indépendant composé de Palestiniens sans affiliation politique. Chaque fois que le Hamas a proposé cette condition dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu, Israël et les États-Unis ont supprimé cet aspect des propositions d’accord et ont de façon mensongère accusé le Hamas d’insister pour rester au pouvoir.

Naim a réaffirmé l’engagement public du Hamas de renoncer au pouvoir à Gaza et de soutenir un processus menant à une solution dite « à deux États » le long des frontières de la guerre israélo-arabe de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale d’un État palestinien indépendant.

« L’essentiel est de mettre fin à la guerre, de retirer totalement les forces israéliennes de la bande de Gaza, de conclure un cessez-le-feu, d’ouvrir les frontières, de permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza et de lancer une opération de reconstruction », a déclaré M. Naim. « Nous avons dit dès le premier jour que nous étions prêts à remettre le gouvernement, ou le pouvoir dans la bande de Gaza, à un organe technocratique palestinien indépendant. »

M. Naim a déclaré que ce comité devrait s’efforcer de rétablir la coordination avec ses homologues palestiniens de l’administration basée à Ramallah, en Cisjordanie occupée, dans le cadre d’une initiative visant à unifier officiellement les deux territoires, dont la gouvernance est fragmentée depuis la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006.

Le Fatah, soutenu par les États-Unis et d’autres parties, visait à marginaliser le Hamas en tant que parti élu, à lui refuser la possibilité de former un gouvernement et a facilité une guerre civile entre le Hamas et le Fatah, le Hamas prenant le contrôle de la bande de Gaza et le Fatah, sous Abbas, devenant l’autorité gouvernante en Cisjordanie.

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Mardi, le ministre égyptien des Affaires étrangères a confirmé que la proposition d’administration de Gaza prévoit la création d’un comité de 15 membres qui serait supervisé par l’Autorité palestinienne basée à Ramallah pour une période initiale de six mois. « Il s’agit de personnes purement technocratiques qui n’ont aucune affiliation politique », a déclaré M. Naim, ajoutant qu’une série de groupes politiques palestiniens avaient soumis des candidats à l’Égypte pour examen.

« J’ai entendu dire que [les Égyptiens] en avaient également discuté avec les Israéliens et les Américains, et que la position était positive. » Il a ajouté qu’aucun des candidats n’avait de lien avec le Hamas.

Naim a soutenu que la mise en place d’un comité non partisan chargé d’administrer la bande de Gaza ouvrirait un espace pour relever les défis politiques internes palestiniens, notamment la mise en place d’un nouveau gouvernement démocratiquement élu. « Nous pensons qu’il est possible de reconstruire ou de réformer la situation interne palestinienne en formant un gouvernement d’union nationale », a-t-il déclaré, ajoutant qu’une telle entité pourrait organiser de nouvelles élections.

« Abbas est reconnu internationalement comme président palestinien, mais la dernière élection à laquelle il a été élu remonte à plus de 20 ans. Plus de 60 % des Palestiniens n’ont jamais voté de leur vie », a affirmé Naim. « On ne peut pas construire une solution politique sur la base d’une direction qui ne représente pas plus de 5 à 10 % des Palestiniens. »

« L’une des questions fondamentales qui doit être abordée et résolue est de donner aux Palestiniens la possibilité de choisir leurs dirigeants, de réformer leurs institutions politiques et leur système politique. Et cela ne peut se faire qu’en donnant aux Palestiniens la possibilité de participer à des élections indépendantes, libres, démocratiques, transparentes et équitables », a ajouté M. Naim.

« Nous sommes prêts à participer, à nous engager ou à faciliter toute discussion politique sérieuse visant à trouver une solution politique à ce conflit qui aboutisse à un État palestinien indépendant et souverain. »


12 août 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine

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