
Les Palestiniens de la bande de Gaza n'avaient pas grand-chose à célébrer à l'occasion de l'Aïd al-Fitr, avec des réserves alimentaires en baisse rapide et aucun signe de fin des bombardements israéliens. De nombreuses personnes ont prié devant des mosquées détruites le jour marquant la fin du mois de jeûne du ramadan, alors qu'au moins 22 Palestiniens ont été assasinés dimanche, pour la plupart des femmes et des enfants. La fête musulmane est censée être un moment joyeux, où les familles se réunissent pour festoyer et acheter de nouveaux vêtements aux enfants, mais la plupart des deux millions de Palestiniens de Gaza tentent simplement de survivre - Capture vidéo Al-Jazeera
Après 21 mois de génocide, 18 ans de blocus, 58 ans de loi martiale et d’occupation militaire, 77 ans d’oppression et de dépossession, c’est encore aux Palestiniens qu’on pose des conditions, dans une énième et obscène sommation à la reddition.
Il n’y a cependant rien à négocier. Il faut stopper Israël.
Comment s’étonner que dans le marché proposé aux Palestiniens : la capitulation en échange de rien, ou plus exactement : la capitulation ET le nettoyage ethnique, les Palestiniens choisissent la résistance ?
Pendant des décennies, les Palestiniens se sont vus sommés d’accepter des injonctions à la reddition camouflées en « offres généreuses ».
« Les Palestiniens n’ont pas choisi une vie de guerre et d’occupation. Mais puisque telle est leur vie, ils n’ont d’autre choix que de survivre – et de résister », écrit Qassam Muaddi.
En Palestine, exister, c’est lutter. La libération ne s’obtiendra pas en négociant avec l’oppresseur, en se soumettant dans son cadre sioniste.
Ce que l’occupant bloque en posant des conditions inacceptables, ce n’est pas seulement le cessez-le-feu, ce n’est pas seulement le droit à l’auto-détermination d’un peuple, mais la survie de deux millions de personnes.
Ce n’est pas un conflit, ce n’est pas une guerre, mais la phase ultime d’un nettoyage ethnique commencé en 1948.
L’occupant efface ce qui reste de Gaza – ruines et survivants.
L’occupant cible des enfants faisant la queue pour remplir des jerricanes d’eau.
L’occupant cible des enfants attendant une distribution de compléments alimentaires.
Nour, 10 ans, accompagne sur une carriole les corps de Said, Siham, Bassem, Ghada, Hayam, Fayez, assassinés alors qu’ils attendaient leur tour. Tous avaient entre 8 et 12 ans.
Au lieu de dessiner, de jouer, d’aller à l’école, les enfants de Gaza errent dans les décombres et perdent leurs amis les uns après les autres.
Aicha évente en pleurant sa mère et son grand frère blessés, à demi-inconscients, allongés dans la poussière sous une bâche.
Rania se désespère aux côtés de son grand frère Raed, 13 ans ; son sang s’écoule sur les dalles de l’hôpital. « J’ai faim petite sœur, je me sens faible, apporte-moi du pain s’il-te-plaît », murmure-t-il.
La journaliste Ruba al-Ajrami emmène sa fille partout avec elle, pour ne pas que la mort les sépare..
Personne n’a dû rendre de compte pour un seul des enfants assassinés à Gaza. L’assassinat de plus de 1000 bébés tués avant d’avoir su dire leur premier mot n’a eu, jusque là, aucune conséquence juridique.
A Gaza, le génocide n’est pas seulement documenté par ceux qui le subissent, mais aussi par ceux qui le commettent, démonstration par l’occupant de l’assurance de son impunité.
Le problème n’est pas tant Israël bombardant le droit international, que ceux qui laissent faire. Le scandale, c’est que l’Occident enterre la loi avec tant de ferveur servile et de profit.
Ilan Pappé : « L’opération menée par la résistance le 7 octobre ne m’a pas étonné ; l’attitude d’Israël ne m’a pas surpris ; mais l’attitude de l’Occident, en particulier de l’Europe occidentale m’a surpris. Je n’avais pas prédit qu’un génocide de cette magnitude, de cette visibilité, de cette cruauté, n’amènerait pas les élites européennes à reconsidérer leur soutien à Israël et à reconnaître leur part de responsabilité dans la souffrance des Palestiniens. »
Ce à quoi nous assistons, ce n’est pas à des pourparlers pour un cessez-le-feu, mais à des arrangements internes entre complices de génocide.
Cependant, comme le souligne Husam Zomlot, représentant de l’OLP à Londres, « lorsqu’on a échoué à stopper le génocide, lorsqu’on n’a pas réussi à obtenir une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies pour intervenir militairement et stopper l’occupant, la moindre des choses, c’est d’arrêter d’être complice ».
Au lieu de cela, l’Occident soutient et justifie les assauts répétés de l’occupant sur les pays voisins – qui ne présentent en rien une menace pour l’existence d’Israël, mais tout au plus une menace pour l’hégémonie, l’oppression et l’expansionnisme israéliens.
« Plus Israël conquiert de terres et oppresse les populations, plus Israël tue, plus l’Occident le dresse en victime», analyse Joseph Massad.
Faire croire à une distribution d’aide et cibler les personnes qui s’y pressent constitue le crime de perfidie, et il est commis aux yeux de tous, jour après jour.
Samir, un survivant, raconte les « flaques de sang » : « Nous étions partis chercher de la nourriture, nous revenons avec des corps. Les sacs qu’ils avaient apportés pour y mettre de la nourriture sont devenus leurs linceuls. »
Dans sa « guerre systématique de la soif », terme emprunté au bureau des médias de Gaza, l’occupant pulvérise 720 puits, vise 112 points d’approvisionnement en eau, privant 1,25 millions de personnes d’eau potable, et cible les camions-citernes. L’armée d’occupation a assassiné plus de 700 personnes alors qu’elles attendaient de l’eau.
Ces crimes sont encouragés et récompensés par l’UE qui choisit de ne pas modifier son accord d’association avec Israël.
Depuis des semaines, le Dr. Ahmad al-Farra, à l’hôpital Nasser, n’a cessé d’alerter sur le fait que les dernières réserves de lait infantile pour prématurés sont épuisées, qu’il est obligé de rationner – et Israël continue de bloquer l’entrée de lait maternisé dans l’indifférence générale.
Comment s’en étonner, quand on a laissé l’occupant abandonner des prématurés dans des couveuses – retrouvés décomposés après la levée du siège de l’hôpital Nasser en novembre 2023 ?
Le Dr. Muhammad Abu Salamiyah, à l’hôpital al-Shifa, alerte sur les dernières réserves de fuel : « Les stations d’oxygène vont cesser de fonctionner. Un hôpital sans oxygène n’est plus un hôpital. Le labo et les banques de sang vont fermer et les unités de sang dans les réfrigérateurs vont se gâter. On nous a fait parvenir quelques poches de sang, et à présent on devra les jeter. L’hôpital ne sera plus un lieu de guérison mais le tombeau de ceux qui ont besoin de soins. »
Plus de cent prématurés sont en danger de mort, privés de respirateurs. Les médecins opèrent à la lumière du téléphone portable, sans air conditionné ni ventilateur.
« La sueur des chirurgiens goutte dans les plaies des patients. Mais il n’y a pas d’alternative », rapporte le Dr. Mohammed Saqr, à Nasser.
Le génocide à Gaza est un miroir. Il en dit si long sur nous.
Le journaliste Youssef Sharaf a perdu sa femme, ses quatre enfants et toute sa famille en un instant. « Je pensais que mon coeur était mort (…), qu’il n’y avait plus de vie possible. (…) Mais Mohammad Ali est venu à moi, il m’a appelé avec un mot qui a secoué tout mon être : ‘Papa’. (…) Et Dieu nous a rassemblés autour d’une table d’amour, sous une canopée de miséricorde. (…) Cet enfant n’est pas seulement une nouvelle vie, c’est un miracle de guérison.»
En Palestine, un même mot, chourch شرش , désigne les racines et les veines. C’est la terre qui arrive au coeur. Ce peuple appartient à cette terre.
En Palestine, un même mot, oq’od اقعد, signifie « assieds-toi » et « reste ». Celui qui passe, celui qui vient, est invité à rester.
Je voudrais terminer par une pensée pour Hicham, amputé d’un bras, blessé à la jambe, qui pêche à plat ventre sur un radeau fait d’une porte.
Une pensée pour le secouriste qui conduit une ambulance pleine de blessés tout en faisant un massage cardiaque à un bébé.
Auteur : Marie Schwab
* Marie Schwab milite au Collectif Palestine 12 (Aveyron). Ses textes, lus à l'occasion des rassemblements hebdomadaires dans la ville de Millau, sont « des cris du coeur ! »
18 juillet 2025 – Transmis par l’auteure
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