Gaza a mis à nu le colonialisme occidental

12 septembre 2025 - Les adieux déchirants à plus de 45 Palestiniens, dont 18 tués par les forces israéliennes alors qu'ils attendaient de l'aide dans la région de Zikim, et 27 autres tués lors de frappes aériennes visant des tentes et une école abritant des familles déplacées à Gaza : Photo : Yousef Al-Zanoun / Activestills

Par Jonathan Cook

Israël et l’idéologie sioniste sont la nouvelle incarnation de l’ignoble système de contrôle raciste cher aux élites occidentales, déguisé en « cause juste et morale ». Aujourd’hui, cela ne trompe plus personne.

La campagne menée par Israël pour éradiquer Gaza est sur le point d’entrer dans sa troisième année.

Il ne s’agit pas seulement d’un moment symbolique. C’est un moment décisif, tant pour ceux qui procèdent à la destruction de l’enclave que pour ceux qui s’y opposent.

Après deux ans, les capitales occidentales refusent toujours de qualifier de génocide le massacre perpétré par Israël et la famine qu’il a provoquée. Elles restent aveugles au tsunami de crimes contre l’humanité commis par Israël au cours des 23 derniers mois.

Même reconnaître ces atrocités comme des violations du droit international a été un pas trop difficile à franchir pour la plupart d’entre elles.

Les dirigeants occidentaux ne sont pas prêts à changer de cap.

Comme Macbeth dans la pièce de Shakespeare, ils ont « tellement répandu le sang » qu’ils n’osent pas revenir en arrière. Cela reviendrait à admettre leur complicité dans le génocide perpétré par Israël, étant donné qu’ils ont fourni les armes, les renseignements et la couverture diplomatique qui l’ont rendu possible.

Mais la difficulté de nier une réalité retransmise en direct à leurs populations nationales augmente de jour en jour, et pas seulement parce que les enfants squelettiques de Gaza meurent en nombre toujours plus grand.

8 août 2025 – Les Palestiniens, confrontés à de graves pénuries alimentaires en raison des attaques et du blocus israéliens, se rassemblent près du poste de contrôle israélien de Zikim pour recevoir une aide humanitaire limitée dans le nord-ouest de Gaza – Photo : Saeed M. M. T. Jaras / AA

La semaine dernière, l’association internationale des experts du génocide a statué à une écrasante majorité que les actions d’Israël à Gaza répondaient à la définition juridique du génocide.

Le consensus officiel scientifique a désormais rattrapé celui de l’opinion publique, même si les dirigeants occidentaux et leurs médias aux ordres préfèrent ignorer les deux.

C’est bien un génocide qui est commis à Gaza.

Le seul verdict qui reste à attendre est celui de la Cour internationale de justice.

Ses rouages tournent si lentement que sa décision finale – qui va certainement confirmer les soupçons initiaux de génocide émis par ses juges – n’aura d’importance que pour les historiens.

Les « complices » du génocide

Le génocide aura des répercussions bien plus larges que Gaza. Les élites occidentales s’efforcent contre vents et marées d’entretenir le grand mensonge selon lequel Israël mène une « guerre d’autodéfense ». Mais William Schabas, éminente autorité en matière de génocide et de droit pénal international, a observé la semaine dernière que l’affaire judiciaire portée devant la CIJ, en janvier 2024, contre Israël, est « sans doute le cas de génocide le plus solide jamais traduit devant la Cour ».

Les poursuites ont commencé il y a 20 mois.

Les États occidentaux, en particulier les États-Unis et l’Allemagne, ajoute-t-il, n’ont pas caché leur complicité active dans le génocide. Cela signifie que l’ordre libéral occidental traverse une crise profonde. Schabas affirme que le système judiciaire international est désormais confronté à un « test décisif » : peut-il mettre fin au génocide et traduire ces États voyous en justice ?

Un échec ne serait pas seulement catastrophique pour la population de Gaza. Il marquerait également l’effondrement de l’ordre libéral occidental.

Les dirigeants occidentaux ont été incapables d’obtenir le consentement populaire au génocide ou à la complicité de l’Occident dans le génocide. Ils se sont donc retournés contre ceux qui ont dénoncé la barbarie. C’est eux qui sont vilipendés, harcelés et arrêtés.

Aux États-Unis, la police a frappé des étudiants qui avaient installé des campements de protestation sur le campus, tandis que les universités ont retiré leurs diplômes à nombre d’entre eux. Les autorités fédérales chargées de l’immigration ont commencé à traquer les militants anti-génocide afin de les expulser.

Les Palestiniens eux-mêmes, même les enfants de Gaza qui ont un besoin urgent de soins médicaux pour les blessures subies lors des explosions des bombes fournies par les États-Unis, se voient désormais refuser des visas pour les États-Unis.

La situation est similaire au Royaume-Uni. Les manifestations de masse contre le génocide sont qualifiées de « marches de la haine ». Les militants qui ciblent les usines d’armes fournissant la machine génocidaire israélienne – et menacent ainsi les ventes d’armes du Royaume-Uni à Israël – sont emprisonnés comme des terroristes.

Et ceux qui prennent la parole pour défendre ces militants sont pourchassés et arrêtés en vertu de la même législation antiterroriste draconienne.

Ce week-end, une deuxième manifestation de masse a eu lieu devant le Parlement britannique contre l’interdiction de Palestine Action. Près de 900 manifestants ont été arrêtés pour avoir brandi une pancarte exprimant leur soutien au groupe d’action directe.

Avant la protestation, la police « antiterroriste » a lancé une série de raids contre les domiciles des organisateurs de Defend Our Juries, un groupe juridique à l’origine des manifestations de masse.

Six d’entre eux ont été inculpés de délits terroristes passibles de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans, dont Tim Crosland, avocat et ancien haut fonctionnaire de la Serious Organised Crime Agency et de la National Crime Agency.

Une logique circulaire

On retrouve ici des échos de l’atmosphère répressive qui régnait dans l’Amérique des années 1950, lorsque le sénateur Joseph McCarthy menait une chasse aux sorcières contre les militants de gauche, les qualifiant d’« anti-américains » de « communistes » et de menaces pour la sécurité nationale.

Il a été immédiatement soutenu par les deux partis au Congrès, ainsi que par Hollywood, les médias, les universités, les entreprises et les tribunaux. Des carrières et des vies ont été détruites. Le socialisme aux États-Unis, qualifié d’idéologie dangereuse et subversive, ne s’en est jamais remis.

Aujourd’hui, l’Union soviétique ayant disparu depuis longtemps, le prétexte à l’autoritarisme et à la répression politique n’est plus le « communisme ».

Désormais, les politiques progressistes qui s’opposent au génocide sont qualifiées d’« antisémites », ce qui constitue en soi une insulte envers les juifs, laissant entendre que le massacre des Palestiniens correspondrait intrinsèquement à une certaine vision « juive » du monde.

Le véritable objectif a toujours été d’écraser l’opposition à l’idéologie sioniste.

Ce sont les institutions occidentales, s’appuyant sur un sionisme chrétien occidental vieux de plusieurs siècles, qui ont parrainé la création d’Israël en tant qu’État d’apartheid, privilégiant les immigrants juifs récents par rapport aux Palestiniens autochtones et validé le nettoyage ethnique des Palestiniens.

Le sionisme, tant dans sa forme chrétienne que juive, est l’idéologie qui conduit aujourd’hui au génocide. Mais le sionisme représente plus que cette forme étroite de suprématie juive. C’est pourquoi les capitales occidentales sont déterminées à soutenir à tout prix Israël et l’idéologie qu’il incarne, même si cela implique de déchirer leurs propres sociétés.

Le sionisme moderne est la continuation du colonialisme occidental – le recours à la violence pour soumettre et dominer d’autres populations, afin de contrôler leurs ressources, mais avec l’avantage d’une couverture « morale ».

Le colonialisme traditionnel est tombé en désuétude après la Seconde Guerre mondiale, au moment même où, dans le sillage de l’Holocauste, sa réincarnation sous la forme du sionisme pouvait être présentée comme la cause la plus juste et la plus morale de notre époque.

Le soutien occidental à un État israélien hautement militarisé dans un Moyen-Orient riche en pétrole était censé libérer le peuple juif – le libérer, notons-le, d’une Europe génocidaire – mais il y avait pour cela un prix à payer.

Le prix à payer était l’annihilation du peuple palestinien et le vol de ses terres ancestrales pour y créer un soi-disant « État juif ». Cet État constituerait un avant-poste armé par l’Occident dont la raison d’être serait d’intimider et d’attaquer ses voisins arabes, en appliquant une politique étrangère basée sur le principe « diviser pour mieux régner » qui, par hasard, correspondait aux intérêts occidentaux.

22 juillet 2025 – Un Palestinien porte une fillette tuée dans des frappes aériennes israéliennes qui ont visé la maison de la famille Mushtaha dans la rue Mukhabarat à Gaza. Dix personnes ont été tuées dans cette attaque. Une ambulance a également été touchée pendant le bombardement – Photo : Yousef Zaanoun / Activestills

Si l’Occident avait fait tout cela directement – plutôt que par l’intermédiaire de son mandataire – il aurait été évident que le colonialisme occidental brutal n’avait jamais cessé de s’imposer au Moyen-Orient. Israël et l’idéologie sioniste sur laquelle il était fondé lui ont offert un nouveau déguisement.

Mieux encore, la narrative qui lui servait de couverture reposait sur une merveilleuse logique circulaire qui a fonctionné pendant des décennies.

Plus l’Occident armait Israël pour qu’il martyrise le peuple palestinien sous son contrôle et qu’il envahisse et bombarde ses voisins arabes, plus cela engendrait une résistance régionale. Et plus Israël était confronté à la résistance, plus l’Occident pouvait l’armer au motif qu’il fallait le protéger contre des Arabes irrationnels, sauvages et antisémites.

Lorsque l’islam politique – principal symptôme réactionnaire de la domination et de la colonisation de la région par le sionisme – s’est développé, l’Occident en a fait la cause des troubles au Moyen-Orient. Israël avait provoqué lui-même les problèmes de « terrorisme » qu’il était censé résoudre.

Une police d’assurance

Mais le sionisme était plus qu’une couverture pour les institutions occidentales. C’était aussi une police d’assurance.

Le rôle du sionisme était de normaliser les atrocités commises contre les personnes de couleur – voire de donner à ces crimes une finalité morale – tout en insufflant vie au récit favori du colonialisme : un « choc des civilisations » entre le progrès occidental et la barbarie orientale.

Le succès du sionisme s’est mesuré à sa capacité à engendrer une politique de la peur – la « guerre contre le terrorisme » – qui pouvait être utilisée pour manipuler l’opinion publique au profit de la classe dirigeante occidentale.

Pendant des décennies, les institutions occidentales ont marginalisé politiquement, en les qualifiant d’« antisémites », ceux qui s’opposaient à la destruction du peuple palestinien par Israël et à sa domination continue de l’« État juif » sur le Moyen-Orient.

Le soi-disant courant dominant – que ce soit dans la politique officielle ou dans les médias du pouvoir – n’a jamais rien fait de plus que des déclarations de pure forme autour de la question de la justice pour le peuple palestinien.

Tout ce qui allait au-delà, tout ce qui exerçait une réelle pression sur Israël pour qu’il fasse des concessions, comme le mouvement populaire BDS visant à boycotter Israël, était automatiquement diabolisé et accusé d’inciter à la haine des juifs. Le rôle du sionisme en tant que police d’assurance a été révélé au grand jour au Royaume-Uni après l’élection surprise de Jeremy Corbyn, un socialiste démocrate, à la tête du Parti travailliste.

Corbyn a su capter une vague de soutien en faveur des politiques de gauche, prônant non seulement une politique étrangère plus juste, moins militariste et moins colonialiste, qui risquait de mettre en lumière le fait qu’Israël est un véritable anachronisme, mais aussi la fin des politiques d’austérité nationales qui avaient vidé les services publics de leur substance et laissé les électeurs dans un sentiment d’impuissance et de pauvreté.

L’establishment britannique, y compris la faction de droite du Parti travailliste désormais dirigée par le Premier ministre Sir Keir Starmer, a rapidement décidé d’utiliser l’antisémitisme comme arme contre Corbyn et sa base politique.

Pendant les années Corbyn, la gauche a été présentée comme intrinsèquement antisémite. Starmer s’est donné pour priorité absolue de purger le parti de toute trace de gauche dès son arrivée au pouvoir.

Il est à noter que les accusations d’antisémitisme ne visaient pas seulement l’activisme pro-palestinien de Corbyn, mais aussi ses politiques de redistribution. Ses détracteurs ont vicieusement insinué que les critiques de Corbyn contre des élites financières, qui avaient pillé les richesses du pays et les avaient cachées dans des paradis fiscaux offshore, étaient en réalité des références codées aux « banquiers juifs ».

Tout comme le maccarthysme avant lui, la chasse aux sorcières antisémite contre Corbyn visait à saboter la gauche et ses aspirations à une société plus juste. Il s’agissait de préserver le colonialisme militarisé à l’étranger et la protection des élites néolibérales au niveau national.

Une menace imaginaire

Mais le génocide perpétré par Israël à Gaza met à rude épreuve cette façon de faire de la politique.

Tout comme sous le maccarthysme, on fait croire aux opinions publiques occidentales que l’ordre libéral ne peut être protégé que par des moyens profondément illibéraux.

Dans les années 1950, l’establishment a imposé la pensée unique sous peine de poursuites juridiques ou d’exclusion sociale, afin de réduire au silence ses opposants, le tout étant justifié par la guerre contre la menace communiste.

A Gaza, Yazan, âgé de deux ans, souffre de malnutrition sévère. Sa mère, Naima, déclare : « Nous n’avons pas reçu de farine ni aucune aide alimentaire depuis deux mois. » – Photo : El Baba / Unicef

Aujourd’hui, 70 ans plus tard, le sionisme est considéré comme tellement central à « l’ordre libéral » occidental que ses opposants – ceux qui s’opposent à ce que des enfants soient volontairement réduits à la famine – doivent être diabolisés et mis hors la loi.

Comme dans le cas du maccarthysme, il s’agit ici de dirigeants qui prétendent défendre des valeurs libérales et humanitaires alors qu’ils font exactement le contraire : ils soutiennent le génocide à Gaza, interdisent à l’opposition de manifester et la criminalise en la traitant de « terroriste ».

La narrative qui leur sert de couverture s’effiloche. C’est pourquoi les capitales occidentales – à l’exception de Washington sous Donald Trump – tentent désespérément de réparer les dégâts en parlant de reconnaître un État palestinien ce mois-ci à l’ONU.

La Belgique, dernière recrue à date, est un bon exemple des contorsions auxquelles se livrent les dirigeants occidentaux pour empêcher tout changement significatif.

Bruxelles conditionne sa reconnaissance à la libération par le Hamas du dernier prisonnier israélien et à l’engagement que le mouvement ne joue plus aucun rôle à Gaza. En d’autres termes, la Belgique a donné au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui ne montre aucun signe de vouloir un cessez-le-feu, un nouveau prétexte pour opposer son veto à la création d’un État palestinien.

Aucun des autres États qui s’apprêtent à reconnaître la Palestine – parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada – n’a l’intention de lui accorder une véritable souveraineté. Elle sera « démilitarisée », c’est-à-dire qu’elle n’aura ni armée ni force aérienne pour protéger ses frontières, et continuera à dépendre entièrement de la bonne volonté d’Israël pour le commerce et la liberté de circulation.

Une reconnaissance aussi symbolique profite à ces pays, et non aux Palestiniens.

À la fin du mois dernier, le président français Emmanuel Macron a laissé échapper cette information dans une lettre obséquieuse à Netanyahu. Il s’est vanté d’avoir sapé l’antisionisme – l’opposition à l’apartheid israélien et au régime génocidaire imposé aux Palestiniens – en l’assimilant à de l’antisémitisme.

Il a expliqué que l’objectif de la reconnaissance d’un État palestinien « démilitarisé » et fictif était « de transformer les gains militaires d’Israël au niveau régional [ses attaques et ses bombardements intensifs contre ses voisins] en une victoire politique durable, bénéfique pour sa sécurité et sa prospérité ».

D’autres avantages supposés seraient la « normalisation » d’Israël, une fois qu’il aurait assez terrorisé ses voisins pour qu’ils se soumettent et signent les accords d’Abraham de Trump, dont le but est d’intégrer davantage Israël dans l’économie de la région.

Pour l’Occident, reconnaître la Palestine ne signifie pas faire progresser la souveraineté palestinienne, ni même mettre fin au génocide. Il s’agit de préserver le colonialisme occidental au Moyen-Orient dans le cadre du sionisme.

Une force de protection de l’ONU ?

L’hypocrisie atteint des sommets…

David Lammy, ancien ministre britannique des Affaires étrangères, continue d’une part de tweeter son indignation face à la « crise humanitaire » provoquée par Israël qui engendre une famine à Gaza, tout en ne faisant absolument rien pour y mettre fin. Sa successeure, Yvette Cooper, semble déterminée à maintenir la même approche hypocrite.

Les dirigeants européens se demandent comment réagir face au double coup dur que représente Israël, prêt à envahir la ville de Gaza, à expulser ou à massacrer sa population affamée, puis à annexer la Cisjordanie. Même les chefs militaires israéliens admettent que le prétexte officiel pour envahir la ville de Gaza – « vaincre » le Hamas – est une chimère.

L’annexion de la Cisjordanie par Israël anéantira tout espoir de voir émerger un État palestinien, même « démilitarisé ».

La semaine dernière, Lammy a une fois de plus menti en déclarant : « Le Royaume-Uni fait tout ce qu’il peut pour améliorer la situation. »

Lui et d’autres dirigeants occidentaux pourraient prendre de nombreuses mesures concrètes si la vie des Palestiniens leur importait davantage que le maintien du colonialisme occidental déguisé en sionisme.

La Grande-Bretagne pourrait cesser de vendre des armes à la machine de guerre génocidaire d’Israël. Elle pourrait également mettre fin aux vols d’espionnage depuis la base aérienne britannique d’Akrotiri à Chypre, qui fournissent des renseignements à l’armée israélienne qui bombarde des hôpitaux, assassine des journalistes et affame les enfants.

L’Occident peut également prendre des mesures pour intervenir. Le gouvernement britannique pourrait envoyer des navires militaires chargés de nourriture et de médicaments pour briser le siège israélien sur Gaza et aider les agences des Nations unies à nourrir la population locale.

Le Royaume-Uni pourrait mettre Israël au défi de l’en empêcher.

Mieux encore, la Grande-Bretagne et d’autres États européens pourraient soutenir un mécanisme « Uniting for Peace » (Unis pour la paix) à l’Assemblée générale des Nations unies afin de passer outre le veto inévitable des États-Unis et d’envoyer une force de protection de l’ONU à Gaza.

Une telle force de maintien de la paix pourrait garantir l’aide humanitaire d’urgence à Gaza et répondre militairement à toute tentative d’ingérence israélienne. Si cela semble ridiculement invraisemblable, c’est uniquement parce que nous acceptons implicitement l’idée que l’Occident ne demandera jamais des comptes à son État client préféré en utilisant le droit international.

La question que nous refusons de poser est pourquoi.

Le précédent britannique

Une fois de plus, c’est aux populations occidentales qu’il revient de prendre la place de leurs gouvernements défaillants.

La semaine dernière, une flottille de dizaines de navires humanitaires a quitté l’Espagne pour Gaza. Parmi les passagers figurent la militante écologiste Greta Thunberg, l’acteur de Game of Thrones Liam Cunningham et le petit-fils de Nelson Mandela, Mandla Mandela.

Israël a déjà attaqué des flottilles dans les eaux internationales et kidnappé leurs passagers et leurs équipages, pour les emmener en Israël et les expulser. Le navire de tête semble avoir été touché par un drone alors qu’il était au port en Tunisie lundi soir.

Dans le même temps, le ministre israélien de la Sécurité d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, a menacé de mettre les participants à la flottille dans des prisons « réservées aux terroristes », et de bafouer leurs droits fondamentaux. Dans ces prisons, les Palestiniens, souvent détenus sans inculpation, sont systématiquement battus, torturés et victimes d’abus sexuels.

« Après plusieurs semaines passées en prison, ces partisans du terrorisme n’auront plus envie d’organiser une autre flottille », a-t-il déclaré.

« Ne touchez pas aux enfants palestiniens ! » Manifestation à Londres en soutien aux Palestiniens, le 30 mars 2018 – Photo : Forum palestinien en Grande-Bretagne

Ben Gvir s’est peut-être inspiré du précédent que le gouvernement Starmer a créé en qualifiant d’infraction terroriste toute action directe visant à mettre fin au génocide.

Ce qui est certain, c’est que la Grande-Bretagne et les autres États européens ne feront rien pour protéger leurs citoyens lorsqu’ils seront illégalement arrêtés dans les eaux internationales ou lorsqu’ils seront emmenés, pour avoir tenté de nourrir des enfants affamés, dans les prisons de l’État qui les affame, sous l’inculpation de terrorisme.

Lorsqu’on lui a demandé, lors de la séance des questions au Premier ministre, quelles protections le Royaume-Uni offrirait à ses citoyens à bord de la flottille, Starmer a catégoriquement refusé de répondre.

L’heure de vérité

Le moment décisif est arrivé. Deux ans après le début du génocide, alors qu’Israël se prépare à lancer une offensive finale sur la ville de Gaza pour expulser les Palestiniens affamés de leur dernier bastion, les opinions publiques occidentales commencent à prendre conscience de l’horrible vérité : leurs dirigeants ne viendront pas au secours des victimes de la barbarie israélienne.

C’est un moment de vérité brûlante. Ce n’est pas seulement Israël et sa « guerre » génocidaire qui doivent être vaincus. C’est le système colonial hideux qui s’est longtemps caché derrière la façade « morale » du sionisme.

Les signes de l’effondrement se multiplient.

On les voit dans les plus de 1600 personnes qui ont été arrêtés jusqu’à présent au Royaume-Uni sur la base d’accusations de terrorisme forgées de toutes pièces.

On les voit dans la honte qu’on lit sur les visages des policiers envoyés pour les arrêter et des avocats du gouvernement qui doivent les inculper.

On les voit chez l’acteur populaire Hugh Bonneville, star des films Paddington, qui a interrompu une interview télévisée en direct sur son dernier film pour exiger que son gouvernement agisse afin de mettre fin à l’attaque contre la ville de Gaza.

On les voit chez les personnes qui tout au long du parcours du Grand Tour espagnol brandissent des poupées représentant des bébés morts en direction des cyclistes, dont une équipe israélienne.

On les voit dans la manifestation lors d’un concert des Proms, diffusée en direct sur la BBC, au cours de laquelle des manifestants juifs ont accusé l’Orchestre symphonique de Melbourne d’avoir « du sang sur les mains ».

On les voit au Royal Opera House, lâché par ses propres membres après que son directeur se soit battu sur scène avec un artiste brandissant un drapeau palestinien lors du salut final.

On les voit chez les dockers italiens qui menacent de « paralyser » tout le commerce européen si la flottille d’aide à Gaza est arrêtée.

On les voit dans les 23 minutes d’ovation debout – la plus longue jamais enregistrée – après la projection presse, au Festival du film de Venise, d’un film sur le lent assassinat de Hind Rajab, une fillette de cinq ans à Gaza, et sur celui de l’équipe d’ambulanciers qui a tenté de la sauver, par l’armée israélienne.

On les voit dans deux vétérans de l’armée américaine qui ont perturbé une audience du Sénat sur les affaires étrangères et ont été traînés dehors, tout en criant : « Vous êtes complices d’un génocide ! »

On les voit dans le tribunal indépendant de Gaza qui s’est tenu la semaine dernière à Londres, présidé par Corbyn, et qui a recueilli des témoignages choquants d’experts sur le génocide perpétré par Israël à Gaza et la complicité britannique.

Ces actes d’opposition, petits et grands, sont des signes que le noyau de la barbarie occidental commence à se fissurer. Ils sont le signe que l’autorité des systèmes politiques et juridiques occidentaux se pervertit rapidement et se transforme en autoritarisme.

Nous arrivons au moment de vérité. Et Gaza est le clairon qui sonne la charge.

9 septembre 2025 – Middle east Eye – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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