
Le bateau « Conscience » après que les organisateurs de la Freedom Flotilla Coalition ont déclaré que des drones l'avaient attaqué pendant la nuit - Photo : Freedom Flotilla Coalition
Par Prem Thakker
« L’attaque perpétrée aujourd’hui contre notre flottille au large des côtes maltaises n’est pas seulement un acte de piraterie, c’est le résultat d’une complicité mondiale », a déclaré un organisateur de la Freedom Flotilla Coalition.
Tôt vendredi matin, un navire transportant de l’aide humanitaire et des volontaires qui cherchaient à défier le siège génocidaire d’Israël sur Gaza a été attaqué dans les eaux internationales près de Malte, selon les organisateurs.
« Des drones armés ont attaqué à deux reprises l’avant d’un navire civil non armé, provoquant un incendie et une brèche importante dans la coque », a écrit la Freedom Flotilla Coalition dans un communiqué tôt vendredi matin.
Le groupe soupçonne fortement le gouvernement israélien d’être à l’origine de cette attaque.
Les responsables israéliens n’ont pas commenté cette implication. Un avion de l’armée de l’air israélienne aurait survolé Malte à basse altitude quelques heures avant l’attaque du bateau. Il est retourné en Israël quelques heures plus tard. L’armée israélienne n’a pas répondu à une demande de commentaires.
Le « Conscience », le navire à bord duquel se trouvait le groupe Freedom Flotilla Coalition (FFC), transportait 18 personnes. Il devait emmener plusieurs dizaines d’autres volontaires provenant d’au moins 21 pays, dont la contributrice de Zeteo Greta Thunberg et la colonel à la retraite de l’armée américaine Mary Ann Wright, de Malte à Gaza.
Le groupe cherchait à apporter une aide d’urgence à Gaza, alors qu’Israël maintient son siège de deux mois sur la bande de Gaza, laissant 2 millions de personnes menacées de famine.
Un remorqueur se trouvant à proximité a répondu à l’appel de détresse du navire et a aidé à éteindre l’incendie.
Les volontaires bloqués demandent à présent à entrer sur le territoire maltais en raison du danger que court leur navire et pour éviter une nouvelle attaque à la tombée de la nuit, selon Tighe Barry, un organisateur de la coalition, qui a ajouté que le groupe n’avait reçu aucune aide de la Turquie, de la Grèce ou de la Tunisie.
La Coalition avait décidé de ne pas communiquer avec les médias afin d’éviter précisément ce type d’incident.
Il y a deux mois, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a publié une directive ordonnant à l’armée israélienne « de laisser les flottilles de protestation atteindre la côte de Gaza, de débarquer les participants à Gaza, de saisir les navires et de les transférer au port d’Ashdod afin qu’ils puissent être utilisés pour déporter les habitants de Gaza qui souhaitent quitter l’enclave », a déclaré son bureau dans un communiqué.
L’attaque de la flottille en 2010
Depuis des années, des volontaires tentent d’utiliser des flottilles pour briser le blocus imposé par Israël depuis près de deux décennies sur Gaza et soutenir les Palestiniens vivant dans les territoires occupés.
En 2010, les forces israéliennes ont attaqué six navires d’une flottille qui se dirigeait vers Gaza, tuant neuf passagers et en blessant 30 (dont un est décédé des suites de ses blessures). La flottille était organisée par le Mouvement Free Gaza et la Fondation turque pour les droits de l’homme, les libertés et l’aide humanitaire.

Retour en Turquie du Mavi Marmara, navire sur lequel les Israéliens ont assassiné 10 militants de la solidarité – Photo : archives
Les navires transportaient des centaines de tonnes d’aide humanitaire et de matériel de construction. La marine israélienne avait averti la flottille de s’éloigner du blocus, mais les militants ont maintenu leur cap.
Lancés à l’assaut à partir de vedettes rapides et d’hélicoptères, les soldats ont tiré sur les navires, puis pris d’assaut le navire amiral, le Mavi Marmara, et commencé à attaquer les personnes à bord.
Behesti Ismail Songur, l’un des passagers du navire attaqué vendredi, est le fils de Cengiz Songur, assassiné lors de la Flottille de la liberté en 2010.
Des groupes de défense des droits humains du monde entier avaient alors demandé l’ouverture d’une enquête sur l’attaque du bateau civil dans les eaux internationales, dénonçant le fait qu’elle violait le droit international.
Au lendemain de l’attaque, l’administration Obama a bloqué les initiatives du Conseil de sécurité de l’ONU visant à ouvrir une enquête internationale sur l’incident, préférant s’engager en faveur d’une prétendue « enquête rapide, impartiale, crédible et transparente » menée par Israël.
Les États-Unis ont également empêché toute critique à l’encontre d’Israël pour avoir violé le droit international en attaquant un navire dans les eaux internationales. Les États-Unis ont préféré publier une déclaration plus générale condamnant « les actes qui ont entraîné la perte » de vies humaines.
Le vice-président de l’époque, Joe Biden, a quant à lui cherché à défendre activement le raid.
« Eh bien, Israël est en droit de dire : ‘Je ne sais pas ce qu’il y a sur ce navire. Ces types lancent 3000 roquettes sur mon peuple’ », avait déclaré M. Biden.
Il n’y avait aucune arme à bord du navire.
À l’époque également, le démocrate Chuck Schumer s’était joint à 86 autres sénateurs pour affirmer le « droit d’Israël à se défendre », affirmer que le blocus israélien était légal, condamner le Conseil des droits de l’homme des Nations unies « qui, une fois de plus, a pris Israël pour cible » et affirmer qu’Israël « avait tout mis en œuvre pour que l’aide humanitaire parvienne à Gaza sans précipiter inutilement une confrontation » et n’a attaqué le navire qu’après avoir été attaqué (les soldats israéliens n’ont rencontré de résistance que parce qu’ils ont pris d’assaut les navires et tiré sur eux avant de le faire).
En 2014, la Cour pénale internationale a estimé qu’il existait « des motifs raisonnables de croire que des crimes de guerre avaient été commis », mais a choisi de ne pas poursuivre car les crimes n’étaient pas « suffisamment graves » pour justifier une action supplémentaire de la CPI.
« Complicité mondiale »
Les organisateurs de la flottille d’aujourd’hui affirment qu’ils se concentrent sur la mise en sécurité du navire et des volontaires. Mais ils ne veulent pas non plus que les gens perdent de vue ce qui a motivé cette mission au départ.
« La seule raison pour laquelle des civils comme nous sont contraints d’acheminer de l’aide humanitaire vers Gaza est que les gouvernements du monde entier ont complètement échoué à mettre fin à la campagne d’extermination menée par Israël. L’attaque perpétrée aujourd’hui contre notre flottille au large de Malte n’est pas seulement un acte de piraterie, c’est le résultat d’une complicité mondiale », a déclaré à Zeteo Huwaida Arraf, organisatrice du groupe et survivante de l’attaque de la flottille de 2010.
« En tant que survivante de la Flottille de la liberté pour Gaza de 2010, lorsque Israël a assassiné 10 de nos camarades à bord du Mavi Marmara, je constate que la seule chose qui a changé, c’est qu’Israël est devenu en plus violent dans son mépris du droit international et de la vie humaine. Le sang versé à l’époque – et depuis lors – est sur les mains de tous les États qui ont permis à Israël d’agir en silence, avec leurs armes et en toute impunité », a déclaré Arraf.
Auteur : Prem Thakker
* Prem Thakker est correspondant politique et chroniqueur pour Zeteo.
3 mai 2025 – Substack.com – Traduction : Chronique de Palestine
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