Le génocide est la phase ultime du projet colonialiste occidental

29 octobre 2025 - Des familles pleurent leurs proches dont les corps ont été transportés à l'hôpital Al Shifa de Gaza après avoir été tués lors de frappes aériennes israéliennes - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills

Par Chris Hedges

Le génocide à Gaza n’est pas une anomalie choquante. C’est un signe avant-coureur de ce qui nous attend alors que l’écosystème se désintègre et que les gouvernements adoptent le fascisme climatique.

Gaza ne marque pas la fin du projet colonialiste. Je crains qu’elle n’en marque la phase ultime. Les États occidentaux, enrichis par leurs propres occupations et génocides – en Inde, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et en Amérique du Nord – reviennent à leurs racines alors qu’ils sont confrontés à une crise climatique mondiale et à des niveaux obscènes d’inégalité sociale qu’ils ont eux-mêmes créés et entretenus.

Alors que le monde s’effondre, que la crise climatique pousse et poussera des millions, puis des dizaines de millions, puis des centaines de millions de personnes vers le nord, dans une quête désespérée de survie, le génocide à Gaza, qu’Israël ralentit jusqu’à ce qu’il puisse reprendre son rythme meurtrier habituel, se reproduira encore et encore jusqu’à ce que les fragiles liens sociaux et environnementaux qui maintiennent la cohésion de la communauté mondiale se désintègrent.

Le refus de nous affranchir des combustibles fossiles, la saturation constante de l’atmosphère par les émissions de dioxyde de carbone (CO2), garantissent une hausse des températures qui rendra à terme la plupart des formes de vie, y compris la vie humaine, insoutenables.

La concentration moyenne mondiale de CO2 a augmenté de 3,5 parties par million [PPM] entre juin 2023 et juin 2024, pour atteindre une moyenne de 422,8 PPM, selon la National Oceanic Atmospheric Administration. Les douze mois suivants ont vu une augmentation encore plus importante de 2,6 PPM de CO2.

Des conflits violents, déjà exacerbés par les phénomènes météorologiques extrêmes et la pénurie d’eauéclateront à travers le monde avec une fureur volcanique.

Il n’y a aucun mystère quant à la raison pour laquelle le génocide est financé et soutenu par les alliés occidentaux d’Israël. Il n’y a aucun mystère quant à la raison pour laquelle ces États bafouent les Conventions de Genève, la Cour internationale de justice, le Traité sur le commerce des armes, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et le droit international humanitaire. Il n’y a aucun mystère quant à la raison pour laquelle les États-Unis ont accordé une aide militaire colossale de 21,7 milliards de dollars à Israël depuis le 7 octobre 2023 et ont bloqué à plusieurs reprises les résolutions des Nations unies censurant Israël, dans ce que le dernier rapport de l’ONU sur Gaza qualifie de « crime rendu possible par la communauté internationale ».
Les États-Unis représentent les deux tiers des importations d’armes d’Israël. Mais ils ne sont pas les seuls. Le rapport cite 63 pays qui sont complices de la « machine génocidaire d’Israël » à Gaza.

Selon un rapport du Quincy Institute et du projet Costs of War, publié le 7 octobre de cette année, « sans l’argent, les armes et le soutien politique des États-Unis, l’armée israélienne n’aurait pas pu commettre une destruction aussi rapide et généralisée des vies humaines et des infrastructures à Gaza, ni intensifier aussi facilement sa guerre au niveau régional en bombardant la Syrie, le Liban, le Qatar et l’Iran ».

Il n’y a aucun mystère quant à la raison pour laquelle des milliers de citoyens américains, russes, français, ukrainiens et britanniques servent dans les forces d’occupation israéliennes et ne sont pas tenus responsables de leur participation au génocide.

« De nombreux États, principalement occidentaux, ont facilité, légitimé et finalement normalisé la campagne génocidaire perpétrée par Israël », peut-on lire dans le rapport de l’ONU, compilé par la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese.

« En présentant les civils palestiniens comme des « boucliers humains » et l’offensive plus large à Gaza comme une bataille de la civilisation contre la barbarie, ils ont reproduit les distorsions israéliennes du droit international et les tropes coloniaux, cherchant à justifier leur propre complicité dans le génocide. »

Selon le rapport, en septembre 2024, les États-Unis avaient fourni à Israël « 57 000 obus d’artillerie, 36 000 cartouches de munitions pour canons, 20 000 fusils M4A1, 13 981 missiles antichars et 8700 bombes MK-82 de 500 livres. En avril 2025, Israël avait 751 ventes actives d’une valeur de 39,2 milliards de dollars. »

Nous reverrons cela. Les mêmes massacres. La même diabolisation des pauvres et des vulnérables. Les mêmes discours sur la nécessité de sauver la civilisation occidentale de la barbarie. La même indifférence cruelle envers la vie humaine. Les mêmes mensonges. Les mêmes milliards de dollars de profits tirés par l’industrie de la guerre, qui serviront à étouffer non seulement ceux qui se trouvent hors de nos frontières, mais aussi ceux qui s’y trouvent.

Comment les nations les plus riches réagiront-elles lorsque leurs villes côtières seront inondées, que leurs récoltes chuteront et que la sécheresse et les inondations déplaceront des millions de personnes à l’intérieur de leurs frontières ? Comment remplaceront-elles les ressources qui s’amenuisent ? Comment feront-elles face aux centaines de millions de réfugiés climatiques qui frapperont à leurs portes ? Comment réagiront-elles aux bouleversements sociaux, à la baisse du niveau de vie, à l’effondrement des infrastructures et à la décomposition de la société ?

Elles feront ce que fait Israël.

Elles recourront à une violence disproportionnée pour tenir à distance les désespérés. Elles voleront les terres fertiles, les aquifères, les rivières et les lacs. Elles s’empareront par la force des minéraux rares, des gisements de gaz naturel et du pétrole. Et elles tueront quiconque se mettra en travers de leur chemin.

Au diable les Nations unies. Au diable les tribunaux internationaux. Au diable le droit international humanitaire. Les États industrialisés sont en train de mettre en place, comme l’écrit Christian Parenti, un « fascisme climatique », une politique « fondée sur l’exclusion, la ségrégation et la répression ».

« Ce que nous voyons à Gaza est une répétition de l’avenir », a affirmé le président colombien Gustavo Petro lors de la COP28, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, en 2023.

Les sbires masqués de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), déployés dans nos rues pour terroriser les travailleurs sans papiers, se présenteront à notre porte. Les camps de concentration, actuellement en construction dans tout le pays, auront de la place pour nous. La loi, détournée pour persécuter toute une série d’ennemis intérieurs fictifs, criminalisera la dissidence et la liberté d’expression.

Les milliardaires et les oligarques se retireront dans des complexes fermés, des mini-Versailles, où ils assouviront leur soif insatiable de pouvoir, leur cupidité et leur hédonisme.

Au final, la classe dirigeante des milliardaires deviendra elle aussi victime, même si elle pourra peut-être tenir un peu plus longtemps que le reste d’entre nous. Les nations industrialisées ne seront pas sauvées par leurs murs frontaliers, leur sécurité intérieure, l’expulsion des migrants, leurs missiles, leurs avions de chasse, leurs marines, leurs unités mécanisées, leurs drones, leurs mercenaires, leur intelligence artificielle, leur surveillance de masse ou leurs satellites.

Avant que cette extinction finale n’ait lieu, cependant, une grande partie de l’espèce humaine, ainsi que d’autres espèces, seront consumées dans une orgie de feu et de sang.

Gaza, à moins d’un revirement rapide dans la configuration et le mode de gouvernement de nos sociétés, est une fenêtre sur l’avenir. Ce n’est pas une anomalie choquante. La guerre sera le dénominateur commun de l’existence humaine. Les forts prendront aux faibles.

La destruction de la société civile à Gaza en est le modèle. Le chaos est l’objectif. Les populations soumises sont contrôlées par l’armement de milices et de gangs criminels, comme l’a fait Israël à Gaza, ainsi que par l’armement de milices juives voyous en Cisjordanie.

Elles sont contrôlées, comme l’a fait Israël, par l’interdiction de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient [UNRWA] afin de bloquer l’aide humanitaire.

Elles sont contrôlées, comme Israël l’a également fait, en détruisant des hôpitaux, des cliniques, des boulangeries, des logements, des stations d’épuration des eaux usées, des sites de distribution alimentaire, des écoles, des centres culturels et des universités, tout en assassinant son élite éduquée, dont plus de 278 journalistes palestiniens.

Lorsque la vie est réduite au niveau de la survie, lorsque la maladie et la malnutrition sont endémiques, la résistance peut être brisée.

Le langage utilisé dans cette dystopie émergente n’a aucun rapport avec la réalité. Il est absurde. Israël, par exemple, a violé l’accord de cessez-le-feu actuel dès sa mise en place, mais la fiction d’un « cessez-le-feu » est maintenue.

Israël a apparemment « le droit de se défendre », bien qu’il soit l’occupant et l’auteur d’un apartheid et d’un génocide et que la résistance palestinienne ne représente aucune menace existentielle.

Le « plan Trump », censé mettre fin au génocide, n’offre aucune voie vers l’autodétermination des Palestiniens, aucun mécanisme pour tenir Israël responsable et propose de remettre Gaza à des versions modernisées de vice-rois impériaux, Israël contrôlant les frontières.

La lutte pour la Palestine est notre lutte. Le déni de liberté des Palestiniens est la première étape vers la perte de notre liberté. La terreur qui définit la vie à Gaza deviendra notre terreur. Le génocide deviendra notre génocide.

Nous devons mener ces combats tant que nous en avons encore la possibilité. Les moyens de résistance se réduisent à une vitesse alarmante. Nous devons, par la désobéissance civile, mettre fin à cette machine. Nous devons refaire le monde.

Cela signifie éliminer la classe dirigeante mondiale. Cela signifie démolir une société construite autour de la manie de l’expansion capitaliste. Cela signifie mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles. Cela signifie faire respecter le droit international et démanteler le régime colonial et génocidaire d’Israël. Si nous n’y parvenons pas, les Palestiniens seront les premières victimes. Mais ils ne seront pas les dernières.

30 octobre 2025 – Substack – Traduction : Chronique de Palestine

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