
Georges Ibrahim Abdallah lors de son interview du 3 août 2025 - Capture vidéo - Al-Mayadeen
Par Al-Mayadeen
Dans sa première interview depuis sa libération après 41 ans d’incarcération, le combattant de la résistance libanaise Georges Abdallah s’est entretenu avec Al Mayadeen depuis sa ville natale de Qobayat, au Liban, revenant sur ses décennies passées en prison, le soutien indéfectible de sa famille et ses inébranlables convictions révolutionnaires.
Abdallah, qui a été libéré après une mobilisation internationale sans relâche, a décrit la campagne de solidarité croissante en faveur de sa libération comme s’inscrivant dans le cadre d’un mouvement plus large sur le terrain contre le génocide qui se déroule à Gaza.
« Mon emprisonnement est devenu plus coûteux pour la sécurité nationale française que ma libération », a-t-il expliqué.
Une famille de résistants et un foyer qui est resté fidèle
« Ma famille a une culture de la lutte », a déclaré Abdallah. « Elle a enduré la souffrance de mon emprisonnement avec simplicité et force. Je l’ai retrouvée exactement comme dans mes souvenirs, un exemple de loyauté. »
Il ajoute que son retour a été accueilli avec une chaleur qui a dépassé toutes ses attentes. « L’accueil que j’ai reçu m’a confirmé, encore plus que je ne l’avais imaginé, que notre peuple possède une authenticité qui ne peut que mener à la victoire. »
Il a également été frappé par ce qu’il a qualifié de réalité inattendue : « J’ai trouvé le Liban uni, plus que je ne l’avais prévu. Il est fort, accueillant et résilient. »
Abdallah sur les accusations et la légitimité de la résistance armée
Interrogé sur les accusations qui ont conduit à son emprisonnement prolongé en France, Abdallah a déclaré qu’il était accusé d’être responsable des factions révolutionnaires armées libanaises opérant en Europe. Mais la seule accusation qu’il a reconnue était celle d’avoir défendu la légitimité des opérations de la Résistance.
« Tout Libanais a le droit de faire tout ce qui est nécessaire pour affronter l’ennemi où qu’il se trouve. C’est un droit légitime », a-t-il déclaré.
« Je leur ai dit au tribunal : mon peuple ne m’a pas chargé d’aucune des actions que vous alléguez. Mais je suis honoré de défendre la légitimité de ces opérations, que ce soit hier, aujourd’hui ou demain. »
Abdallah a été jugé devant un tribunal spécial pour terrorisme, sans jury, bien qu’aucune accusation de terrorisme n’ait jamais été portée contre lui. Il a souligné que la condamnation initiale ne concernait que des problèmes de passeport, avant son transfert vers le tribunal spécial.
Ingérence américaine et emprisonnement politique
« J’ai purgé ma peine, après quoi j’aurais dû être libéré », raconte Abdallah. « Mais au dernier moment, un représentant américain est intervenu. »
En 1984, le département d’État américain a demandé à son ambassadeur de déposer une objection juridique directement, ce qui a empêché l’expulsion d’Abdallah et conduit à son transfert devant un tribunal spécial qui l’a condamné à la prison à vie.
Entre 2002 et 2003, alors qu’un tribunal français avait ordonné sa libération, la procédure judiciaire pour sa libération conditionnelle a été modifiée sous la pression des États-Unis.
« Ils ont réactivé une cour d’appel datant de l’occupation nazie en France », explique Abdallah. « Depuis lors, le président de la cour est directement lié au ministère de l’Intérieur, et les décisions passent par lui. »
En 2012, un tribunal a de nouveau approuvé sa libération, mais celle-ci a été bloquée par le ministre de l’Intérieur de l’époque.
Abdallah a révélé que la secrétaire d’État américaine de l’époque, Hillary Clinton, avait envoyé une lettre officielle insistant pour qu’il reste emprisonné : « Elle a dit que la décision du tribunal n’avait pas de valeur. Je devais rester en prison. Et c’est ce qui s’est produit. »
Même lorsque la ministre française de la Justice a tenté d’intervenir, le président lui a ordonné de ne pas s’en mêler. La décision a été annulée et l’affaire a été reprise depuis le début.
Quand la Résistance et l’armée s’unissent
« Ce sont les masses de la résistance qui sont les plus investies et les plus à même d’imposer la création d’un État doté d’une vision nationale et d’une armée entièrement équipée, capable de défendre le territoire, les eaux, le ciel et la dignité de son peuple », a-t-il déclaré.
Abdallah a souligné que personne au Liban, en particulier ceux qui ont sacrifié leurs dirigeants en martyrs, ne souhaite prendre les armes pour le plaisir. Au contraire, « tous soutiennent les efforts visant à construire une armée qui protège tout le monde ».
Appelant à l’armement de l’armée libanaise, Abdallah a souligné qu’une fois cela accompli, « aucun combattant n’hésiterait à se rallier à elle ».
Il a affirmé que le Liban était tout à fait capable de construire un État souverain et une armée qui n’ait pas besoin de gardiens étrangers pour protéger les ainsi-nommées minorités.
« Notre armée, notre peuple, peuvent relever le défi », a-t-il déclaré. « Nous pouvons construire un État qui préserve la dignité de ses citoyens. »
Répondant aux demandes internes et internationales en faveur du désarmement de la Résistance, Abdallah a rejeté ces appels, les qualifiant de « propagande interne visant à déformer la réalité et à détourner l’attention ».
Il a insisté sur le fait que la mission principale de la Résistance au niveau national est de se tenir dans les rues pour garantir que l’armée libanaise devienne une institution forte et fière, capable de défendre la nation.
« Aucun Libanais ne veut voir une armée humiliée », a-t-il déclaré. « Tout le monde soutient une armée qui protège nos frontières et notre dignité. »
La Syrie comme avertissement, l’unité comme défense
Abdallah a mis en garde contre les dangers à l’échelle régionale qui pèsent sur le Liban, en particulier au nord, en direction de la Syrie. « Regardez ce qui se passe en Syrie et observez les positions nationales. Aucune personne sensée n’accepterait que nous devenions des fragments sectaires manipulés par Netanyahu ou qui que ce soit d’autre », a-t-il déclaré.
Il a réaffirmé que le Liban peut et doit construire un État unifié qui protège son peuple, et que la Résistance, qui a sacrifié ses meilleurs dirigeants, ne peut se contenter de moins.
À la question de savoir s’il place ses espoirs dans les mouvements populaires au Liban et dans le monde arabe à la lumière de la guerre à Gaza, Abdallah a répondu qu’il ne s’agit pas seulement d’un espoir, mais d’une responsabilité.
« Nous devons nous efforcer, et pas seulement parier, de faire bouger la rue arabe. C’est une mission centrale au nom de la fermeté de la résistance à Gaza et en Cisjordanie », a-t-il déclaré.
Un projet politique ? « Je suis un simple combattant »
Lorsqu’on lui a demandé s’il avait un projet politique après sa libération, Abdallah a répondu : « Georges Abdallah est un simple combattant issu des rangs de notre peuple. »
Il a expliqué qu’il rencontrerait les forces politiques et populaires au Liban afin de déterminer comment il pourrait servir au mieux son pays. « Je vais écouter, observer et voir de mes propres yeux ce que je ne pouvais auparavant percevoir que de manière abstraite derrière les barreaux », a-t-il expliqué.
« Je parlerai avec tous ceux qui trouveront le temps de me rencontrer et d’entendre ce qu’ils pensent que je peux apporter au projet national, à la construction de l’État, à la construction de l’armée, à la lutte contre l’ennemi sioniste et à la protection de notre société. »
Abdallah a conclu son interview en remerciant Al Mayadeen, déclarant : « Que Al Mayadeen reste la voix des combattants de ce peuple, la voix de ses masses et la voix de son État unifié. »
Qui est Georges Abdallah ?
Ancien membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Georges Abdallah a passé 41 ans en prison, ce qui fait de lui le prisonnier le plus ancien d’Europe.
Qui est Georges Ibrahim Abdallah, le plus ancien prisonnier politique d’Europe ?
Il a fondé les Factions armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupe marxiste-léniniste qui a revendiqué quatre attentats en France dans les années 1980.
Le révolutionnaire libanais a été accusé d’avoir participé aux meurtres de l’attaché militaire américain Charles Robert Ray et du diplomate israélien Yacov Barsimantov en 1982 et a été condamné pour ces faits.
Abdallah n’a jamais répondu à la liste des accusations et a estimé que la justice française avait « de manière ignoble » sorti de leur contexte les actes de résistance.
Lors de son procès pour le meurtre présumé des diplomates, Abdallah a été condamné à la prison à perpétuité, une peine nettement plus sévère que les 10 ans requis par le procureur.
Son avocat, Jacques Verges, a qualifié cette sentence de « déclaration de guerre ».
Abdallah maintient qu’il est un combattant qui défend les droits des Palestiniens, et non un criminel.
Auteur : Al-Mayadeen
* Al-Mayadeen Media Network, une chaîne arabe indépendante d'information par satellite, a été lancée le 11 juin 2012, et est basée dans la capitale libanaise, Beyrouth. Elle est aujourd'hui la première chaîne d'information dans plus d'un pays arabe en raison de son professionnalisme et de son engagement, ce qui en a fait un espace public de rencontre et d'interaction sociale.La chaîne Al-Mayadeen a pour slogan « la réalité telle qu'elle est », et est engagée à transmettre des faits et des opinions dans un monde en crise. Son compte Twitter.
3 août 2025 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine
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