À un clic de souris entre la vie et la mort

Service des urgences de l'hôpital al-Shifa à Gaza - Photo : via al-Manar TV

Par Azhaar Amayreh

Musa, Moïse, a fui les pharaons alors tout-puissants pour se réfugier de ce côté-ci du Sinaï. Aujourd’hui, ma fille et moi allons, avec la grâce de Dieu, fuir les Israéliens vers la terre d’Égypte, pour sauver nos vies.

La ville frontalière de Rafah, autrefois un peu léthargique, s’est rapidement agrandie. Au cours des derniers mois, elle est devenue une mégapole de réfugiés pour toutes les âmes opprimées de la bande de Gaza.

Au fil des secondes, des minutes et des heures, tout le monde ici compte simplement jusqu’à l’heure zéro où il commencera à pleuvoir l’enfer. Nous attendons les bombes, les balles et bien d’autres choses encore, le chaos total. L’heure zéro – c’est le moment où nous serons réduits à néant… ou sommes censés l’être.

Entourée de cette mer d’humanité et de souffrances inimaginables à portée de vue, je me sens très égoïste et égocentrique lorsque mes pensées se tournent vers moi-même. Mais en ce moment même, je suis si désespérément préoccupée par l’avenir de ma jeune fille, de mon jeune enfant.

Musa, Moïse, a fui les pharaons de ce côté-ci du Sinaï, mais ma fille et moi espérons maintenant fuir les Israéliens en Égypte pour sauver nos vies… Insha’Allah.

Photo : Azhaar Amayreh

Je fixe une photo d’elle datant d’une époque bien plus heureuse. Elle grignote un hamburger et sirote un jus de mangue pas très frais dans un Tetra Pak.

Je me souviens de ce moment : en raison de ma charge de travail excessive, je n’ai pas pu lui préparer son repas de l’après-midi.

Je n’ai pas pu lui préparer ses légumes quotidiens pour le déjeuner, ni lui apporter le jus frais obligatoire ou le cocktail de fruits assortis (son plat préféré), les noix, etc.

Je me suis sentie coupable de ne pas donner à mon enfant les aliments les plus nutritifs ce jour-là, lorsqu’elle rentrait de l’école.

Cela aurait dû être un repas sain « fraîchement » cuisiné, accompagné d’un milk-shake à la mangue fraîchement préparé ou d’un yaourt aux fruits tout aussi frais.

Mais aujourd’hui, dans notre situation actuelle, le simple fait de la voir manger cette combinaison d’un petit pain frais chargé de graines de sésame, de fromage, de mayo, de laitue et d’une galette de poulet grillé que j’avais commandée à la hâte à la cafétéria voisine… cette photo banale de tous les jours apporte une joie immense à mon cœur de mère.

J’ai l’impression d’être à une éternité d’ici.

Très franchement, je ne pense pas que nous nous en sortirons vivantes lorsque l’invasion terrestre de Rafah commencera. Nous avons tous vu que les armes d’Israël sont fabriquées par le diable.

Conçues pour tuer, pour faire exploser la cible un million de fois, pour blesser les hommes, les femmes et les enfants les plus innocents, pour attaquer et massacrer, pour réduire en miettes les proies les plus faciles, pour attaquer de tous les côtés, y compris au-dessus de nos têtes et sous nos pieds, tout cela en appuyant sur un bouton, ou plus facilement et plus simplement encore pour ces attaquants vicieux, en cliquant sur une souris.

Je me rends compte que ma fille et moi sommes à un clic de souris des mâchoires de la mort. C’est honnêtement ce que je vois arriver à Rafah.

Mais encore une fois, il y a ce désir… ce petit espoir, dans un coin tout au plus profond de moi, que nous pourrions juste survivre avec la grâce du Tout-Puissant.

Avec la grâce d’Allah, ma fille et moi verrons la lumière du jour. Je verrai ma fille réciter des versets du Saint Coran… réciter des versets de notre foi profonde… parce que je ne pense pas qu’Israël puisse sonder la puissance globale de Dieu, sa volonté sacrée, son pouvoir ultime.

Si vous le pouvez, apportez votre contribution ; elle pourrait peut-être nous aider à franchir la frontière de Rafah. Un passage vers la sécurité pour moi et pour mon enfant… si les Cieux et le Dieu tout-puissant le veulent.

18 février 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine