Les enfants en temps de génocide

La petite Hoor Nusseir a perdu ses parents, ses frères et ses mains dans un bombardement israélien à Deir el-Balah. Sa famille, composée de son père, de sa mère et de ses trois frères, a été tuée lorsqu'une bombe israélienne a frappé leur maison à Deir el-Balah le 27 janvier. Hoor n'a qu'un an et demi, et elle a beaucoup de mal à se rétablir un minimum, car sa tragédie ne se limite pas à la perte de sa famille : les médecins ont dû amputer entièrement sa main gauche et les doigts de sa main droite. Elle est également sérieusement blessée à la tête et aux jambes - Photo : Abdelhakim Abu Riash/Al Jazeera

Par Sabreen Akhter

Lorsque des enfants sont pris dans un génocide, ils seront toujours les plus vulnérables, les plus touchés et ceux qui ont le plus besoin de notre protection. Ils auront besoin que les pédiatres, comme moi, agissent en masse et disent sans équivoque : cessez le feu ! Tout de suite !

Les enfants sont toujours nos enfants, chaque enfant dans le monde. Je commence à croire ceci : quiconque n’a pas ce sentiment est probablement dénué de sens moral.
– James Baldwin

Quand les enfants se trouvent sous un bombardement, ils meurent plus fréquemment que les adultes.

Leurs corps plus petits sont moins capables d’absorber les chocs. Leurs têtes sont plus volumineuses et lourdes pour leur petite taille et frappent les surfaces avec plus de violence. Leurs organes abdominaux sont moins bien protégés par leurs cages thoraciques et reçoivent les coups avec plus de force. Leurs cœurs et leurs poumons sont plus petits, plus proches de la surface, moins fournis en muscles et en espace et moins protégés. Plus petit est l’enfant et plus grands sont les risques pour lui.

Quand on bombarde un lieu où il y a des enfants, l’intention première est de tuer tous les enfants d’abord.

Quand les enfants sont dans un lieu où il y a une pénurie de nourriture et d’eau, ils meurent plus rapidement que les adultes. Le manque d’eau propre et de nourriture les affecte plus sévèrement parce que leurs besoins métaboliques et leur surface corporelle sont plus grands. La déshydratation s’installe en quelques heures et la malnutrition en quelques jours.

Leurs yeux s’enfoncent et leur peau se plisse. Ils deviennent apathiques et leur développement est compromis. Le temps passant, leurs organes ralentissent, leurs reins ne filtrent plus l’urine et leurs cœurs ne battent plus comme il faut.

Chez les nourrissons, ces choses arrivent plus vite parce qu’il suffit d’une déficience en électrolytes pour provoquer des convulsions ou la mort. Plus petit est l’enfant et plus grands sont les risques.

Quand on prive de nourriture et d’eau une population comprenant des enfants, l’intention première est que tous les enfants meurent de faim.

Quand les enfants se trouvent dans un lieu où il n’y a pas de logement pour se protéger du froid, ils meurent plus rapidement que les adultes. Les enfants souffrent plus intensément d’hypothermie à cause de leurs têtes relativement plus volumineuses et de leur surface corporelle plus grande. Ils ont moins de graisse sous-cutanée protectrice et ils perdent plus de chaleur.

Pour beaucoup d’enfant, s’endormir transi de froid signifie ne plus jamais se réveiller.

Le froid attaque d’autres enfants différemment, leur élocution se trouble, leur esprit devient confus, leur respiration et leur rythme cardiaque s’affaiblissent et fréquemment, ils s’évanouissent. Si l’hypothermie dure plus longtemps, ils meurent.

Plus petit est l’enfant et plus grands sont les risques. Quand on détruit la majeure partie des logements d’une population et qu’on force celle-ci à vivre dehors continuellement dans le froid, l’intention première est que les enfants meurent les premiers.

Quand des enfants sont dans un lieu où il n’y a pas d’instruction parce que leurs écoles ont été détruites et leurs enseignants tués alors que les bâtiments scolaires encore debout sont devenus des abris, leur avenir est en péril. Même une année sans école, à laquelle il faut ajouter de nombreuses années pour rebâtir les infrastructures scolaires ravagées, peuvent mener à un développement retardé, à la pauvreté, aux risques d’addiction, au chômage et à la lutte constante contre les atteintes à la santé mentale.

Plus petit est l’enfant et plus grands sont les risques, quand on sait que les cinq premières années de la vie d’un enfant sont cruciales à son développement.

Quand on détruit les écoles d’une population, l’intention première est de détruire l’avenir des enfants encore vivants.

Quand les enfants vivent dans des lieux continuellement exposés à la violence, leurs vies sont profondément marquées de multiples façons. Ces Expériences Négatives durant l’Enfance (ENE) peuvent causer le stress toxique, compromettre le développement du cerveau, affecter le système immunitaire et les systèmes de réponse au stress.

Enfants blessés amenés à l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa à Deir al-Balah pour y être soignés suite aux attaques israéliennes à Gaza, le 19 mars 2024 – Photo : Ali Hamad

Les enfants qui ont vécu le stress toxique causé par la violence exercée sur leur communauté auront des difficultés dans leurs relations avec les autres, devront lutter avec leurs finances, peineront à obtenir et garder un emploi et vivront la dépression tout au long de leurs vies.

Leur santé physique elle aussi sera affectée, marquée par des cascades de risques de diabète, de cardiopathies et de cancers.

Toutes ces difficultés peuvent se transmettre aux générations à venir, les personnes qui auront survécu à la violence transmettant les effets de cette violence à leurs enfants et petits-enfants. C

es expériences nocives répondent à la relation dose-effet; plus jeune est un enfant et plus fréquemment il sera exposé à ces expériences et plus grands seront les risques.

Quand on soumet une population d’enfants à la violence, l’intention première est de priver des générations futures d’enfants de la capacité de vivre une vie complète, saine et libre.

Quand les enfants sont présents pendant que leurs parents sont tués, leurs vies sont irrémédiablement changées. La perte des parents pendant l’enfance peut causer toutes sortes d’affections profondes et durables telles que la schizophrénie, la dépression profonde et le suicide.

Lorsque l’enfant assiste directement à la mort de ses parents, les conséquences sont beaucoup plus graves. Quand le nombre d’enfants témoins directs de la mort de l’un ou des deux parents atteint 25 000, une génération entière d’enfants sera marquée à vie par le deuil.

Quand on assassine des milliers de parents, l’intention première est d’altérer de façon profonde et irréversible la vie des enfants qui auront survécu.

Quand les enfants vivent en Palestine en temps de génocide, leur vulnérabilité et leur souffrance sont grandes. Ils ont besoin de notre protection. Ils ont besoin de pédiatres dont ma personne pour agir en masse auprès d’eux, pour dire la vérité à propos de leur souffrance et pour exiger que leurs vies, leurs communautés et leur avenir soient préservés.

Leurs vies ne tiennent qu’à un fil et nous devons impérativement dire aux USA et à Israël : cessez-le feu maintenant.

21 mars 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Najib Aloui

1 Commentaire

  1. La Communauté internationale a laissé faire dès le début du genocide et maintenant pour se donner bonne conscience elle ne sait comment s’y prendre pour stopper les massacre. Il est trop tard, la machine de guerre est en route. Nous n’avons rien fait pour arrêter ce génocide. Depuis toujours nous laissons faire Israël. C’est nous les criminels de guerre. C’est la Communauté internationale qui doit être condamnée.

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