Trois questions qui peuvent faire dérailler l’accord Fatah-Hamas

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Des Palestiniennes participent à un rassemblement organisé par le Hamas à Gaza, en signe de solidarité avec la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. La banderolle dit : "Al-Qods est en danger" - Photo : Archives Info-Palestine.eu

Par Adnan Abu Amer

Les pourparlers de la semaine dernière entre le Fatah et le Hamas pour la mise en place d’un gouvernement d’unité ont poussé les Palestiniens à un optimisme modéré sur le fait que cette fois les négociations pourraient aboutir.

Malgré le ton positif de la déclaration publiée après la réunion au Caire le 10 octobre, il reste un certain nombre de questions difficiles à négocier qui pourraient entraver le succès des efforts de réconciliation. Les deux parties doivent encore décider qui contrôlera Gaza à l’avenir, ce qu’il adviendra de la branche militaire du Hamas et ce qui se passera avec les employés du gouvernement de Gaza.

L’administration de Gaza

Le Hamas a pris le contrôle de Gaza en 2007 après avoir affronté et expulsé le Fatah, qui avait alors refusé de reconnaître sa victoire aux élections de 2006. Par la suite, le Hamas a dû mettre en place ses propres mécanismes et organes pour administrer la bande de Gaza.

Actuellement, le Hamas domine tous les aspects de la vie à Gaza. Il contrôle l’éducation, administre les soins de santé et les hôpitaux, perçoit les impôts des entreprises et des ménages, assure la sécurité et gère les passages frontaliers avec l’Égypte et Israël.

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En d’autres termes, au cours des 10 dernières années, le Hamas a mis en place un appareil d’État à part entière, distinct de l’Autorité palestinienne (AP). Alors qu’arrivera-t-il à toutes ses institutions? Vont-elles disparaître du jour au lendemain, pour être remplacées par des autorités relevant du chef de l’AP à Ramallah ? Le démantèlement sera-t-il traité progressivement ou y aura-t-il un transfert en bloc du contrôle de Gaza ? Qu’adviendra-t-il des loyalistes du Hamas au sein de ces institutions ?

Il est clair que l’absence d’une vision détaillée de la façon de procéder à l’unification créera le chaos, avec de multiples tentatives de traiter des problèmes individuels. Sans un cadre défini et convenu par les responsables des deux camps, les tentatives d’unification peuvent facilement échouer.

Les armes de la résistance

Le président de l’AP Mahmoud Abbas a déclaré à plusieurs reprises que l’objectif final de la réconciliation est d’établir le contrôle administratif total de l’AP sur Gaza. Début octobre, il a déclaré que sur les terres palestiniennes, il devait y avoir “une autorité, une loi et une sécurité”.

En outre, le fait que les puissances américaines, israéliennes et régionales aient levé leurs objections à cette réconciliation – chacune pour leurs propres raisons – ne doit pas être interprété comme impliquant qu’elles resteront indéfiniment silencieuses sur les stocks d’armes à Gaza. Ces armes appartiennent à diverses branches de la résistance, notamment le Hamas, le Jihad islamique, le Front démocratique pour la libération de la Palestine et les Comités de résistance populaire.

Le Hamas pour sa part a annoncé, et continue d’affirmer, que l’avenir de sa branche armée n’est pas soumis aux négociations de réconciliation et qu’il n’acceptera pas de la sacrifier pour consolider le gouvernement de réconciliation à Gaza. Cela faisait partie d’un certain nombre d’autres déclarations du Hamas visant à rassurer ses cadres, qui ont assuré beaucoup sacrifices pour constituer ces dépôts d’armes.

Reconnaissant à quel point ce problème est problématique pour le Hamas, l’AP et les Égyptiens – les parrains de la réconciliation – ont laissé entendre qu’ils laisseraient la discussion de cette question pour un stade ultérieur des négociations, de peur de tomber dans une impasse.

Mais que se passera-t-il si et quand le ministre palestinien de l’Intérieur arrivera à Gaza pour mettre en place la même coordination répressive avec Israël que celle actuellement en place en Cisjordanie ? Le Hamas va-t-il tolérer cela ?

La coordination de la répressive que l’Autorité palestinienne voudra transférer à Gaza en y établissant son gouvernement pourrait signifier que les véhicules militaires israéliens entreraient à volonté dans le territoire, même si ce n’était que dans la périphérie. Et cela signifierait que la sécurité palestinienne devrait informer ses homologues israéliens de toute violation de la sécurité des frontières. La sécurité israélienne informerait son homologue palestinien de tous les ateliers de fabrication d’armes à Gaza, qui devraient être démantelés et leurs membres arrêtés.

Tous ces événements prévus et imprévus sont des scénarios de cauchemar pour le Hamas. Le mouvement y est-il préparé ou espère-t-il les reporter indéfiniment?

Si en effet l’Autorité palestinienne prend en charge la sécurité à Gaza, elle devra également prendre le relais du Hamas pour traiter les incursions israéliennes à la frontière de Gaza, les attaques aériennes israéliennes et le harcèlement des pêcheurs de Gaza par la marine israélienne. Pendant longtemps, ces problèmes ont embarrassé le Hamas parce qu’il n’était pas capable de les traiter, ce qui causait un mécontentement croissant parmi les habitants du territoire assiégé.

Le salaire des employés de Gaza

Le dernier problème qui pourrait potentiellement faire dérailler l’accord d’unité est le sort de près de 50 000 employés dans les institutions dominées par le Hamas à Gaza. Ces employés sont les soutiens d’environ un quart de million de personnes à Gaza. Ce sont eux qui ont assumé le fardeau de l’administration de Gaza au cours des 10 dernières années et ils seront hostiles à toute altération de leurs fonctions administratives ou à la réduction de leurs salaires.

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Le Hamas a été catégorique lors des négociations précédentes pour que la sécurité d’emploi soit garantie pour ces employés et que ces derniers soient traités comme des égaux des employés de l’AP. Il est bien connu qu’un certain nombre d’efforts de réconciliation et de négociation ont buté sur le fait que l’AP refusait de reconnaître ces employés.

Il y a des rumeurs selon lesquelles des comités seraient formés pour examiner la question de ces employés et pour établir les priorités du gouvernement par rapport à leurs besoins. Cependant, on ne sait pas si la sécurité de leurs emplois est quelque chose d’envisagé.

Alors, qui sera le garant des employés de Gaza et qui assurera leurs salaires si un accord est trouvé sur leur statut ?

La réalité sur le terrain exige que des compromis soient trouvés et que les deux parties soient suffisamment sérieuses pour renoncer aux intérêts partisans et aux considérations d’organisation afin de remettre sur les rails un projet national palestinien, qui ne réussira pas tant que le spectre de la division le hantera.

* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

21 octobre 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine