La résurgence du Hezbollah, sous la direction de Sheikh Naïm Kassem

Le secrétaire général du Hezbollah, Sheikh Naim Qassem - Photo : via Al Qods News Network

Par Robert Inlakesh

Après une période d’incertitude, le dernier discours du premier dirigeant du Hezbollah témoigne d’un engagement renouvelé en faveur de ses objectifs initiaux et laisse entrevoir un avenir plus affirmé sous sa nouvelle direction.

Le secrétaire général du Hezbollah, Sheikh Naim Qassem, a prononcé à la fin de la semaine dernière ce qui est peut-être son discours le plus important à ce jour. Il a indiqué que le groupe de résistance libanais ne s’était pas effondré et qu’il reconstruisait lentement ses capacités dans le but de faire face à l’agression israélienne.

Après des mois de débats sur la direction prise par le Hezbollah, son chef, le cheikh Naim Qassem, a enfin répondu aux questions de tous. De nombreux analystes avaient auparavant émis l’hypothèse que le parti libanais allait remettre ses armes, ou du moins intégrer ses forces dans l’armée nationale libanaise. Les chances que cela se produise semblent désormais minces.

Le discours

Lorsque le cheikh Naim Qassem a pris ses fonctions de secrétaire général du Hezbollah en octobre 2024, ses discours étaient très éloignés des discours confiants et puissants de son prédécesseur, Seyyed Hassan Nasrallah.

Le cheikh Qassem était alors visiblement ébranlé par la position dans laquelle lui et son organisation ont été placés, d’autant plus que le deuxième candidat au poste de secrétaire général, Hachem Saffiedine, a été assassiné.

Même après le cessez-le-feu israélo-libanais du 27 novembre, les discours du cheikh Qassem ne répondaient pas véritablement aux préoccupations du public dans des conditions aussi difficiles.

Placé dans une position difficile en tant que dirigeant du Hezbollah, il a affirmé que son groupe avait remporté une victoire encore plus grande que le triomphe du Liban sur Israël en 2006.

Techniquement, le simple fait que le Hezbollah ait réussi non seulement à survivre, mais aussi à mener une guerre de deux mois tout en empêchant les Israéliens d’avancer significativement au sol dans le sud du Liban et en lançant continuellement de nouvelles vagues de missiles et de drones inédits, constitue une réussite importante dans l’histoire de l’organisation.

Cependant, le terme de « victoire » n’a pas été apprécié par beaucoup, en particulier en raison des pertes considérables subies. Cela a contribué à l’idée que le Hezbollah essayait de dissimuler la désintégration du parti.

Dans des discours ultérieurs, Sheikh Qassem a abordé tous les points pertinents en débat, élément par élément, admettant les pertes, tout en expliquant que dans d’autres domaines, le groupe était parvenu à réaliser des exploits historiques.

Puis, jeudi dernier, dans un discours qui devait initialement être prononcé plus tôt mais qui a été reporté en raison des frappes aériennes israéliennes, le cheikh Qassem a prononcé un discours que personne n’attendait en termes d’énergie et de fermeté.

Au début de son discours, il a annoncé que le groupe de résistance adhérait à deux catégories principales d’obligations : la première étant ses considérations religieuses et la seconde ses considérations nationales.

Le cheikh Qassem a clairement indiqué qu’en vertu de ses obligations religieuses, qui régissent son action, le groupe s’est engagé non seulement à libérer le Liban, mais aussi la Palestine occupée.

Il a précisé qu’en ce qui concerne les considérations nationales, le parti s’aligne sur tous les Libanais, mais qu’en ce qui concerne les obligations religieuses, il se situe à part.

La façon dont le dirigeant du Hezbollah a parlé du conflit est peut-être la plus radicale que nous ayons entendue jusqu’à présent. Il a expliqué que toute lutte entre un mouvement de libération et un occupant oppresseur se compose de diverses confrontations avant une guerre de libération finale.

Il a également expliqué au peuple libanais qu’Israël avait commis plus de 2700 violations du cessez-le-feu depuis son entrée en vigueur en novembre, tout en déclarant que les objectifs des dirigeants de Tel-Aviv étaient d’occuper une grande partie du Liban, dans le but d’y construire des colonies illégales, et de priver la population palestinienne de son statut de réfugiée.

En outre, le cheikh Qassem a affirmé qu’Israël n’avait pas besoin d’excuse pour attaquer le Liban et que l’armée libanaise ne défendrait pas la souveraineté du pays. Il a donc déclaré que le Hezbollah est une force de résistance dont les armes sont uniquement destinées à affronter l’occupant israélien et qu’il ne déposera jamais les armes, quelles que soient les circonstances.

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Un autre point clarifié dans le discours est que les discussions entre le Hezbollah et l’Etat libanais sur les arrangements de sécurité n’auront rien à voir avec l’intégration dans l’armée libanaise, ni avec le désarmement.

Faisant référence à « un certain parti » qui cherche à entraîner le Liban dans une guerre civile afin de servir les intérêts israéliens, le secrétaire général du Hezbollah n’a pas nommé le parti ni son dirigeant, mais il était clair qu’il parlait de Samir Geagea et du parti des Forces libanaises.

En outre, il a souligné que le Hezbollah pratique la patience stratégique et n’entrera en guerre qu’au moment qu’il choisira, plutôt que de combattre dans des conditions qui lui soient imposées.

Il a également souligné que les Israéliens sont également calculateurs et que, s’ils contrôlaient totalement la situation, ils auraient déjà lancé une guerre de plus grande envergure.

Après Nasrallah

Le 27 septembre 2024, l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, a profondément ébranlé le groupe. Combiné à l’assassinat de la plupart des dirigeants du parti et à l’attentat aveugle à la radiomessagerie perpétré seulement dix jours plus tôt, cet événement a grandement affecté la capacité du Hezbollah à fonctionner.

Le groupe a dû non seulement tenter de se restructurer, d’éradiquer les espions dans ses rangs et de trouver d’autres moyens de communication, mais il a également dû faire face à une invasion israélienne terrestre, aérienne et maritime.

Malgré le meurtre de près de 3000 personnes au Liban, dont la majorité étaient des civils, et malgré les coups durs portés à son haut et moyen commandement, le Hezbollah est non seulement parvenu à survivre, mais il a également empêché l’armée israélienne d’atteindre les objectifs de son incursion terrestre.

Les combattants réguliers du groupe, ainsi que les groupes armés palestiniens alliés, dont le plus important était le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), sont parvenus à déjouer diverses opérations menées dans le sud du Liban.

En fin de compte, même les unités des forces spéciales israéliennes Egoz n’ont pas été en mesure d’atteindre leurs objectifs de combat et ont été victimes d’embuscades meurtrières.

Cependant, malgré la ténacité des soldats du Hezbollah, le groupe s’est retrouvé dans la position la plus faible qu’il ait jamais connue.

Il était clair que la mort de Nasrallah allait affecter le moral collectif d’une manière jamais vue auparavant ; après tout, il était le guide de tous les partisans de la lutte du Hezbollah contre l’occupation. Ses discours n’étaient pas seulement perspicaces, ils donnaient aux gens un sentiment de sécurité et d’utilité, quel que soit le sujet du jour.

Soudain, alors qu’ils semblaient toujours présents, les discours et le chef lui-même ont disparu. Cela a laissé un vide dans les cœurs et les esprits des partisans du Hezbollah au Liban, et a également provoqué un sentiment d’incrédulité à l’égard de l’idée de victoire.

Aujourd’hui encore, alors que six mois se sont écoulés depuis le décès de Nasrallah, de nombreux foyers chiites libanais et au-delà sont toujours en deuil. Un partisan du Hezbollah du Sud-Liban a même déclaré à Palestine Chronicle que « nous le pleurons tous les jours ; c’est comme si le sentiment de la perte de notre Seyyed ne disparaissait jamais ».

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Notamment, depuis les funérailles de Seyyed Hassan Nasrallah dans le sud de Beyrouth, auxquelles plus d’un million de personnes ont assisté, le Hezbollah continue de mobiliser son peuple et de le convier à des rassemblements publics.

Il est clair qu’il a également reconstruit ce qu’il avait perdu et restructuré son organisation.

Certains analystes de renom ont affirmé qu’Israël avait raison de dire qu’il avait détruit la majorité de l’arsenal du Hezbollah, mais aucune preuve n’est venue étayer ces allégations.

En fait, la façon dont les forces du Hezbollah ont combattu sur le terrain indique que le groupe a accès à une grande quantité d’armes telles que des munitions antichars et des drones suicides.

En outre, la force de combat du Hezbollah est estimée à plus de 100 000 hommes, et ces combattants sonbt toujours présents.

Le Hezbollah aura du mal à acquérir des missiles de précision et des armes de défense aérienne, mais il n’aura aucun mal à recevoir des drones et des armes légères. Le groupe sera également mis à l’épreuve dans les domaines du leadership, du renseignement et des communications.

Israël a déjà utilisé la plupart, sinon la totalité, de ses cartes les plus efficaces. Les brèches ouvertes dans le réseau de communication du Hezbollah, ainsi que les espions qu’il a utilisés, sont presque tous exposés maintenant, ce qui signifie que près de deux décennies de travail de renseignement ont été utilisées, et l’on peut supposer que les moyens d’infiltration devront changer.

Alors que le Hezbollah était auparavant un acteur régional dont la modération était fiable, la nouvelle incarnation du groupe pourrait s’avérer très imprévisible, à l’instar du Hamas dans la bande de Gaza. Ce n’est pas certain, mais s’il a la possibilité de lancer une attaque militaire dévastatrice contre les Israéliens, le groupe pourrait finir par commettre des agressions bien plus importantes que celles que le Hezbollah aurait même envisagées par le passé.

Il est clair pour quiconque parle aux gens sur le terrain au Sud-Liban qu’ils ressentent le besoin de riposter et de se racheter après ce qui leur a été fait.

Si les médias n’ont pas accordé beaucoup d’attention aux quelque 3000 personnes assassinées, principalement au Sud-Liban, à Dahiyeh [banlieue sud de Beyrouth] et dans la vallée de la Bekaa, il est important de relever ce nombre de morts. Il s’agit de l’assaut le plus meurtrier contre le pays depuis 1982.

Si le cheikh Naim Qassem, qui a prononcé pour la première fois un discours empreint d’une confiance et d’une conviction similaires à celles de son prédécesseur, déclare que la libération de la Palestine occupée est un objectif pour le Hezbollah, il faut le prendre au sérieux.

À l’heure actuelle, il est difficile de le dire, mais il se peut que la décision israélienne d’assassiner Sayed Hassan Nasrallah ne fasse du Hezbollah qu’un groupe beaucoup plus dangereux pour la survie de l’état génocidaire.

22 avril 2025 – Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine