Pourquoi l’action contre la crise climatique n’est que du bluff

Depuis plusieurs années, l'Irak subit sécheresses et températures caniculaires. Ici un habitant de Bagdad tentant de se rafraîchir alors que la température avoisine les 50 degrés Celsius - Photo : Ahmed Saad

Par Jonathan Cook

Le paradigme de la croissance sans fin du capitalisme est incompatible avec la durabilité. Mais personne – depuis les politiciens jusqu’aux mouvements de protestation – n’est prêt à l’admettre.

Le débat sur la crise climatique aurait dû être réglé au début des années 1990. Pourtant, trois décennies plus tard, l’ampleur, l’imminence et même l’existence d’une catastrophe à venir font toujours l’objet de vives controverses. Ce n’est pas un hasard.

Sur les réseaux sociaux, David Attenborough plaide une fois de plus pour que l’humanité fasse quelque chose avant que ne soient franchis des points de basculement irréversibles et que les températures ne commencent à augmenter inexorablement, quoi que nous fassions.

Dans le même ordre d’idées, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a prévenu à la fin du mois dernier que l’humanité était passée de l’ère du réchauffement climatique à celle de « l’ébullition mondiale ». Les records de température ne cessent d’être battus, tandis que les incendies de forêt et les inondations sont devenus des sujets quotidiens d’actualité.

Les modèles actualisés des scientifiques prévoient désormais que la limite de 1,5 °C d’augmentation de la température moyenne de la planète, fixée par l’accord de Paris de 2015, sera franchie pour la première fois dans quelques années, et non plus dans quelques décennies… Et cette semaine, il a été annoncé que le mois de juillet avait été le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial, soit un bond de 0,33 °C par rapport au précédent record.

Le Moyen-Orient risque de ressentir rapidement les effets les plus graves, de vastes zones de la région étant moins à même de faire face aux coûts élevés de mesures d’adaptation.

La pénurie d’eau, la chaleur extrême, l’insécurité alimentaire et la désertification rendront la vie de plus en plus difficile et déclencheront des migrations et des conflits.

Malgré cela, l’inaction en matière de réduction de l’utilisation des combustibles fossiles se poursuit.

Réserves de pétrole au maximum

Des chiffres récents montrent que les États-Unis et la Chine, responsables de la majeure partie des émissions mondiales, brûlent plus de combustibles fossiles que jamais.

Les dirigeants de l’industrie pétrolière font peur au public en affirmant que les réductions de la production de pétrole intensifieront la crise du coût de la vie. Poussés par la même apparente logique, les gouvernements occidentaux reviennent rapidement sur leurs engagements écologiques.

En Grande-Bretagne, le Premier ministre Rishi Sunak promet d’exploiter au maximum les réserves de pétrole et de gaz du pays grâce à de nouveaux forages en mer du Nord, estimant sans doute qu’il s’agit là d’un argument électoral. Craignant des pertes d’emplois, sa secrétaire d’État aux affaires, Kemi Badenoch, indique que les conservateurs pourraient revenir sur les engagements pris pour imposer le passage aux véhicules électriques.

Keir Starmer, le chef de l’opposition travailliste, n’a que du vitriol pour les manifestants contre le changement climatique, les seules personnes qui demandent publiquement que quelque chose soit fait de toute urgence. Cette semaine, il a qualifié de « méprisables » les manifestants de Just Stop Oil, qui demandaient à un futur gouvernement travailliste de révoquer les nouvelles licences de forage pétrolier accordées par Sunak.

Le budget annuel de 620 milliards d’euros proposé par l’Union européenne pour le Green Deal n’est pas encore pourvu. Les États membres ont d’autres priorités financières, semble-t-il, notamment l’armement de l’Ukraine.

De même, le Royaume-Uni s’apprête à abandonner sa promesse de 11,6 milliards de livres sterling sur le climat, faite en 2019, pour aider les pays en développement.

Enfin, le sommet de la Cop sur le climat qui réunira les dirigeants du monde entier plus tard dans l’année – le 28e – devrait une fois de plus être phagocyté au vu et au su de tout le monde, par le lobby pétrolier. Le sommet sera accueilli, et son ordre du jour très probablement contrôlé, par les Émirats arabes unis, dont l’économie dépend entièrement de la production de pétrole.

La réalité en pleine figure

Comment en sommes-nous arrivés à ce point d’échec abject, où plus le consensus scientifique et les preuves concrètes sont importants, plus l’impact de ce consensus sur la prise de décision est faible ?

L’étonnante disjonction entre la menace et la réponse n’est possible que parce que le lobby pétrolier a historiquement façonné, et continue de façonner, la compréhension populaire de la gravité de ce qui nous attend. La dissonance cognitive règne.

Il est vrai que les médias officiels ont commencé, très tardivement, à diagnostiquer des phénomènes météorologiques plus imprévisibles et plus extrêmes comme étant les symptômes d’une crise climatique plus large… Il est difficile de nier la réalité lorsque celle-ci ne cesse de vous donner des claques en pleine figure.

Mais aussi, les médias ont été, et continuent d’être, au cœur du problème. Ils continuent de couvrir le lobby pétrolier et les entreprises mondiales dont les résultats dépendent d’une dépendance continue à la surconsommation et à la « croissance économique ».

Cela ne devrait pas nous surprendre, car les médias, dont le travail consiste à façonner notre perception du monde, sont eux-mêmes profondément impliqués dans les profits réalisés par les entreprises aux dépens de la planète.

Ces médias ont accompli un travail remarquable en obscurcissant à la fois notre destin collectif et leur propre rôle dans la perpétuation de la tromperie.

La vérité, c’est que les scientifiques savaient depuis au moins 70 ans que le réchauffement de la planète serait une préoccupation majeure si l’économie humaine continuait à se développer en brûlant du carbone

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Cette compréhension n’a fait que s’approfondir entre la fin des années 1960 et les années 1980, à mesure que les concepteurs de modèles développaient des moyens plus sophistiqués de mesurer et de prédire les effets des émissions de gaz à effet de serre.

Des prévisions tenues secrètes

Malheureusement pour l’humanité, la plupart des premières recherches sur ce sujet ont été financées par les compagnies pétrolières.

En 1968, un institut de recherche de Stanford a conclu : « Il semble n’y avoir aucun doute sur le fait que les dommages potentiels à notre environnement pourraient être graves ». Ses conclusions ont toutefois été délivrées en privé à l’American Petroleum Institute.

Selon des révélations récentes, en 1978, des chercheurs travaillant pour la compagnie pétrolière italienne Eni ont prédit avec précision l’évolution des émissions mondiales et leur impact probable. Le magazine interne de l’Eni faisait des références répétées au changement climatique, alors même que l’entreprise se faisait publiquement l’avocat de ses carburants, qu’elle qualifiait de « propres ».

En 1982, les plus grands spécialistes de la science du climat avaient tracé l’évolution future du réchauffement de la planète pour ExxonMobil.

Ils prévoyaient que le moment critique arriverait dans 37 ans – en 2019 – lorsque les niveaux de dioxyde de carbone atteindraient 415 parties par million (ppm) dans l’atmosphère. Il en résulterait une hausse dangereuse des températures moyennes de la planète de 0,9 °C.

D’ici un an, en 2020, ont-ils prévenu, il ne serait plus possible pour les compagnies pétrolières de dissimuler le changement climatique en le qualifiant de simple fluctuation météorologique normale.

Comme nous le savons aujourd’hui, leurs prévisions donnaient dans le mille. Le seuil de 415 ppm a été franchi en mai 2019. Et ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile d’ignorer le caractère inédit des événements météorologiques.

La seule erreur des scientifiques a été d’être légèrement en retrait quant au moment où l’augmentation de température qui en résulterait franchirait le seuil de 0,9 °C : elle s’est produite deux ans plus tôt que ce qu’ils avaient prévu.

En réponse à une version préliminaire du rapport en 1981, Roger Cohen, responsable de la planification stratégique chez ExxonMobil jusqu’à sa retraite en 2003, a proposé de qualifier les effets probables de la combustion des combustibles fossiles de « catastrophiques » d’ici à 2030, plutôt que d’utiliser le texte prévu de « bien près d’être catastrophiques ».

Une fois de plus, les scientifiques d’ExxonMobil ont été contractuellement obligés de cacher au public leurs terrifiantes prévisions.

Un retour aux âges sombres ?

L’exactitude de ces prédictions est difficile à expliquer pour ceux qui soutiennent que l’urgence climatique causée par l’homme est un canular, une conspiration visant soit à nous ramener à l’âge des ténèbres, soit à faire avancer un programme mondialiste d’ « éco-socialisme autoritaire », prétendument dirigé par Amazon et Elon Musk.

Pourquoi les entreprises occidentales ont-elles travaillé si dur pour cacher au public pendant si longtemps ces informations d’une importance capitale sur le changement climatique, si elles avaient vraiment l’intention de les exploiter pour nous priver de nos libertés et de nos téléphones portables ?

La bonne réponse se trouve dans ce qui s’est passé au cours des 30 dernières années.

Les scientifiques qui n’étaient pas à la solde de l’industrie pétrolière ont fini par rattraper leurs collègues captifs. Le point culminant a été la publication, en 1990, d’un rapport scientifique destiné aux Nations unies, qui mettait en garde contre les dangers du changement climatique provoqué par l’homme.

La menace climatique s’est enfin imposée au grand public.

Pendant un court laps de temps, Big Oil a semblé craindre que les jeux soient faits. Il a supposé qu’il y aurait une réaction populaire et politique à mesure que les données seraient divulguées.

En 1989, Shell a élaboré deux scénarios pour l’avenir. Dans l’un d’eux, baptisé « Monde durable », la combustion du carbone atteindrait son maximum en 2000 et diminuerait ensuite, entraînant une hausse gérable des températures de 1°C. L’autre scénario, qu’elle a appelé « Mercantilisme mondial » – ou « Business as usual » – conduirait à des résultats désastreux.

« Les conditions météorologiques seraient plus violentes – plus de tempêtes, plus de sécheresses, plus de déluges. Le niveau moyen de la mer augmenterait d’au moins 30 cm. Les modèles agricoles seraient modifiés de façon spectaculaire », concluait le rapport de Shell en 1989.

Un problème mondial de réfugiés serait également déclenché, les populations fuyant les points chauds où la famine et la sécheresse frappent en premier. « Les conflits se multiplieraient. La civilisation pourrait s’avérer quelue chose de fragile ».

En réaction, des campagnes de relations publiques ont été organisées pour montrer à quel point l’industrie pétrolière prenait le problème au sérieux. En 1991, par exemple, Shell a financé une vidéo d’une demi-heure sur les dangers du changement climatique, destinée à être projetée dans les écoles et les collèges.

Une foi irrationnelle

Éviter une crise pour toute l’humanité que l’industrie savait imminente était peut-être un devoir moral, mais ce n’était pas un devoir légal.

En fait, comme l’a expliqué précédemment Middle East Eye, c’est exactement l’inverse qui s’est produit.

Tout au long des années 1990, Big Oil a réussi à saboter une action climatique significative en faisant pression sur les États occidentaux pour qu’ils signent un traité sur l’énergie leur liant les mains en matière de réduction de l’utilisation des combustibles fossiles.

Et ce, pour une bonne raison. Dans le cadre du système capitaliste, le premier devoir des sociétés pétrolières – comme des autres sociétés – est de maintenir la rentabilité et de garantir la valeur pour les investisseurs et les actionnaires. L’éthique n’a jamais été prise en compte.

L’industrie des combustibles fossiles a donc consacré une partie de ses vastes profits à poursuivre une double voie : d’abord, brouiller les pistes concernant la science du climat, puis canaliser l’attention vers des solutions à petite échelle, largement dénuées de sens, qu’il incombe au public de mettre en œuvre.

Pendant les années critiques où une action urgente et soutenue par l’État était nécessaire à grande échelle, le déni du climat, financé par les caisses noires des grandes entreprises, a bénéficié d’un temps d’antenne régulier sur des chaînes de médias influentes telles que la BBC.

Les gens ordinaires ont été laissés, comme ils étaient censés l’être, dans la confusion et l’incertitude.

Pendant ce temps, la charge de l’action a été intentionnellement déplacée des gouvernements vers les publics occidentaux. De petites actions privées, nous disait-on, auraient un impact important.

Les gens ordinaires ont été encouragés, par exemple, à abandonner très progressivement l’utilisation d’ampoules gaspillées et de courte durée de vie au profit de versions plus efficaces et plus durables – des ampoules qui existaient depuis des décennies mais qui n’étaient pas produites parce qu’elles étaient beaucoup moins rentables.

L’analyse coûts-avantages avait changé pour les grandes entreprises : l’humble ampoule était devenue une arme dans la lutte pour calmer un public et des décideurs politiques désireux de faire quelque chose pour lutter contre le changement climatique.

De même, on conseillait aux citoyens responsables de se rendre au travail à vélo, alors même que les gouvernements donnaient la priorité à l’amélioration des infrastructures routières pour les automobilistes, et non pour les cyclistes, et qu’un état d’esprit général était encouragé pour vilipender les cyclistes, un état d’esprit qui persiste encore aujourd’hui.

La situation ne s’est pas arrêtée là. Le lobby des combustibles fossiles a intensifié sa mainmise sur l’espace public.

L’argent des entreprises dans la politique signifiait que la classe politique n’était pas disposée à s’attaquer à l’industrie pétrolière, quoi qu’en disent les scientifiques.

En tout état de cause, les hommes politiques, qui cherchent désespérément à se faire réélire, ne sont pas prêts à remettre en question les préceptes du capitalisme dans un système bipartite où les deux partis sont censés vénérer le modèle de la croissance économique sans fin.

Les médias de l’establishment étaient intégrés dans le même réseau de sociétés interconnectées qui profitaient d’une économie basée sur le pétrole. Leurs propres objectifs à court terme dépendaient de la consolidation de la foi irrationnelle du public en une croissance économique éternelle sur une planète à l’horizon limité.

Une opération psychologique à grande échelle

En fin de compte, aucune personne disposant d’une tribune publique n’avait intérêt à avertir le public que les sociétés développées étaient structurées d’une manière qui nous précipitait vers l’extinction. Le modèle de surconsommation du capitalisme, axé sur le profit, n’a jamais été remis en question.

En lieu et place, les compagnies d’énergie fossile se sont fixé comme date butoir les années 2010, c’est-à-dire le moment où, comme l’avaient prévenu leurs scientifiques, les perturbations climatiques seraient difficiles à dissimuler à l’opinion publique.

D’ici là, l’industrie pétrolière devra avoir préparé un nouveau scénario selon lequel l’industrie pétrolière faisait partie intégrante de la sauvegarde de la planète.

Et c’est exactement ce qu’elle a fait. Des rapports récents montrent que les fonds d’investissement éthiques et verts ont déversé de l’argent dans les entreprises du secteur des combustibles fossiles après que ces dernières aient changé de nom. Les bénéfices des géants du pétrole ont de nouveau atteint des niveaux record.

Dans le cadre de ce que l’on appelle les « Green New Deals », rien ne change fondamentalement. Nous continuons à conduire nos propres voitures dans de jolies couleurs personnalisées. Nous continuons à partir en vacances à l’étranger. Nous continuons à faire nos courses dans les grands supermarchés, où tout est emballé et protégé dans des plastiques à base de pétrole, y compris les fruits exotiques transportés par avion depuis l’étranger tout au long de l’année.

La publicité nous encourage toujours à consommer autant que possible et à renouveler à volonté les nouvelles technologies – des ordinateurs personnels aux téléphones – toutes les quelques années, en raison de l’obsolescence programmée.

Mais ce mode de vie individualisé, compétitif et gaspilleur est en train de faire peau neuve. Les voitures sont désormais hybrides ou électriques. Les vacances sont « compensées en carbone » d’une manière ou d’une autre. Le plastique qui recouvre nos aliments est décrit comme recyclable. La publicité nous explique désormais que tous les produits que nous achetons sauvent la planète.

Le fait de vivre de plus en plus de notre vie en ligne est censé nous aider aussi, car cela réduit notre empreinte carbone. Il s’agirait d’une révolution verte dans laquelle tout reste pratiquement inchangé, y compris la capacité des entreprises géantes à réaliser des profits considérables.

Forte des avertissements – des décennies à l’avance – de ses propres scientifiques, l’industrie pétrolière a eu suffisamment d’avance pour inventer un discours qui lui est propre.

Ce rdiscours encourage les gens ordinaires à consommer autant qu’avant, tout en étant persuadés qu’ils font la différence ou que les dommages qu’ils causent seront inversés par des technologies sur le point d’exister.

Le nouveau mot d’ordre est « net zéro ». Mais en réalité, il s’agit d’une vaste opération de mystification, comme les climatologues ont commencé à s’en rendre compte peu à peu.

En 2021, un groupe de trois universitaires de renom a admis que, pendant des années, ils avaient été dupés en défendant les promesses du « Green New Deal ».

Les solutions technologiques, telles que le piégeage du carbone, la compensation et la géo-ingénierie, n’étaient « que des contes de fées », ont-ils averti. Les politiques « net zéro », « étaient et sont toujours motivées par la nécessité de protéger les affaires en cours, et non le climat ».

James Dyke, expert en systèmes globaux à l’université d’Exeter, a fait remarquer qu’il était étonnant de constater que l’absence encore à ce jour de toute technologie crédible d’élimination du carbone, ne semble jamais affecter les politiques du « net zéro ». « Quoi qu’on lui jette à la figure, la politique du ‘net zéro’ se poursuit sans le moindre accroc dans le garde-boue… Je me rends compte maintenant que nous avons tous été victimes d’une forme de ‘gaslighting’ (poudre aux yeux) ».

Un cynisme malsain

Cette situation s’est avérée – intentionnellement ou non – gagnante pour les grandes entreprises.

Une grande partie du public est persuadée, à tort, que la crise climatique est encore loin et que les mesures nécessaires pour l’éviter sont à portée de main grâce à des avancées technologiques telles que le piégeage du carbone. Par conséquent, ils n’ont que peu de contacts avec un mouvement de protestation de plus en plus bruyant en faveur du climat.

Des pans entiers du mouvement de protestation ont été trompés et ont cru que le « Green New Deal » offrait de bonne foi des solutions, alors qu’il a été détourné pour déguiser des affaires sonnantes et trébuchantes.

Gaza : des enfants remplissent des bouteilles d’eau potable à un point de distribution – Photo : archives/PressTV

En conséquence, « l’éléphant dans la pièce » – c’est-à-dire les tendances inhérentes et autodestructrices du capitalisme – est mis par les manifestants sur la touche ou complètement perdu de vue. Les protestations se limitent invariablement aux échecs politiques ou aux volte-face des gouvernements.

Même la figure de proue du mouvement de protestation, Greta Thunberg, qui, l’année dernière, s’est enfin prononcée contre le capitalisme en publiant The Climate Book, a eu du mal à ne pas revenir au comportement habituel.

Ces derniers mois, elle est devenue une partisane de plus en plus en vue de la guerre en Ukraine, faisant de l’écoblanchiment dans la lutte cynique de l’Occident par procuration contre la Russie, au nom de ses industries de la guerre et de l’énergie.

La guerre en Ukraine, provoquée de manière trop prévisible par l’expansion de l’OTAN aux frontières de la Russie, a offert d’énormes opportunités de profit aux industries militaires, d’armement et pétrolières de l’Occident.

Cela n’a pas seulement servi de distraction bienvenue par rapport à la nécessité urgente de s’attaquer à la crise climatique. Les dommages collatéraux de la guerre – de l’explosion du gazoduc Nord Stream à la rupture du barrage de Kakhovka – font payer un lourd tribut à l’environnement.

La guerre elle-même et le refus d’envisager des pourparlers de paix alimentent les forces les plus responsables de la destruction de l’environnement.

Un troisième camp est coincé au milieu. Il est devenu cynique à l’extrême. Certains nient l’existence d’une quelconque urgence climatique. D’autres rejettent le programme vert, arguant que la date limite pour sauver la planète a été dépassée et que toute action est désormais futile.

Les opinions publiques occidentales sont confuses, aigries et divisées – les conditions idéales pour que l’inertie règne et que les grandes sociétés pétrolières puissent poursuivre leurs activités comme si de rien n’était.

Le religion de la croissance

Personne dans le courant dominant ne s’étant attaqué à la réalité de ce qui nous attend, les principales institutions financières ont été libres de prétendre que le paradigme de croissance implacable du capitalisme peut être concilié avec la durabilité.

Un rapport de 2017, par exemple, de l’Organisation de coopération et de développement économiques, un organisme commercial mondial composé des 38 États les plus développés du monde, s’intitule simplement : « Investir dans le climat, investir dans la croissance ».

La Banque mondiale défend la poursuite de la croissance – pour les entreprises occidentales – sous la rubrique trompeuse du « développement » pour le Sud.

Les pom-pom girls du gouvernement britannique vantent leurs mérites écologiques. « Notre transition vers un avenir vert et durable offrira de nouvelles opportunités de croissance et d’amélioration de l’économie britannique », peut-on lire dans un document d’orientation pour 2023.

Ces affirmations sont faites, comme nous l’avons vu plus haut, alors même que le gouvernement et l’opposition s’efforcent d’inverser les politiques qui sont la condition préalable à un avenir durable.

La Commission européenne, quant à elle, qualifie son Green Deal de « nouvelle stratégie de croissance de l’Europe », alors même qu’elle ne le finance pas.

La focalisation exclusive sur le changement climatique a également servi de puits dans lequel des problèmes beaucoup plus vastes de dégradation écologique par l’activité humaine peuvent disparaître.

Alors que les grandes entreprises sont occupées à promettre des solutions techniques féeriques telles que la capture du carbone, l’attention est détournée des problèmes pour lesquels aucune solution n’est proposée.

Il s’agit notamment de la perte massive de biodiversité à l’échelle mondiale, de la pénurie d’eau douce, de la dégradation des sols, de la déforestation, de la pollution de l’air et de l’eau, des microplastiques, de l’acidification des océans, de l’exploitation excessive de minerais rares, etc. La liste est longue.

L’écologiste William Rees, professeur émérite à l’université de Colombie-Britannique, a qualifié la culture techno-industrielle moderne de « fondamentalement dysfonctionnelle . Elle « consomme systématiquement – et même avec enthousiasme – la base biophysique de sa propre existence ».

Il décrit la relation de l’humanité avec la planète comme analogue à un « parasite malin ».

La tête dans le sable

En coulisses, les politiciens et les officiels semblent moins optimistes que leurs déclarations publiques et simplistes.

S’ils refusent d’affronter les contradictions inhérentes aux exigences écologiques et économiques, ils reconnaissent les coûts élevés que des phénomènes météorologiques plus extrêmes et la montée des océans ne manqueront pas de faire peser sur les finances de chaque pays.

Fin 2021, un groupe d’experts du Trésor américain a conclu que la crise climatique constituait une « menace émergente » pour la stabilité financière du pays, susceptible d’anéantir des milliers de milliards de dollars d’actifs.

Néanmoins, lorsqu’il s’agit de choisir entre répondre à l’urgence climatique ou poursuivre la croissance, l’impératif économique triomphe à chaque fois.

En janvier, lors d’une réunion des dirigeants des banques centrales à Stockholm, le directeur de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a exhorté ses collègues occidentaux à donner la priorité à des objectifs à court terme tels que la lutte contre l’inflation, plutôt que de répondre à la nécessité à long terme de lutter contre le changement climatique. « Nous ne sommes pas, et ne serons pas, des décideurs en matière de climat », a-t-il déclaré.

L’urgence climatique et la crise écologique au sens large mettront ce type d’orthodoxie néolibérale à rude épreuve. En l’absence d’une réponse significative, il faudra bien céder quelque chose. D’ores et déjà, les deux piliers de l’ordre démocratique libéral occidental commencent à s’effondrer : l’engagement en faveur de la liberté d’expression et le droit de manifester.

Les factures d’énergie inabordables, les rayons vides des supermarchés, les inondations et les vagues de chaleur, les dépenses inutiles dans les guerres d’appropriation de ressources et les symptômes plus généraux de l’effondrement écologique, se profilent à l’horizon.

La politique de l’autruche ne fera pas disparaître la bataille qui s’annonce. Elle ne fera que rendre la survie encore plus improbable.

11 août 2023 – Jonathan-Cook.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah