
Mai 2025 - L'identité du soldat qui a assassiné Shireen Abu Akleh a été révélée dans un nouveau documentaire - Photo : réseaux sociaux
Par Shatha Hanaysha
Il y a trois ans, le 11 mai 2022, Shireen Abu Akleh était abattue par un soldat israélien dans le camp de réfugiés de Jénine, d’une balle qui n’était ni la première ni la dernière tirée sur des journalistes palestiniens.
En ce jour terrible, nous étions un groupe de journalistes – Shireen, Ali al-Samoudi, Mujahid al-Saadi et moi-même. Nous faisions notre travail, clairement identifié comme presse. C’est alors que les tirs ont commencé.
Ali a reçu une balle dans l’épaule. En un instant, Mujahid a sauté par-dessus un mur et s’est placé au-dessus de nous, en criant : « Éloignez-la ! » Je suis restée derrière l’arbre, essayant de survivre à la grêle de balles et d’atteindre Shireen, qui s’était effondrée à côté de moi après avoir été touchée.
Depuis, la liste des journalistes tués à Gaza s’est allongée à plus de 214.
Ici, en Cisjordanie, mes collègues sont jetés en prison. Il y a six mois, les forces israéliennes ont arrêté Mujahid, et il y a environ une semaine, elles ont également arrêté Ali.
Tous deux ont été placés en détention administrative, c’est-à-dire en état d’arrestation sans inculpation ni jugement. Et pendant tout ce temps, le monde reste dans un silence assourdissant.
À l’occasion du troisième anniversaire de son martyre, j’écris à Shireen – non seulement comme un souvenir, mais comme une présence qui persiste dans chaque mot prononcé pour la vérité, dans chaque mot provenant de Gaza, de Jénine et de toute la Palestine.
J’écris à tous les martyrs dont les voix se sont tues trop tôt, et à ceux qui continuent de parler quand le monde choisit le silence.
Il y a quelques jours, un documentaire d’investigation, « Who Killed Shireen ? » a été diffusé. Menée par le journaliste Dion Nissenbaum, l’enquête a finalement désigné le soldat responsable : Alon Scagio, de l’unité d’élite Duvdevan de l’armée israélienne.
Mais voici le coup de théâtre : il était déjà mort, tué par des résistants palestiniens à Jénine il y a moins d’un an.
Lorsque j’ai vu sa photo, j’ai senti quelque chose changer en moi, un étrange mélange de colère, de confusion et peut-être même de chagrin. Je n’ai cessé de me demander s’il s’agissait de justice. Aurions-nous jamais connu son nom s’il était encore en vie ? S’il n’était pas mort, serait-il encore là, à appuyer sur la gâchette, encore et encore, pour tuer des gens à Gaza aujourd’hui ?
Selon le documentaire, Scagio avait été transféré de Duvdevan à une autre unité d’élite pour échapper aux interrogatoires.
Mon ami a dit : « Ce tueur a détruit de nombreuses vies, brisé la paix de familles entières et mis fin à la vie de Shireen ».
Alors, sa mort a-t-elle suffi ? Pourquoi n’a-t-il jamais été tenu pour responsable de son vivant ? L’affaire est-elle morte avec lui ?
On dit que Jénine a vengé Shireen. Le tueur qui lui a ôté la vie sur la terre de Jénine a été tué par des combattants de la résistance qui ont fait exploser une bombe placée sous un véhicule militaire israélien dans la plaine de Marj Ibn Amer.
Le rapport indique qu’il n’a éprouvé aucun remords. Aucune culpabilité. Au lieu de cela, il est devenu le chef d’une unité de tireurs d’élite. Les soldats israéliens de l’unité Duvdevan ont continué à utiliser la photo de Shireen comme cible d’entraînement après que Scagio ait été transféré hors de l’unité, pour « se venger » de Shireen.
Combien d’autres, Scagio a-t-il tué après Shireen ? Un ? Deux ? Dix ?
Quand la justice sera-t-elle rendue pour tous les martyrs ?
Parfois, j’ai l’impression que je commence à perdre pied. Shireen est partie, Mujahid et Ali sont détenus dans des prisons israéliennes. Et je suis là, dans une ville qui ne me connaît pas, seule, fatiguée, à regarder la mort, la destruction et la folie de ce monde qui ne s’arrête jamais.
Je me demande pourquoi ce massacre ne s’arrête jamais. Pourquoi devons-nous être les témoins de toutes ces tueries ? Pourquoi le bruit des missiles et des balles ne s’estompe-t-il jamais ?
Enquêter sur le meurtre de Shireen Abu Akleh, et sur celui de tous les autres Palestiniens
Shireen, je pense souvent à toi – le jour où la guerre contre Gaza a commencé, au moment où ils ont fait sauter les maisons du camp de Jénine, chaque fois qu’un autre journaliste est tué, et le jour où j’ai vu mon collègue Ahmad Mansour brûler vif à la suite d’une frappe aérienne israélienne sur la tente des journalistes, brûler alors qu’il écrivait les nouvelles.
Chaque jour, je me demande ce qu’étaient ces nouvelles.
Hier, j’expliquais à un groupe de jeunes comment préparer un reportage en temps de guerre. C’était un atelier long et détaillé, mais au fond de moi, je n’avais pas de vraie réponse. Pourquoi les gens devraient-ils faire la guerre pour leur liberté ?
Dans mon esprit, je t’imagine toujours assise quelque part en hauteur – comme tu l’étais autrefois à la porte de Damas à Jérusalem – entouré des enfants de Gaza, de tes collègues journalistes, de toutes les personnes qui t’aimaient, et tu leur demandes : « Quelles sont les nouvelles ? ». Ils te racontent ce qui s’est passé sur le terrain, et tu te mets en colère. Te mets-tu en colère ?
Repose en paix, Shireen. Ton âme est désormais en compagnie de tous les journalistes qui ont donné leur vie pour la vérité.
Auteur : Shatha Hanaysha
12 mai 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – YG