Les corps de 40 Palestiniens, assassinés par l'armée israélienne et ramenés à Gaza pendant le cessez-le-feu, sont placés devant l'hôpital Nasser, avant leur inhumation, à Khan Younis - Photo d'Abed Rahim Khatib
Par Diana Buttu
Où sont l’indignation et même la couverture médiatique des corps mutilés de Palestiniens, aux jambes broyées et à la tête criblée de balles, que les Israéliens ont finalement rendus dans le cadre de cet accord de « cessez-le-feu » ?
Depuis près de trois semaines, nous entendons à chaque instant des nouvelles concernant la récupération des corps des Israéliens à Gaza.
Des équipes de secours internationales ont été envoyées sur place, non pas pour aider à récupérer les plus de 10 000 corps (chiffre certainement sous-estimé) de Palestiniens – dont des bébés, des enfants et des personnes âgées –, mais pour récupérer les restes des derniers Israéliens, dont tout le monde sait, y compris les Israéliens, qu’ils sont extrêmement difficiles, voire impossibles à récupérer, car ils sont coincés sous les décombres en raison de deux années de bombardements israéliens incessants.
Pendant ce temps, la population de Gaza reste affamée, punie collectivement, jusqu’à ce que le dernier corps israélien soit récupéré et identifié.
Mais alors que nous voyons les alertes « dernières nouvelles » du New York Times sur les corps israéliens, peu d’attention a été accordée aux signes évidents de torture que les Palestiniens détenus par Israël ont subis avant d’être renvoyés à Gaza pour y être enterrés, ni au nombre impressionnant de corps palestiniens détenus par Israël.
En vertu de l’accord prétendu « de cessez-le-feu », pour chaque Israélien mort remis à Israël, Israël devait, en échange, restituer les dépouilles de 15 Palestiniens.
À ce jour, Israël a restitué quelque 300 Palestiniens, mais sans fournir les noms des défunts. En raison du bombardement par Israël des laboratoires médico-légaux, toutes les identifications sont effectuées à la main, ce qui représente un travail des plus compliqués.
Israël n’avait bien sûr pas placé les corps dans des réfrigérateurs, si bien qu’ils sont arrivés décomposés. Et mutilés. Alors que les corps palestiniens sont ramenés à Gaza, les membres de leur famille attendent de savoir si leurs proches font partie des morts, s’ils sont coincés sous les décombres ou s’ils sont toujours retenus en otages en Israël.
J’ai obtenu des photos de certains des corps palestiniens qui ont été rendus – des photos que j’aurais préféré ne pas voir et que je ne peux plus oublier.
Il était clair qu’Israël avait torturé, maltraité et exécuté de nombreux Palestiniens qu’il avait enlevés à Gaza. Sur une photo, les jambes d’un homme étaient écrasées, probablement par un char israélien, tandis que son cou portait des traces de pendaison.
Cela correspond à ce que les soldats israéliens ont ouvertement déclaré avoir fait pendant plus d’un an.
Sur une autre photo, un homme avait les yeux bandés et les mains menottées dans le dos. Certains avaient des blessures par balle à la tête. Un autre avait une corde autour du cou. Un autre encore avait les deux bras amputés et présentait des traces de torture sur les jambes.
Sa famille l’a identifié grâce aux vêtements qu’il portait et à une cicatrice sur la tête.
Quant aux autres, beaucoup restent non identifiés. Peut-être parce que toute leur famille a été tuée, ou peut-être parce que leurs corps sont trop décomposés.
Mais il n’y a pas d’« alertes flash » pour ces Palestiniens anonymes et sans visage.
Alors que les inscriptions sur les sacs mortuaires indiquent clairement que beaucoup d’entre eux provenaient du tristement célèbre camp de prisonniers de Sde Teiman – celui pour lequel les Israéliens se sont révoltés afin d’obtenir le droit de violer – et où l’avocat de l’armée israélienne est sous le feu des critiques, non pas parce que des Palestiniens ont été violés dans ce camp de prisonniers, mais pour avoir diffusé une vidéo montrant des soldats en train de violer des Palestiniens.
Mais attendez, avant de penser qu’elle est du bon côté de l’histoire, elle l’a fait uniquement pour tenter de mettre fin aux attaques de la droite contre les enquêteurs et les procureurs militaires après qu’un médecin ait signalé les abus à la police militaire, ce qui a conduit à une enquête sur plusieurs soldats soupçonnés d’avoir violé un otage palestinien.
L’homme palestinien, qui était détenu à Sde Teiman, a été transporté à l’hôpital avec une rupture du rectum, des lésions à un poumon, des côtes cassées et d’autres signes de violence physique. Il a depuis subi plusieurs opérations chirurgicales.
Incidemment, il faisait partie des 1700 otages palestiniens libérés il y a trois semaines, restés en prison sans inculpation ni procès, tandis que ses violeurs sont toujours en liberté.
Un mois après le « cessez-le-feu », nous ne connaissons toujours pas le nombre exact de Palestiniens (morts ou vivants) que Israël continue de détenir.
Pour les Israéliens, la torture et le viol des prisonniers palestiniens font partie de la norme
La semaine dernière, l’administration pénitentiaire israélienne a révélé qu’elle détenait actuellement 9204 Palestiniens.
Il est particulièrement préoccupant de constater que la moitié d’entre eux sont toujours détenus sans inculpation ni procès : on compte 3368 détenus administratifs (autrement dit, des otages), dont des enfants, et 1205 personnes originaires de Gaza détenues en tant que « combattants illégaux » (autrement dit, des otages).
Mais ces chiffres n’incluent pas les Palestiniens de Gaza détenus dans des centres de détention militaires (Sde Teiman et le camp d’Ofer).
En juillet 2024, il a été révélé qu’Israël détenait environ 1500 Palestiniens morts originaires de Gaza, mais cette semaine, il a refusé de dire combien il en détient encore.
Ce chiffre de 1500 s’ajoute aux plus de 720 corps palestiniens (dont 60 enfants) qu’Israël détient depuis avant octobre 2023, notamment dans ce qu’on appelle les « cimetières des numéros ».
D’après les témoignages des otages libérés, ce nombre est probablement plus élevé. On peut se demander pourquoi Israël continue de les retenir. L’objectif est clair : montrer aux Palestiniens qu’Israël nous contrôle non seulement dans la vie, mais aussi dans la mort, en contrôlant notre deuil et notre chagrin.
En mars 2025, le président Donald Trump a publié sur Truth Social : « Seules les personnes malades et tordues gardent des corps, et vous êtes malades et tordus ! » Il a raison : Israël est malade et tordu.
Auteur : Diana Buttu
* Diana Buttu est avocate et analyste palestinienne. Conseillère politique de Al-Shabaka, Diana Buttu est une avocate qui a été conseillère juridique de l’équipe de négociateurs palestiniens et membre de l’équipe qui a participé aux poursuites contre le Mur devant la Cour internationale de Justice. Elle intervient fréquemment sur la Palestine sur des chaînes de télévision internationales comme CNN et la BBC. Elle est également une analyste politique d’Al Jazeera International et elle contribue régulièrement à The Middle East magazine et à Zeteo. Diana Buttu conserve une activité juridique en Palestine, principalement en droit international appliqué aux droits de l’homme.
11 octobre 2025 – Zeteo – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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