Le film que le lobby pro-israélien voulait vous empêcher de voir : suite et fin

Photo : Capture vidéo
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The Electronic IntifadaThe Electronic Intifada a obtenu une copie intégrale du film Lobby – USA, une enquête en quatre parties menée sous couverture par Al Jazeera sur la campagne secrète israélienne de lobbying aux États-Unis.

Dans les deux premières parties du documentaire censuré The Lobby – USA, publiées cette semaine par The Electronic Intifada, Tony, le journaliste infiltré d’Al Jazeera, a joué de son charme pour pénétrer dans les cercles pro-Israël.

Visionnez les deux premières parties du film.

Il a découvert un réseau d’organisations servant de bases à l’État israélien pour espionner, perturber et empêcher d’agir les supporters étasuniens des droits des Palestiniens – en particulier les activistes du BDS, le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions.

Dans les deux dernières parties du film, Tony en apprend davantage sur les campagnes secrètes de lobbying d’Israël en participant à un stage de The Israel Projet.

The Electronic Intifada diffuse le film fuité en même temps que Orient XXI en France et Al-Akhbar au Liban, qui ont respectivement sous-titré les épisodes en français et en arabe.

Dans la troisième partie, Al Jazeera interviewe Bill Mullen, professeur d’études américaines à l’Université Purdue dans l’Indiana qui milite activement pour le BDS.

Comme l’a rapporté The Electronic Intifada en 2016, Mullen et sa famille ont été la cible d’une campagne de diffamation qui a débuté en mars de la même année.

Plusieurs sites Web anonymes ont été créés pour répandre des histoires fabriquées de toutes pièces sur le prétendu harcèlement sexuel d’une étudiante par Mullen.

Dans le film, Mullen dit que cette campagne avait pour but de détruire son mariage. Son épouse, également professeur, a reçu un lien vers l’un des sites.

La campagne de diffamation semble avoir été orchestrée par des agents israéliens aux États-Unis.

“Ces gens-là sont prêts à tout”

“Un de ces articles [anonymes] racontait que pour soi-disant lui mettre la main dessus, je l’avais invitée à une réunion sur la Palestine. Et je me suis dit que c’était signé”, dit Mullen, pour expliquer comment il s’était rendu compte que des pro-israéliens étaient à l’origine de ces calomnies.

Mullen explique qu’il s’est rendu compte que “ces gens sont prêts à tout, ils n’ont pas de limites” quand des sites Web anonymes ont aussi ciblé sa fille ; c’est ce qui lui est arrivé de pire dans sa vie, ajoute-t-il.

Une militante de Students for Justice in Palestine avec qui Mullen a travaillé, a répondu anonymement aux questions d’Al Jazeera.

Elle aussi a été la cible d’un site de diffamation anonyme, qui prétendait à tort qu’elle “faisait la fête, buvait” et “couchait avec n’importe qui”. Elle décrit les tensions et les bouleversements que cela a provoqués chez elle, ses parents voulaient qu’elle arrête de militer avec Students for Justice in Palestine.

Israël utilise ces tactiques de diffamation depuis des décennies. Les lobbyistes israéliens savent qu’ils ne peuvent pas gagner un débat ouvert et honnête sur ces questions aujourd’hui.

Mais il y a eu une escalade tactique dans les efforts pour cibler et détruire la vie privée des militants au cours de ces dernières années, sous l’égide du ministère israélien des Affaires stratégiques.

Ces tactiques se rapprochent de celles déployées par les services secrets israéliens contre les organisations de résistance palestiniennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, à savoir le chantage, la désinformation, les rumeurs et le sabotage.

Cela n’est pas tout à fait surprenant si l’on considère que le personnel du ministère des Affaires stratégiques est composé principalement d’espions israéliens.

“C’est une guerre psychologique”

Jacob Baime, de la Coalition Israël on campus, a admis qu’il se coordonnait avec le ministère israélien.

Il a décrit son approche comme étant “calquée sur la stratégie anti-insurrectionnelle du général Stanley McChrystal en Irak”, expliquant qu’ils “ont beaucoup copié cette stratégie qui a très bien fonctionné pour nous, en fait”.

Bien que Baime semble s’être trompé de pays – l’effort “anti-insurrectionnel” du général américain était axé sur l’Afghanistan et non sur l’Irak – la stratégie de McChrystal met l’accent sur les “opérations offensives d’information “.

Dans le troisième épisode, Baime explique comment son organisation utilise ces méthodes contre “les anti-Israéliens”, en créant “un site web anonyme” et en postant des publicités ciblées sur Facebook.

Baime explique que les militants ciblés “soit cessent de militer, soit perdent beaucoup de temps à y répondre et à enquêter, et pendant ce temps-là ils ne peuvent pas attaquer Israël”.

“C’est une guerre psychologique, on les rend fous”, dit-il.

Il déclare plus tard que la Israel coalition on campus dispose d’un budget d’environ 2 millions de dollars uniquement pour la “recherche” de matériaux pour monter des campagnes de diffamation.

Comme The Electronic Intifada l’a déjà révélé, l’épisode trois montre également qu’Adam Milstein le multimillionnaire condamné pour évasion fiscale qui finance le lobby israélien, a créé le site anonyme Canary Mission qui diffuse des listes noires.

Il révèle également que la Fondation pour la défense des démocraties est aussi un agent du ministère israélien des Affaires stratégiques.

Jonathan Schanzer, qui travaille pour la Fondation, admet dans la vidéo en caméra cachée que “calomnier les gens en les accusant d’être antisémites n’a plus le même pouvoir qu’avant”.

“Les fondations sur lesquelles reposent l’AIPAC sont en train de pourrir”

Le quatrième épisode révèle comment Israël œuvre contre le mouvement Black Lives Matter.

On voit le consul général d’Israël à Atlanta se plaindre dans des séquences filmées en caméra cachée que “Israël a un gros problème avec la jeune génération de la communauté noire”.

On voit aussi l’ancien journaliste de CNN, Jim Clancy, qualifier de “propagande” les efforts –couronnés de succès – de Israel Projet pour influencer les médias grand public étasuniens.

Toujours dans le quatrième épisode, Tony se joint à un groupe de jeunes membres d’un think tank conservateur que leurs patrons obligent à se joindre à une manifestation contre une conférence des Etudiants pour la justice en Palestine, et dont la réticence est plutôt comique.

Max Blumenthal du Grayzone Project a déjà diffusé des extraits de ces scènes, mais on peut maintenant voir le film entier dans cet article.

Dans la vidéo en caméra cachée, les jeunes disent à Tony que ce qu’ils font, c’est de l’astroturfing * – un terme qui désigne une fausse action de militantisme de base, orchestrée ou rémunérée par un groupe d’intérêt.

Cela nous amène à la conclusion du film, qui est laissé à Eric Gallagher, le patron de Tony à Israel Projet.

Gallagher explique que le consensus des deux partis politiques en faveur d’Israël s’est sérieusement délité ces dernières années, les sondages montrant une baisse régulière du soutien des progressistes et des libéraux à Israël.

Gallagher admet que le pouvoir de l’AIPAC, le groupe de pression israélien le plus puissant de Washington pour qui il travaillait auparavant, n’est plus ce qu’il était.

“Les fondations sur lesquelles l’AIPAC repose sont en train de pourrir”, se lamente-t-il.

“Il y avait autrefois un large soutien public en faveur d’Israël aux États-Unis. Je ne pense pas que l’AIPAC va réussir à garder l’influence qu’il a actuellement.”

Il ajoute : “Je pense que l’AIPAC n’est plus notre fer de lance, et c’est inquiétant, car qui d’autre pourrait l’être ?”

6 novembre 2018 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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