
Un combattant du Hamas mène une opération visant deux véhicules blindés israéliens à Khan Younis, le 24 juin. Au moins sept soldats israéliens ont été tués dans cette attaque, la plus meurtrière depuis la reprise de l'offensive militaire israélienne sur Gaza, le 18 mars - Photo : extrait médias résistance
Par Jawa Ahmad, Jeremy Scahill
Trump s’obstine à dire qu’un accord sur Gaza pourrait être imminent alors que Netanyahu poursuit sa campagne de sabotage.
Depuis que Donald Trump a annoncé le 1er juillet qu’un accord de cessez-le-feu à Gaza était probable, voire imminent, Israël s’efforce de saboter les négociations en recourant à des méthodes éculées afin de bloquer un accord qui mettrait fin à la guerre.
Depuis près de deux semaines, une délégation de haut niveau du Hamas et du Jihad islamique palestinien (JIP) rencontre à Doha les médiateurs régionaux du Qatar et de l’Égypte afin de parvenir à un accord qui lève le blocus meurtrier imposé par Israël, rétablit le système de distribution de l’aide humanitaire sous l’égide de l’ONU, impose le retrait des forces d’occupation israéliennes et prévoit que le Hamas renonce officiellement à son autorité sur Gaza en échange d’une garantie américaine de la fin du génocide.
Immédiatement après l’annonce par Trump de ce qu’il a qualifié de « proposition finale » pour un accord sur Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a sapé le processus de négociation en annonçant à plusieurs reprises, en public, son intention de poursuivre la guerre après avoir obtenu la libération de dix otages israéliens vivants dans le cadre d’une trêve temporaire de 60 jours et de poursuivre sa campagne de nettoyage ethnique visant à chasser les Palestiniens survivants de Gaza.
« Après la pause, nous transférerons la population de la bande de Gaza vers le sud et imposerons un siège [sur le reste de Gaza] », a récemment déclaré M. Netanyahu au ministre d’extrême droite Bezalel Smotrich, selon la chaîne israélienne Channel 12.
Lundi, assis dans le Bureau ovale, M. Trump a donné son avis sur la situation. « La bande de Gaza. Je l’appelle la bande de Gaza. L’une des pires transactions immobilières jamais réalisées. Ils ont abandonné ce terrain en bord de mer », a-t-il déclaré. « Cela devait apporter la paix, mais cela n’a pas été le cas. Cela a eu l’effet inverse. Mais nous nous en sortons plutôt bien à Gaza. » Trump a ajouté : « Je pense que nous pourrions avoir quelque chose à annoncer assez rapidement. »
Israël aurait soumis lundi aux médiateurs de nouvelles « cartes » pour le redéploiement de ses troupes dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu temporaire.
Netanyahu a insisté sur le fait qu’il souhaitait maintenir un important contingent de soldats israéliens à Gaza, en particulier le long de la frontière avec l’Égypte. Au cours de la semaine dernière, Israël a subi des pressions de la part des États-Unis pour réduire la taille du contingent [dans Gaza] afin de parvenir à un accord. Le Hamas n’a pas encore répondu.
Alors que le processus s’éternise et qu’Israël poursuit ses attaques pour faire de Gaza une terre brûlée, les combattants de la résistance palestinienne ont intensifié leurs opérations contre les forces d’occupation israéliennes.
Les combattants des Brigades Qassam, la branche armée du Hamas, et ceux du Saraya Al Quds du Jihad islamique ont mené une série d’embuscades bien orchestrées au cours des deux dernières semaines, tuant des soldats israéliens et détruisant des véhicules blindés et d’autres équipements.
Cinq divisions militaires israéliennes sont actuellement déployées à l’intérieur de Gaza, soit des dizaines de milliers de soldats.
Les forces de résistance palestiniennes ont récemment révélé avoir découvert toute une série de dispositifs d’espionnage israéliens, dont certains auraient été installés avant l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu initial en janvier.
Une évaluation diffusée en interne parmi les groupes de résistance palestiniens et partagée avec Drop Site révèle que les partisans ont désactivé de nombreux dispositifs de surveillance et, dans certains cas, les ont reprogrammés pour les utiliser dans des opérations visant les forces israéliennes.
Les médias israéliens ont noté une augmentation significative des attaques de la résistance palestinienne contre les forces d’occupation. « La résistance a éliminé ces méthodes d’espionnage terrifiantes, les a vidées de leur contenu et les a même utilisées à son avantage dans certains endroits », indique l’évaluation.
Les négociateurs palestiniens comprennent que si Trump n’oblige pas Israël à signer un accord reconnaissant les « lignes rouges » du Hamas, l’alternative sera la poursuite d’une guerre d’usure.
Un haut responsable du Hamas a déclaré à Drop Site qu’en l’absence d’accord, l’intensification de l’insurrection armée contre les forces israéliennes à Gaza serait « le seul moyen efficace de contrer tous leurs plans ».
« Netanyahou est passé maître dans l’art de faire échouer les négociations les unes après les autres et ne souhaite parvenir à aucun accord », a déclaré le Hamas dans un communiqué publié lundi.
« Plus la guerre se prolonge, plus l’armée d’occupation s’enfonce dans les sables mouvants de Gaza et devient vulnérable aux frappes de haut niveau de la résistance. »
Les pourparlers – des négociations indirectes entre Israël et le Hamas par l’intermédiaire de médiateurs régionaux – ont débuté le 6 juillet, et depuis lors, Israël a encore intensifié ses attaques meurtrières contre les Palestiniens à Gaza.
Chaque jour, des enfants sont démembrés, brûlés vifs ou écrasés sous les décombres.
Les Palestiniens affamés sont abattus alors qu’ils cherchent de maigres rations alimentaires dans les sites gérés par la soi-disant Fondation humanitaire de Gaza [GHF], tandis que l’armée israélienne annonce presque quotidiennement de nouveaux ordres de déplacement forcé, entassant les Palestiniens dans une bande de terre de plus en plus réduite au bord de la mer Méditerranée, sur la côte ouest de Gaza.
Samedi, Israël a annoncé que les Palestiniens n’étaient plus autorisés à mettre les pieds dans la mer, malgré les températures estivales caniculaires. « L’accès à la mer est interdit », a écrit le porte-parole de l’armée israélienne en arabe sur Twitter/X. « Les forces de défense réagiront à toute violation de ces restrictions. »
Des sources au sein de l’équipe de négociation palestinienne ont déclaré à Drop Site que la délégation israélienne semblait avoir été envoyée à Doha par Netanyahu avec pour mission d’exiger la capitulation totale du Hamas, y compris la démilitarisation complète de la bande de Gaza, et l’exil des dirigeants du Hamas.
Aucune de ces conditions ne figure dans la proposition approuvée par Trump.
Basem Naim, un haut responsable du Hamas, a déclaré à Drop Site qu’il pensait que Netanyahu faisait publiquement semblant d’accepter la possibilité d’un accord afin de gagner du temps et de pouvoir ensuite rejeter la responsabilité de l’échec sur le Hamas, ce qui lui permettrait de poursuivre la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza.
« Les négociations sont au point mort malgré la bonne disposition et la flexibilité dont a fait preuve le mouvement pour faire aboutir ce cycle de négociations.
La raison en est l’insistance du gouvernement Netanyahu à imposer [des conditions] sur le terrain dans la bande de Gaza qui conduiraient à ce que l’armée d’occupation conserve le contrôle total du territoire », a déclaré Naim.
« Cela inclut leur insistance à maintenir le mécanisme d’aide actuel, ces ‘pièges mortels‘, et à ne pas se retirer de la bande de Gaza, en gardant de vastes zones, y compris tout Rafah, sous le contrôle de l’armée d’occupation dans le cadre d’un plan israélien visant à préparer le déplacement de la population. En plus de tout cela, Netanyahu a annoncé dans les médias que la guerre reprendrait après 60 jours. »
Gaza : le cessez-le-feu et le projet israélo/US d’un méga camp de concentration
M. Naim a ajouté : « Cette offre ne sera pas acceptable pour nous, et le mouvement insiste sur un accord qui conduise à la cessation de la guerre, au retrait des forces hostiles et à l’autorisation de l’entrée de l’aide conformément à l’accord de janvier 2025. »
Néanmoins, au cours du week-end, Trump a réaffirmé qu’il pensait qu’un accord était en vue. « Nous sommes en pourparlers et j’espère que nous allons régler cela au cours de la semaine prochaine », a-t-il déclaré dimanche après avoir rencontré de hauts responsables qatariens lors d’un match de football dans le New Jersey.
Trump était accompagné de l’envoyé spécial Steve Witkoff, qui s’est dit « optimiste » quant à la conclusion d’un accord. Dans une interview diffusée samedi soir, Netanyahu a déclaré à FOX News : « Nous y travaillons, mais je pense que nous finirons par atteindre tous nos objectifs, à savoir la libération et le retour en toute sécurité de tous nos otages, ainsi que la destruction du Hamas. »
« Les options sont limitées »
Les responsables du Hamas ont répété à plusieurs reprises aux États-Unis et aux médiateurs régionaux qu’ils accepteraient un accord global prévoyant la libération immédiate de tous les prisonniers israéliens détenus à Gaza, en échange de la fin de la guerre, de la levée du blocus et du retrait israélien de Gaza.
Connue sous le nom de « résolution tout pour tout », cette solution prévoit également la libération d’un grand nombre de Palestiniens détenus par Israël et une trêve à long terme, appelée « hudna » en arabe. Israël a rejeté toutes ces propositions.
L’équipe de négociation dirigée par le Hamas a reconnu qu’elle subissait une pression croissante de la part des Palestiniens de Gaza pour obtenir un accord, même temporaire, en raison des conditions effroyables et des massacres imposés à l’enclave.
Mais capituler devant les exigences de Netanyahu reviendrait, selon les négociateurs, à renoncer à l’existence de Gaza en tant que territoire palestinien. Sans une intervention de Trump, les Palestiniens n’ont d’autre choix que de poursuivre la résistance.
« Tout le monde sait que les options sont limitées. La seule chose qui nous est offerte, c’est la capitulation, comme si Israël était en train de l’emporter militairement », a déclaré Mohammed Al-Hindi, secrétaire général adjoint du Jihad islamique palestinien, dans une interview accordée samedi à Al Jazeera Arabic.
« Même les médias américains et occidentaux le disent : cela s’est transformé en une guerre d’usure. Mais nous n’avons rien d’autre que notre courage. Nous fabriquons nos propres armes. Nous n’avons pas les ressources dont dispose Israël. Mais notre courage et notre foi rééquilibre le champ de bataille. La guerre d’usure est en notre faveur. Le temps joue en notre faveur, pas en celle d’Israël. Israël encercle Gaza, mais il ne peut pas avancer. Il veut redessiner la carte, mais il ne peut pas. S’il avance, il sera confronté à encore plus d’usure. »
Le 4 juillet, le Hamas a soumis des propositions d’amendements au cadre approuvé par Trump.
Ces amendements ont consolidé une série de concessions de la part du Hamas, notamment la libération de huit prisonniers israéliens le premier jour d’un cessez-le-feu initial de 60 jours.
Les deux autres seraient libérés le 50e jour et les corps de 18 Israéliens décédés détenus à Gaza seraient restitués par étapes au cours des deux mois suivants.
Le Hamas souhaitait initialement que ces échanges de prisonniers soient échelonnés afin d’empêcher Netanyahu de reprendre la guerre après une semaine. Parmi les amendements proposés par le Hamas figuraient des dispositions qui redonnaient à l’ONU le contrôle de la distribution de l’aide, conformément à l’accord de cessez-le-feu initial de janvier, que Israël a unilatéralement abandonné en mars afin de poursuivre son offensive génocidaire contre Gaza.
Le Hamas a également proposé que le matériel nécessaire à « la réhabilitation des infrastructures (eau, électricité et assainissement), la réhabilitation des hôpitaux et des boulangeries » soit autorisé à entrer à Gaza, ainsi que le matériel nécessaire pour déblayer les décombres et réparer les routes.
Le Hamas souhaitait également un langage plus ferme pour consolider la garantie de Trump que le cessez-le-feu de 60 jours et l’acheminement de l’aide se poursuivraient jusqu’à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu permanent.
Gaza a remis la résistance populaire au centre de la cause palestinienne
Parmi les questions les plus controversées, le Hamas a proposé que les troupes israéliennes se retirent aux positions indiquées sur les cartes négociées dans le cadre de l’accord de janvier.
Le texte original du cadre soutenu par Trump utilisait une formulation vague et suggérait que de nouvelles cartes seraient négociées.
Le Hamas a également inclus une clause qui rouvrirait le passage de Rafah à la frontière égyptienne dans les deux sens pour « les voyageurs, les malades, les blessés et le commerce ».
Netanyahu a insisté sur le fait que les forces israéliennes ne se retireraient pas du corridor de Philadelphi le long de la frontière égyptienne – seule porte de sortie de Gaza vers le monde extérieur – et maintiendraient le contrôle total de toute la bande de Gaza.
La semaine dernière, le journaliste israélien Barak Ravid a rapporté dans Axios que l’administration Trump avait compris que le Hamas n’accepterait pas le plan israélien visant à établir ce qui équivaudrait à un camp de concentration dans le sud de Gaza, avec le maintien indéfini d’importantes forces militaires israéliennes dans le territoire.
Le chef de l’armée israélienne a déclaré que ses forces s’empareraient d’une large partie du sud de Gaza pour établir ce qu’il a cyniquement qualifié de « ville humanitaire », où 600 000 Palestiniens seraient initialement parqués et nourris avant d’être expulsés vers d’autres pays.
Witkoff et un haut responsable qatari, a rapporté Ravid, « ont clairement fait savoir à [Ron Dermer, le négociateur en chef de Netanyahu] que la carte proposée par Israël – qui prévoit un redéploiement beaucoup plus restreint que celui effectué par l’armée israélienne lors du précédent cessez-le-feu – est inacceptable ».
Netanyahu s’est alors empressé, dans un effort apparent pour apaiser les États-Unis, de proposer un faux « compromis » qui maintiendrait en fait les mêmes conditions.
Un responsable du Hamas a déclaré à Drop Site que mercredi soir, Israël avait exigé la création d’une zone tampon contrôlée par Israël encerclant Gaza, qui s’étendrait sur deux kilomètres à l’intérieur de Gaza au nord et à l’est de l’enclave, ainsi qu’une zone de quatre kilomètres (2,5 miles) traversant le sud de Gaza.
Si cette proposition était adoptée, Israël occuperait environ 40 % de Gaza.
Lundi, les médias hébreux ont rapporté qu’Israël présentait une autre proposition avec de « nouvelles » cartes qui réduisaient la présence des troupes israéliennes dans le sud, mais les laissaient fermement implantées à Rafah et dans un cordon militaire autour de toute l’enclave.
« Les Américains sont venus et ont pris le contrôle des négociations à Washington. Ils négocient avec Israël. Ensuite, ils nous apportent le résultat et nous disent : ‘Signez ceci, capitulez’ », a déclaré Al-Hindi sur Al Jazeera.
« Les médiateurs travaillent d’arrache-pied pour parvenir à un accord raisonnable, mais tous leurs efforts se heurtent à l’obstination israélienne. S’ils voulaient vraiment un cessez-le-feu, ils offriraient de réelles garanties. Mais même les garanties américaines sont sans signification. La dernière fois, Israël a récupéré ses captifs et a immédiatement repris les massacres. Ils ne veulent pas mettre fin à la guerre. Ils veulent la contrôler de bout en bout. »
* Jawa Ahmad est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de Drop Site News.Auteur : Jeremy Scahill
* Jeremy Scahill est journaliste à Drop Site News, cofondateur de The Intercept, auteur des livres Blackwater et Dirty Wars. A fait des reportages en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen, etc...
Auteur : Jawa Ahmad
14 juillet 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine
Soyez le premier à commenter