27 septembre 2025 - Des manifestantes brandissent une broderie en forme de clé et une carte de la Palestine à Berlin, en Allemagne. Plus de 100 000 manifestants ont pris part à deux manifestations à Berlin, en Allemagne, le 27 septembre 2025. Cet événement a été la plus grande manifestation jamais organisée dans la ville. Les manifestants ont appelé à la fin du génocide, exprimé leur solidarité avec Gaza et exigé une Palestine libre. La plus grande manifestation est partie de l'Alexanderplatz pour se rendre à Großer Stern, bloquant les rues de Berlin toute la journée, et s'est terminée par un rassemblement avec des discours et des musiciens allemands connus. Une deuxième manifestation à Kreuzberg a été accueillie par une brutalité policière sans précédent, la police allemande ayant frappé des manifestants, en ayant arrêté plusieurs et ayant même utilisé des grenades assourdissantes - Photo : Oren Ziv / Activestills
Par Ramzy Baroud
Cette franche déclaration du président américain Donald Trump lors d’une interview accordée à Fox News le 9 octobre nous renseigne sur les véritables raisons qui ont motivé la décision d’Israël de conclure un cessez-le-feu à Gaza, après deux années d’une campagne génocidaire implacable qui a tragiquement assassiné et blessé près d’un quart de million de Palestiniens.
« Israël pas lutter contre la terre entière, Bibi », a déclaré Trump lors de l’interview, un avertissement direct qu’il aurait déjà adressé au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
La dure réalité est que très peu de personnes dans le monde soutiennent actuellement Netanyahu. Il est essentiel de noter qu’une partie importante de sa propre population le méprisait déjà, bien avant la guerre contre Gaza, une guerre qui s’est apparentée à une quête désespérée et personnelle pour retrouver sa popularité nationale.
Pourtant, il ne renonce pas à ses illusions. Alors que des millions et des millions de personnes dans le monde protestent contre son extermination systématique de Palestiniens innocents, Netanyahu semble convaincu que l’opinion mondiale est en train de basculer miraculeusement en sa faveur, dans un revirement qui impliquerait que le monde l’appréciait auparavant.
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Mais que voulait dire exactement Trump par « Tu ne peux pas lutter contre la terre entière » ?
Le terme « lutter » transcende ici clairement le combat physique. Gaza, assiégée, affamée et dévastée, était l’entité qui subissait les attaques matérielles.
Trump fait clairement référence à la montée en puissance du sentiment anti-israélien dans le monde entier : les sanctions officielles imposées par des pays comme l’Espagne, les procédures judiciaires critiques engagées devant les plus hautes cours du monde, les appels généralisés au boycott, l’organisation de flottilles de la liberté, etc.
Il est très significatif que, dans l’esprit de Washington et de Tel-Aviv, ces événements mondiaux aient été considérés comme une préoccupation stratégique sérieuse. Les historiens futurs désigneront probablement ce moment comme le tournant décisif de l’attitude mondiale à l’égard de l’occupation israélienne de la Palestine.
Ce mouvement de solidarité naissant, délibérément et stratégiquement encouragé par les Palestiniens, a le potentiel d’isoler complètement Israël, le contraignant à enfin céder et à libérer le peuple palestinien de son système colonialiste et d’apartheid.
Cependant, « Bibi » n’est pas seulement en train de perdre le monde entier, il est en train de perdre l’Amérique elle-même.
Pendant des décennies, les États-Unis ont joué le rôle de bienfaiteur indispensable d’Israël, soutenant chaque guerre, finançant chaque colonie illégale, justifiant chaque acte de violence et bloquant systématiquement toute tentative internationale visant à demander des comptes à Israël.
Les raisons de l’engagement indéfectible des États-Unis depuis des décennies en faveur d’Israël sont profondément complexes. Si l’influence écrasante du puissant lobby pro-israélien à Washington et l’emprise disproportionnée d’Israël sur les grands médias sont à juste titre cités comme des facteurs déterminants, la dynamique est bien plus profonde.
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Le discours dominant, qui se renforce mutuellement dans les deux pays, a toujours présenté Israël non seulement comme un allié, mais aussi comme un prolongement crucial et essentiel de l’identité politique et des valeurs fondamentales des États-Unis.
Pourtant, des fissures ont clairement commencé à apparaître dans cet édifice politique. Autrefois, il n’y avait que quelques voix dissidentes marginalisées, souvent qualifiées de « radicales » au sein de la gauche américaine, mais, progressivement, la dissidence est devenue majoritaire, en particulier au sein du Parti démocrate.
Les sondages ont montré un changement massif, la majorité des démocrates se retournant contre la politique israélienne et apportant leur soutien au peuple palestinien et à sa lutte légitime pour la liberté.
L’un des sondages les plus révélateurs a été réalisé par Gallup en mars 2025. Il a révélé que 59 % des électeurs démocrates se disent plus solidaires des Palestiniens, tandis que seulement 21 % se disent plus solidaires des Israéliens.
Le génocide israélien à Gaza a catalysé plus qu’une simple dissidence au sein de l’un des deux grands partis politiques américains. L’opposition pure et simple à Israël est rapidement devenue dominante, transcendant les clivages politiques traditionnels – une rupture qui a profondément alarmé ceux qui sont déterminés à entretenir l’idée qu’Israël peut agir en toute impunité, sans opposition américaine.
Les médias pro-israéliens aux États-Unis ont mené une guerre honteuse pour occulter l’ampleur du génocide israélien. Ils ont constamment cherché à rejeter la responsabilité des actions d’Israël sur les Palestiniens et ont ouvertement relayé le mensonge pervers selon lequel la guerre contre les innocents de Gaza était un élément nécessaire de la fantasmatique « guerre contre le terrorisme ».
Mais ce sont les citoyens ordinaires, puissamment informés par d’innombrables plateformes de médias sociaux, qui ont riposté collectivement. Ils ont réussi à vaincre une machine de propagande dominante qui, pendant des décennies, avait servi de principale ligne de défense à Israël.
Un fait particulièrement troublant pour Israël a été l’érosion de sa base de soutien nouvellement établie : les évangéliques et le parti républicain dans son ensemble.
Les sondages ont révélé un exode important, en particulier parmi les jeunes électeurs républicains. Une enquête menée par l’Université du Maryland Critical Issues Poll en août 2025 a révélé que seulement 24 % des électeurs républicains âgés de 18 à 34 ans ont déclaré sympathiser davantage avec les Israéliens qu’avec les Palestiniens.
Selon Politico, Israël aurait même tenté de manipuler les réseaux sociaux en versant des sommes importantes à des influenceurs pour qu’ils diffusent des informations mensongères et trompeuses sur Israël.
Cette campagne a mobilisé environ 600 faux profils qui ont publié plus de 2000 commentaires coordonnés par semaine, ciblant plus de 120 législateurs américains.
Mais Israël peut-il vraiment renverser la tendance en sa faveur ? Même si des sommes colossales seront sans aucun doute consacrées au lancement de campagnes sophistiquées visant à redorer l’image fortement ternie d’Israël, ces efforts s’avéreront vains.
Le discours palestinien, autrefois marginalisé, a pris de l’ampleur et détient une autorité morale puissante, convaincante et reconnue dans le monde entier. La résilience forte, inébranlable et digne du peuple palestinien a suscité l’empathie internationale et mobilisé un soutien sans précédent dans l’histoire.
Cette nouvelle réalité pourrait bien sonner le glas de la hasbara, car aucune somme d’argent, aucune couverture médiatique, aucune émission spéciale sur Netflix ne pourra jamais redorer l’image d’un État qui a si ouvertement commis un génocide, et un des génocides les plus documentés de l’histoire.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française) Son livre à venir, « Before the Flood », sera publié par Seven Stories Press.
Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
15 octobre 2025 – Middle-East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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