Par Abdel Bari Atwan
La cause palestinienne a repris sa place légitime au centre de l’attention internationale, et le mérite en revient aux personnes innocentes qui ont été tuées ou blessées alors qu’elles participaient aux manifestations de la Marche du Retour dans la Bande de Gaza vendredi pour marquer la Journée de la Terre. Les Palestiniens ont une fois de plus démontré leur attachement à leurs droits nationaux et leur rejet de la capitulation du régime arabe devant Israël. Ils ont défilé courageusement et résolument par dizaines de milliers vers la clôture frontalière, instillant la terreur dans le cœur des soldats israéliens armés jusqu’aux dents, sans se laisser décourager par les antécédents de massacres et de crimes de guerre de ces derniers ou par les balles de leurs tireurs d’élite.
Un nouvel état d’esprit règne au sein de l’opinion publique palestinienne, et il a trouvé une expression politique dans la déclaration commune publiée mardi par les trois groupes les plus actifs de la résistance à l’occupation – le mouvement Hamas, le Jihad islamique et le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) – annonçant qu’ils boycotteraient la session du Conseil national palestinien (CNP) que le président palestinien Mahmoud Abbas convoque à la fin de ce mois. C’est un esprit de rébellion contre l’état de paralysie – voire d’asservissement – qui prédomine depuis des années, et contre l’Autorité Palestinienne (AP) et ses tentatives trompeuses pour gagner du temps et détourner les gens de leurs causes fondamentales : le droit au retour et la résistance à la colonisation israélienne et aux projets de judaïsation des lieux saints.
La décision tripartite a été le premier fruit qu’ait produit la Marche du Retour. Il est particulièrement significatif que le FPLP de gauche – le deuxième plus grand groupe constitutif de l’OLP – ait choisi de se joindre aux deux factions islamistes pour boycotter les institutions de l’AP qui restent engagées dans la coordination sécuritaire avec Israël, et pour s’opposer à la convocation du CNP – le parlement en exil des Palestiniens et l’organe de décision le plus haut – sous le joug de l’occupation.
C’est une honte que l’AP et le Président Abbas se soient désolidarisés des Marches du Retour et aient détourné le regard, comme si elles se déroulaient dans un autre pays et que les participants n’étaient pas des Palestiniens. Plus honteux encore, c’est qu’ils se soient rendus complices du renforcement du siège de la Bande de Gaza en réduisant l’approvisionnement en électricité et en gaz et en réduisant les salaires du secteur public.
Le FPLP a participé aux récentes réunions du Conseil Central de l’OLP et a ainsi donné une apparence de légitimité à Abbas et à son groupe. En ne se prêtant plus à cette farce trompeuse, il a évité de se compromettre et de compromettre sa longue tradition de lutte, et a renoué avec les politiques fondées sur des principes qui lui ont valu un large respect parmi les Palestiniens. Il faut espérer qu’il maintiendra cette position courageuse jusqu’à ce qu’Abbas soit convaincu que cette fois les choses sont sérieuses, et que le CNP doit être convoqué à Beyrouth ou ailleurs, mais pas en territoire sous occupation israélienne. Il ne peut y avoir de CNP crédible sans la participation du Hamas, du Jihad islamique et du FPLP et sans celle de ses membres indépendants ou de ceux qui sont encore en vie.
Il se peut qu’Abbas décide de supprimer l’allocation mensuelle que l’OLP verse au FPLP. Mais celle-ci ne dépasse pas les 30 000 dollars, ce qui ne couvrirait même pas le coût d’un de ses voyages présidentiels en jet privé. Il l’a déjà fait dans le passé, lorsque le FPLP s’est opposé à ses politiques. Mais la patrie, l’avenir du peuple palestinien et la nécessité d’affronter les tentatives actuelles d’anéantir leur cause l’emportent sur toute autre considération ou somme d’argent.
De plus, l’allocation qu’Abbas verse au FPLP ou à d’autres groupes constitutifs de l’OLP ne sort pas de sa poche, mais de la bourse du peuple palestinien. Les fonds du peuple palestinien, ou ceux recueillis en son nom, ne doivent pas être utilisés pour mettre à genoux les plus vertueux d’entre eux.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
4 avril, 2018- Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – MJB