L’Allemagne et Israël : solidaires en génocide

L'Allemagne est aujourd'hui dans l'UE à la pointe de la répression anti-palestinienne, et en tête du soutien à 'état génocidaire israélien. Une nouvele fois l'Allemagne finira victime de son jusqu'au-boutisme entêté et obtus, qui l'a mené tant de fois dans son histoire à la catastrophe - Photo : via MEE

Par Ramzy Baroud

Le chancelier allemand Olaf Scholz était en visite officielle à Washington le 8 février afin de travailler conjointement avec les Etats-Unis pour « s’assurer qu’Israël dispose de ce dont il a besoin pour se défendre ».

Si une telle déclaration avait été faite peu après l’opération Déluge d’al-Aqsa du 7 octobre, la logique aurait été plus évidente, notamment en raison de la partialité bien connue et inhérente à Washington et à Berlin à l’égard d’Israël. Cependant, Scholz a effectué sa visite et sa déclaration le 125e jour de l’un des génocides les plus sanglants et les plus médiatisés de l’histoire moderne.

L’objectif de la visite a été souligné lors d’une conférence de presse par le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, même si, quelques heures plus tard, le président américain Joe Biden s’était timidement permis de dire qu’Israël avait « dépassé les bornes » dans sa réponse à l’offensive du mouvement Hamas.

Si tuer et blesser plus de 100 000 civils – et ce n’est pas fini – est la version israélienne de l’autodéfense, alors Scholz et Biden ont tous deux fait un travail splendide en s’assurant que l’État d’apartheid dispose de tout ce dont il a besoin pour mener à bien sa mission sanglante.

Toutefois, dans ce contexte, qui a le droit d’agir en légitime défense, Israël ou la Palestine ?

Lors d’une récente visite dans un hôpital d’un pays du Moyen-Orient, qui doit rester anonyme comme condition préalable à ma visite, j’ai été témoin des images les plus horribles que l’on puisse voir.

Des dizaines d’enfants palestiniens mutilés, certains luttant encore pour leur vie, d’autres gravement brûlés et d’autres encore dans le coma…

Ceux qui pouvaient se servir de leurs mains avaient dessiné des drapeaux palestiniens pour les accrocher aux murs à côté de leur lit d’hôpital. Certains portaient des T-shirts de SpongeBob [Bob l’éponge] et d’autres des chapeaux à l’effigie de personnages de Disney.

Ils étaient purs, innocents et totalement palestiniens.

Quelques enfants ont fait le signe de la victoire dès que nous avons fait nos adieux. Ils voulaient faire savoir au monde qu’ils restaient forts et qu’ils savaient exactement qui ils étaient et d’où ils venaient.

Ces enfants sont cependant bien trop jeunes pour comprendre le contexte juridique et politique des sentiments si puissants qui sont les leurs à l’égard de leur patrie.

Pour Sholz, encore et toujours, ce serait « le droit du plus fort » qui devrait prévaloir

La résolution 3236 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations unies, par exemple, « a affirmé le droit inaliénable du peuple palestinien en Palestine (…), le droit à l’autodétermination, (et) le droit à l’indépendance et à la souveraineté nationales ».

L’expression « droit des Palestiniens à l’autodétermination » est peut-être celle qui a été prononcée le plus souvent en relation avec la Palestine et la lutte des Palestiniens depuis la création de l’ONU.

Le 26 janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) a également affirmé ce que nous savions déjà, à savoir que les Palestiniens constituent un « groupe national, ethnique, racial ou religieux » distinct.

Ces enfants palestiniens blessés n’ont pas besoin de jargon juridique ou de slogans pour se situer. Le droit de vivre sans crainte d’extermination, sans bombes et sans occupation militaire est un droit naturel, qui ne nécessite aucune argumentation juridique et qui ne craint ni le racisme, ni les discours de haine, ni la propagande.

Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde construit sur le bon sens. Il est construit sur des systèmes juridiques et politiques en dents de scie qui n’existent que pour satisfaire les plus forts.

Dans ce monde parallèle, Scholz se préoccupe davantage de la capacité d’Israël à « se défendre » que d’une population palestinienne assiégée, affamée, exsangue et incapable d’obtenir une quelconque mesure tangible de justice.

En outre, ceux qui commettent des actes d’agression coloniale – et l’occupation coloniale elle-même est un acte d’agression de facto – ne devraient pas exiger de leurs victimes qu’elles s’abstiennent de riposter.

La Palestine a le droit inaliénable de se défendre

Les Palestiniens ont été victimes du colonialisme israélien, de l’occupation militaire, de l’apartheid raciste, du siège et maintenant du génocide.

En tant que tel, l’invocation par Israël de l’article 51 du chapitre VII de la Charte des Nations unies est une sinistre moquerie à l’égard du droit international.

L’article 51, souvent utilisé par les grandes puissances pour justifier leurs guerres et leurs interventions militaires, a été conçu dans un esprit juridique totalement différent.

L’article 2, paragraphe 4, du chapitre I de la Charte des Nations unies interdit « la menace ou l’emploi de la force dans les relations internationales ». Il appelle également « tous les membres à respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des autres États ».

Étant donné qu’Israël viole l’article 2, paragraphe 4, il n’a tout simplement pas le droit d’invoquer l’article 51.

En novembre 2012, la Palestine a été reconnue comme État observateur à l’ONU. Elle est également membre d’innombrables traités internationaux et est reconnue par 139 pays sur les 193 membres de l’ONU.

Même si nous acceptons l’argument selon lequel la Charte des Nations unies ne s’applique qu’aux membres à part entière de l’ONU, le droit palestinien à l’autodéfense peut toujours être établi en vertu du droit international.

En 1960, la déclaration n° 1594 de l’Assemblée générale garantissait l’indépendance des nations et des peuples colonisés. Bien qu’elle ne traite pas du droit des colonisés à recourir à la force, elle condamne l’usage de la force contre les mouvements de libération.

En 1964, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de la résolution n° 2105, qui reconnaissait la légitimité de la « lutte » des nations colonisées pour exercer leur droit à l’autodétermination.

En 1973, l’Assemblée a adopté la résolution 38/17 de 1983. Cette fois, la formulation est sans ambiguïté : les peuples ont le droit de lutter contre la domination étrangère coloniale par tous les moyens possibles, y compris la lutte armée.

Les mêmes dynamiques qui ont régi les Nations unies à leurs débuts se poursuivent aujourd’hui, où les pays occidentaux, qui représentaient la majeure partie des puissances coloniales dans le passé, continuent de s’octroyer le monopole de l’usage de la force.

À l’inverse, le Sud, qui a souffert sous le joug de ces régimes occidentaux, insiste sur le fait qu’il a lui aussi le droit de se défendre contre les interventions étrangères, le colonialisme, l’occupation militaire et l’apartheid.

Alors que M. Scholz était à Washington pour discuter d’autres moyens de tuer des civils palestiniens, le gouvernement du Nicaragua a officiellement demandé à rejoindre l’Afrique du Sud dans ses efforts pour tenir Israël pour responsable devant la Cour internationale de justice du crime de génocide à Gaza.

Il est intéressant de constater comment les colonisateurs et les colonisés continuent à construire des relations et une solidarité autour des mêmes vieux principes. Le Sud se montre à nouveau solidaire des Palestiniens, tandis que les pays du Nord, à de rares exceptions près, continuent de soutenir l’oppression israélienne.

Juste avant de quitter l’hôpital susmentionné, un enfant blessé m’a tendu un dessin. Il s’agissait de plusieurs images, posées les unes sur les autres, comme si le petit garçon créait une chronologie des événements qui ont conduit à sa blessure : une tente, avec lui à l’intérieur ; un soldat israélien tirant sur un Palestinien ; des barreaux de prison, avec son père à l’intérieur ; et, enfin, un combattant palestinien tenant un drapeau.

Il sait qui il est. Il sait d’où il vient. Et il sait où est sa place. Il n’oubliera jamais.

14 février 2024 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah