La Grande-Bretagne cède au diktat israélien et criminalise la résistance palestinienne

Combattant de la résistance palestinienne à Gaza : Photo: archives

Par Abdel Bari Atwan

La Grande-Bretagne n’a rien à gagner et beaucoup à perdre en s’alignant toujours plus sur Israël.

L’attaque armée perpétrée dimanche à Jérusalem par un Palestinien du camp de réfugiés de Shufat contre la police des frontières israélienne, pourrait être le prélude à d’autres attaques, alors que l’Occident s’obstine à soutenir le blocus et les crimes de guerre d’Israël dans les territoires palestiniens occupés et à criminaliser le mouvement Hamas.

Fadi Abu-Shkheidem, l’auteur de la fusillade – au cours de laquelle un Israélien [suprématiste blanc sud-africain] a été tué et trois autres blessés – avait fait quitter le pays à sa femme et son enfant trois jours auparavant. Cela signifie que son acte a été prémédité et planifié.

Le mouvement Hamas, auquel il appartenait, l’a décrit comme un héros, et a déclaré que l’attaque, six mois après la dernière guerre d’Israël contre Gaza, “envoie un message d’avertissement à l’ennemi criminel et à son gouvernement pour qu’ils cessent leur agression contre notre terre et nos lieux saints, ou ils le paieront très cher”.

Cette opération au cœur de Jérusalem occupée souligne la présence croissante du Hamas en Cisjordanie et l’acquisition croissante d’armes par ses membres pour les utiliser contre l’occupant.

Plus grave pour Israël, l’arme utilisée a probablement été fabriquée localement, ce qui implique que la fabrication d’armes artisanales est devenue possible et courante. Cela pourrait aussi être le prélude au transfert de la technologie de fabrication de missiles depuis la bande de Gaza vers la Cisjordanie, ce qui bouleverserait les rapports de force existants, non seulement dans les territoires occupés, mais aussi dans toute la région du Moyen-Orient.

Les dirigeants israéliens se sont réveillés tardivement face à ces avancées du Hamas et à la perspective d’une menace pour la sécurité de l’occupant en Cisjordanie après une série d’opérations réussies de contrebande d’armes à travers la frontière jordanienne.

Cette affaire l’a incité à envoyer son chef de la sécurité intérieure, le général Ronen Bar, à Amman pour discuter de ce phénomène inquiétant avec ses homologues jordaniens.

Le Premier ministre israélien Naftali Bennet a mis ses forces en état d’alerte et a promis une terrible vengeance contre le Hamas. Mais le mouvement ne tient manifestement pas compte de ces menaces.

Il a en effet développé une capacité de missiles dissuasive qui lui a permis, ainsi qu’à d’autres groupes, de tirer 4200 missiles sur des cibles israéliennes pendant la guerre de mai – obligeant les aéroports israéliens à fermer, envoyant des milliers de colons dans des abris et brisant le mythe du Dôme de fer.

Il est frappant de constater que cette opération de la résistance est intervenue trois jours après que la ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel, connue pour ses liens étroits avec Israël et son soutien total à son terrorisme étatique contre le peuple palestinien, a annoncé son intention de désigner le Hamas comme une organisation terroriste.

Son gouvernement soumet cette semaine au Parlement une proposition qui, si elle est approuvée, criminalisera le mouvement et pourra emprisonner pendant plus de dix ans toute personne qui y appartient ou le soutient. Cette décision est presque certaine, étant donné la majorité parlementaire de son parti et le soutien inconditionnel de la direction du parti travailliste [prétendument dans l ‘opposition] à Israël.

Cette décision britannique ne peut qu’alimenter l’extrémisme au Moyen-Orient et nuire à la sécurité et aux intérêts de la Grande-Bretagne. Le Hamas n’est pas une organisation terroriste. Il n’a jamais mené d’attaque terroriste contre la Grande-Bretagne ou tout autre pays européen, américain ou autre. Sa résistance s’est toujours limitée à l’occupation israélienne dans les territoires occupés.

Il a participé à des élections palestiniennes libres et équitables et les a remportées. La communauté internationale ne s’est pas opposée à sa participation. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a régulièrement visité ses bureaux et rencontré ses dirigeants dans la bande de Gaza et à Doha après être devenu le représentant du Quartet.

En 1980, Margaret Thatcher, alors premier ministre britannique et chef du parti conservateur, avait refusé de recevoir une délégation de ministres des affaires étrangères arabes en visite parce qu’elle comprenait Farouq Qaddoumi de l’OLP, au motif que l’OLP est une organisation terroriste qui coopère avec l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et la soutient.

Lorsque ce message a été transmis à Yasser Arafat, cela l’a rendu furieux et il a demandé à son représentant à Londres de répondre au gouvernement britannique en ces termes : “Nous n’aidons pas l’IRA, mais si vous continuez à vous en servir comme excuse pour ne pas nous reconnaître, peut-être devrions-nous le faire, et conduire leurs opérations au cœur de Londres si vous nous considérez comme des terroristes”.

Le secrétaire d’État aux affaires étrangères de Thatcher, Peter Carrington, a finalement pris la décision de reconnaître l’OLP et le gouvernement britannique a soutenu la déclaration de Venise de juin 1980 de la CEE de l’époque, qui officialisait cette reconnaissance.

Dans son annonce, faite lors d’un discours devant une fondation de droite aux États-Unis, Mme Patel a déclaré qu’elle avait décidé d’agir contre le Hamas parce qu’il “dispose d’importantes capacités terroristes, notamment d’un accès à de grandes quantités d’armes et sophistiquées, ainsi que d’installations d’entraînement pour terroristes, et qu’il est depuis longtemps impliqué dans d’importantes violences terroristes.”

Cela rappelle le mensonge sur les ADM en Irak, et c’est équivalant à une incitation à une invasion de la bande de Gaza.

Avec des ministres comme Patel, le gouvernement britannique actuel répète la même erreur. En soutenant les politiques racistes d’Israël et ses crimes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, il met en danger la sécurité et la réputation de la Grande-Bretagne et, de plus, il contribue à tuer toute possibilité d’un processus de paix.

Tous les groupes palestiniens, y compris le groupe modéré du “Fatah”, ont dénoncé la décision britannique et se sont unis pour s’y opposer, et des appels au boycott des produits britanniques ont été lancés dans le monde islamique.

La Grande-Bretagne a cessé d’être “grande”. Sa politique au Moyen-Orient est élaborée à Tel Aviv. Les gouvernements arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël ne représentent pas les peuples arabes et n’ont été élus par personne.

Israël ne peut prétendre à la sécurité qu’en se retirant complètement des territoires occupés et en permettant au peuple palestinien de jouir de son droit à l’autodétermination.

Cette décision britannique de criminaliser le Hamas ne sortira pas Israël de ses difficultés, mais par contre,a elle pourrait causer un préjudice considérable à la Grande-Bretagne.

22 novembre 2021 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine