La propagande occidentale mise en échec

Extrait vidéo - Un militaire russe fouille un militaire ukrainien qui s'est constitué prisonnier à l'aciérie Azovstal à Marioupol le 20 mai 2022 - Service de presse du ministère russe de la Défense

Par Ramzy Baroud

Évoquant dans un message la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 à Bali, en Indonésie, les 7 et 8 juillet, le haut représentant de l’Union européenne, Josep Borrell, semble avoir accepté la douloureuse vérité que l’Occident est en train de perdre ce qu’il a appelé « la bataille mondiale des récits ».

« La bataille mondiale des récits bat son plein et, pour l’instant, nous ne gagnons pas », a admis Borrell. La solution : « En tant que UE, nous devons nous engager davantage pour réfuter les mensonges et la propagande de guerre russes », a ajouté le chef de la diplomatie de l’UE.

La publication de Borrell est un témoignage de la logique totalement erronée qui a conduit à la perte de la soi-disant « bataille des récits ».

Borrell commence par rassurer ses lecteurs sur le fait que, malgré le fait que de nombreux pays du Sud refusent de se joindre aux sanctions de l’Occident contre la Russie, « tout le monde s’accorde », quoique dans « l’abstrait », sur la « nécessité du multilatéralisme et de défendre des principes tels que la souveraineté territoriale ».

L’impression immédiate que donne une telle déclaration est que l’Occident est l’avant-garde mondiale du multilatéralisme et de la souveraineté territoriale …

C’est le contraire est vrai ! Les interventions militaires américaines et occidentales en Irak, en Bosnie, en Afghanistan, en Syrie, en Libye et dans de nombreuses autres régions du monde se sont largement déroulées sans le consentement international et sans aucun égard pour la souveraineté des nations.

Dans le cas de la guerre de l’OTAN contre la Libye, une campagne militaire massivement destructrice a été lancée sur la base de la mauvaise interprétation intentionnelle de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui appelait à l’utilisation de « tous les moyens nécessaires pour protéger les civils ».

Borrell, comme d’autres diplomates occidentaux, omet commodément les interventions répétées – et continues – de l’Occident dans les affaires d’autres nations, tout en dépeignant la guerre russo-ukrainienne comme l’exemple le plus frappant de « violations flagrantes du droit international, contrevenant aux principes fondamentaux de la charte l’ONU et mettant en danger la reprise économique mondiale ».

Borrell emploierait-il un langage aussi fort pour décrire les nombreux crimes de guerre en cours dans certaines parties du monde impliquant des pays européens ou leurs alliés ? Par exemple, le bilan de guerre ignoble de la France au Mali ? Ou, encore plus évident, l’occupation israélienne de la Palestine depuis 75 ans ?

En abordant la question de la «sécurité alimentaire et énergétique», Borrell a déploré que de nombreux membres du G20 aient adhéré à la « propagande et aux mensonges venant du Kremlin » concernant la cause réelle de la crise alimentaire. Il a prétendu que ce n’est pas l’UE mais « la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine qui aggrave considérablement la crise alimentaire ».

Encore une fois, Borrell était sélectif dans sa logique. Bien qu’une guerre entre deux pays qui contribuent pour une grande part à l’approvisionnement alimentaire de base dans le monde ait naturellement un impact négatif sur la sécurité alimentaire, Borrell n’a fait aucune mention du fait que les milliers de sanctions imposées par l’Occident à Moscou ont perturbé la chaîne d’approvisionnement de nombreux produits critiques et produits alimentaires de base.

Lorsque l’Occident a imposé ces sanctions, il n’a pensé qu’à ses intérêts nationaux, centrés à tort sur la défaite de la Russie. Ni le peuple du Sri Lanka, de la Somalie, du Liban, ni, franchement, l’Ukraine n’étaient des facteurs pertinents dans la décision de l’Occident.

Borrell, dont le travail de diplomate suggère qu’il devrait investir dans la diplomatie pour résoudre les conflits, a appelé à plusieurs reprises à élargir la portée de la guerre contre la Russie, insistant sur le fait que la guerre ne peut être « gagnée que sur le champ de bataille ».

De telles déclarations ont été faites avec les intérêts occidentaux à l’esprit, malgré les conséquences dévastatrices évidentes que le champ de bataille de Borrell aurait sur le reste du monde.

Pourtant, Borrell a eu l’audace de réprimander les membres du G20 pour avoir agi d’une manière qui lui semblait axée uniquement sur leurs intérêts nationaux. « La dure vérité est que les intérêts nationaux l’emportent souvent sur les engagements généraux envers des idéaux plus grands », a-t-il écrit. Si vaincre la Russie est au cœur des « grands idéaux » de Borrell et de l’UE, pourquoi le reste du monde, en particulier dans les pays du Sud, devrait-il adopter les priorités égoïstes de l’Occident ?

Borrell doit également se rappeler que la « bataille mondiale des récits » de l’Occident avait été perdue bien avant le 24 février.

Une grande partie du Sud voit à juste titre les intérêts de l’Occident en contradiction avec les siens. Cette vision apparemment cynique est le résultat de décennies – en fait, de centaines d’années – d’expériences réelles, commençant par le colonialisme et se terminant, aujourd’hui, par les interventions militaires et politiques de routine.

Borrell parle d’« idéaux plus grands », comme si l’Occident était la seule entité moralement mature capable de penser au bien et au mal de manière désintéressée et détachée.

En plus de l’absence de preuves à l’appui de l’affirmation de Borrell, un tel langage condescendant, lui-même une expression d’arrogance culturelle, empêche les pays non occidentaux d’accepter, ou même de s’engager, avec l’Occident concernant la moralité de sa politique.

Borrell, par exemple, accuse la Russie de « tentative délibérée d’utiliser la nourriture comme une arme contre les pays les plus vulnérables du monde, en particulier en Afrique ». Même si nous acceptons cette prémisse problématique comme une position moralement motivée, comment Borrell peut-il justifier les sanctions de l’Occident qui ont effectivement affamé de nombreuses personnes dans des «pays vulnérables» à travers le monde ?

Les Afghans sont peut-être les personnes les plus vulnérables au monde aujourd’hui, grâce à 20 ans d’une guerre dévastatrice entre les États-Unis et l’OTAN qui a tué et mutilé des dizaines de milliers de personnes.

Bien que les États-Unis et leurs alliés occidentaux aient été chassés d’Afghanistan en août dernier, des milliards de dollars d’argent afghan sont illégalement gelés sur des comptes bancaires occidentaux, poussant tout le pays au bord de la famine. Pourquoi Borrell ne peut-il pas appliquer ses « grands idéaux » dans ce scénario particulier, exigeant le dégel immédiat de l’argent afghan ?

En vérité, Borrell, l’UE, l’OTAN et l’Occident ne sont pas seulement en train de perdre la bataille mondiale des récits, ils ne l’ont en fait jamais gagnée. Gagner ou perdre cette bataille n’a jamais compté pour les dirigeants occidentaux dans le passé, car le Sud n’était guère pris en compte lorsque l’Occident prenait ses décisions unilatérales concernant la guerre, les invasions militaires ou les sanctions économiques.

Le Sud global compte maintenant, simplement parce que l’Occident ne détermine plus tous les résultats politiques, comme c’était souvent le cas. La Russie, la Chine, l’Inde et d’autres sont désormais pertinentes, car elles peuvent collectivement équilibrer l’ordre mondial biaisé qui a été dominé par Borrell et ses semblables pendant trop longtemps.

1er août 2022 – kashmirreader.com – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah