
L'équipage du navire Madleen à destination de Gaza avant de quitter le port de Catane, dans le sud de l'Italie, le 1er juin 2025 - Document de la Freedom Flotilla Coalition via EPA-EFE
Par Yara Hawari
Le Madleen a envoyé un message fort, montrant que la lutte pour mettre fin aux crimes israéliens se poursuit.
Aux premières heures du 9 juin, les forces israéliennes ont intercepté le navire Madleen dans les eaux internationales, près de la côte de la bande de Gaza.
Le bateau, qui transportait 12 militants de sept pays ainsi que de l’aide humanitaire et des vivres, naviguait depuis un peu plus d’une semaine. Parmi les militants se trouvait Greta Thunberg, qui a été constamment diabolisée et ridiculisée par les politiciens israéliens et d’autres pour son soutien à la lutte palestinienne.
L’aide transportée à bord était symbolique et n’aurait pas fait une grande différence si elle était parvenue aux Palestiniens affamés de Gaza. Les Nations unies estiment qu’au moins 500 camions d’aide sont nécessaires chaque jour pour répondre à leurs besoins fondamentaux.
La députée de Madleen, Rima Hassan, et Thiago Ávila entament une grève de la faim après leur détention par les Israéliens
Al-Mayadeen – 11 juin 2925 – La députée européenne française Rima Hassan et le militant brésilien Thiago Avila ont entamé une grève de la faim après avoir été placés en isolement cellulaire par les autorités d’occupation israéliennes, selon des responsables et des défenseurs des droits humains.
Tous deux se trouvaient à bord du navire humanitaire Madleen, intercepté par les forces coloniales israéliennes en début de semaine alors qu’il tentait de se rapprocher de la bande de Gaza assiégée.
La vice-présidente du Parlement français, Clémence Guetté, a confirmé mercredi que Mme Hassan avait été isolée dans des « conditions insalubres » et avait entamé une grève de la faim pour protester.
Dans une deuxième déclaration publiée sur X, Mme Guetté a rapporté que Mme Hassan avait été victime de menaces de la part de responsables israéliens. « Des hommes travaillant sous les ordres [du Premier ministre israélien Benjamin] Netanyahu lui ont dit : ‘Si vous ne signez pas [les papiers d’expulsion], nous vous fracasserons le crâne contre le mur. Nous ferons à notre manière’ », a rapporté Mme Guette.
Mme Guetté a appelé à une manifestation en soutien à Mme Hassan à 19 heures [jeudi 12 juin], heure locale française, pour exiger sa libération immédiate et une intervention internationale.
On s’attendait également à ce que les forces israéliennes l’interceptent avant qu’il n’atteigne les côtes de Gaza.
Pourtant, le Madleen a accompli une mission importante. Il a démontré au monde entier et aux gouvernements, qui refusent de respecter leurs obligations juridiques internationales visant à mettre fin au génocide et à lever le blocus, que Gaza ne sera pas oubliée.
Le Madleen était opéré par la Freedom Flotilla Coalition (FFC), un groupe militant qui mène campagne en solidarité avec le peuple palestinien. En mai, un autre de leurs bateaux, le Conscience, a été attaqué par des drones juste à l’extérieur des eaux territoriales maltaises.
Les dégâts étaient si importants qu’il n’a pas pu poursuivre son voyage vers Gaza.
La FFC fait partie d’un mouvement militant qui lutte depuis quinze ans pour briser le blocus de Gaza.
En 2010, une flottille de six navires partis de Turquie a pris la mer en direction de la bande de Gaza avant d’être interceptée par les forces israéliennes dans les eaux internationales.
Le plus grand navire, le Mavi Marmara, a été pris d’assaut par des commandos israéliens qui ont ouvert le feu et tué neuf militants et journalistes, tous citoyens turcs.
À ce jour, les victimes du Mavi Marmara n’ont toujours pas obtenu justice.
Au lendemain du raid sanglant contre la flottille, Noam Chomsky écrivait : « Depuis des décennies, Israël détourne des bateaux dans les eaux internationales entre Chypre et le Liban, tuant ou kidnappant les passagers, les emmenant parfois dans des prisons israéliennes, y compris des prisons secrètes/chambres de torture, et les retenant parfois en otages pendant de nombreuses années. Israël part du principe qu’il peut commettre ces crimes en toute impunité parce que les États-Unis les tolèrent et que l’Europe suit généralement l’exemple américain. »
En vertu du droit international, l’interception du Mavi Marmara et du Madleen est illégale. Les forces israéliennes n’ont aucune autorité légale pour détenir des militants internationaux dans les eaux internationales. Comme l’a déclaré Huwaida Arraf, avocate palestino-américaine et organisatrice du FFC : « Ces volontaires ne sont pas soumis à la juridiction israélienne et ne peuvent être criminalisés pour avoir apporté de l’aide ou contesté un blocus illégal – leur détention est arbitraire, illégale et doit cesser immédiatement. »
Gaza est située au bord de la mer Méditerranée, mais elle est pourtant coupée de ses voisins méditerranéens depuis des décennies. Le blocus aérien, terrestre et maritime imposé par Israël a commencé en 2007, mais avant cela, les forces navales israéliennes surveillaient et restreignaient déjà l’accès au littoral de Gaza.
Les accords d’Oslo de 1993 n’ont pas accordé aux Palestiniens la pleine souveraineté sur leurs propres eaux, leur donnant à la place un accès à 20 milles marins (37 km) de la côte de Gaza pour la pêche, les loisirs et l’extraction de ressources naturelles telles que le gaz.
Cela ne représente que 10 % de la limite de 200 milles marins fixée pour les pays souverains par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Mais même ces 20 milles marins n’ont jamais été respectés par le régime israélien, qui a confiné les Palestiniens dans des espaces de plus en plus réduits le long du littoral.
Cela a complètement coupé les Palestiniens du monde extérieur et a eu un impact désastreux sur la tradition maritime et l’industrie de la pêche à Gaza.
Les pêcheurs ont été contraints de pêcher dans une zone très restreinte, ce qui a inévitablement conduit à la surpêche. Depuis le début du génocide, les pêcheurs de Gaza ont été pris pour cible et tués, leurs bateaux ont été bombardés et leur équipement détruit.
Parmi eux se trouve Madleen Kulab, la seule femme pêcheuse palestinienne de Gaza, qui a donné son nom au navire Freedom Flotilla. Cette mère de quatre enfants a été déplacée à plusieurs reprises pendant le génocide et se réfugie désormais dans sa maison endommagée. Ses jours de pêche sont révolus.
En vertu du droit international, les membres des Nations Unies ont l’obligation d’agir lorsqu’un crime grave tel que le génocide est commis. Ils ont le devoir d’imposer des sanctions, notamment un embargo sur les armes.
Au lieu de cela, l’Union européenne, d’où proviennent la majorité des militants de la Madleen, a non seulement renoncé à cette obligation, mais a également continué à fournir des armes à Israël, malgré l’opinion publique européenne largement opposée au régime israélien et à son génocide ininterrompu.
Les militants à bord du Madleen savaient qu’ils n’atteindraient pas leur destination, mais ils ont choisi de participer à cet acte de solidarité, risquant leur vie, afin de ramener l’attention du monde sur Gaza et de dénoncer l’inaction criminelle de leurs gouvernements.
Comme l’a déclaré Greta : « Nous faisons cela parce que, quelles que soient les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, nous devons continuer à essayer, car dès que nous cessons d’essayer, nous perdons notre humanité. »
Le Madleen a peut-être été arrêté en mer, mais son message porte loin : le blocus n’est pas invisible et ne le sera pas éternellement.
Chaque navire intercepté, chaque militant détenu, chaque acte de défi réaffirme que Gaza n’est pas oubliée et que tant que la liberté ne sera pas rétablie et que la justice ne sera pas rendue, la mer restera une ligne de front dans la lutte pour la libération de la Palestine.
Auteur : Yara Hawari
* Yara Hawari est Senior Palestine Policy Fellow d'Al-Shabaka. Elle a obtenu son doctorat en politique du Moyen-Orient à l'Université d'Exeter, où elle a enseigné en premier cycle et est chercheur honoraire.En plus de son travail universitaire axé sur les études autochtones et l'histoire orale, elle est également une commentatrice politique écrivant régulièrement pour divers médias, notamment The Guardian, Foreign Policy et Al Jazeera. Son compte twitter.
10 juin 2025 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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