De Gaza à l’Iran, l’entité sioniste se bat pour maintenir l‘emprise de l’empire occidental sur le monde

p>Un F-15 Strike Eagle de l'armée de l'air israélienne vole en formation avec un B-1B Lancer de l'armée de l'air américaine au-dessus de la Palestine occupée - Octobre 2021 - Photo : Armée de l'air américaine

Par Yoav Haifawi

La guerre qui fait rage au Moyen-Orient s’inscrit dans le cadre d’un effort désespéré visant à préserver l’hégémonie occidentale. Tous les conflits, qu’ils aient lieu en Palestine, au Liban, en Syrie, au Yémen ou en Iran, sont le fait du sionisme, qui joue le rôle de gendarme de l’Occident au Moyen-Orient et dispose d’une force militaire écrasante.

La violence a un pouvoir paralysant. Que peuvent faire les mots face aux avions et aux missiles balistiques qui sèment la destruction et la mort ? Quand je vois les gens autour de moi paralysés ou rendus fous par la peur des dévastateurs missiles iraniens, je ne peux m’empêcher de penser à la résilience des habitants de Gaza, qui traversent chaque jour les sept cercles de l’enfer sans aucun espoir d’amélioration.

Mais les missiles et les avions ne sont que la continuation de la politique par d’autres moyens.

Beaucoup de discours ont été prononcés et beaucoup d’accords ont été conclus pour fabriquer et utiliser les instruments de destruction et de mort. Même si cela peut sembler superfétatoire eu égard à la réalité actuelle, il ne faut pas hésiter à poser les bonnes questions, afin de comprendre les racines de la guerre et de pouvoir affronter et limiter les catastrophes qui se profilent.

À Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie, au Yémen et en Iran, c’est la même guerre

Au cours de la première année de la « guerre », l’opinion publique israélienne a massivement soutenu le génocide à Gaza. Mais ces derniers mois, nous avons constaté qu’une grande partie de la population commençait à avoir des doutes.

Ces derniers temps, lorsque nous organisions des veillées de protestation pour demander la fin des massacres, nous avions le sentiment que la plupart des gens dans les rues de Haïfa nous soutenaient. De plus en plus d’Israéliens, y compris dans les médias officiels, d’anciens hauts responsables politiques et des généraux, s’étaient aussi mis à dénoncer les crimes de guerre commis par Israël.

Un consensus israélien et international commençait à se former sur le fait que le gouvernement israélien ne voulait pas mettre fin à la guerre et s’efforçait de l’étendre et de la perpétuer, pour des raisons d’intérêts politiques et personnels étroits ou par extrémisme messianique.

Mais tout à coup, quand Israël a élargi la guerre en attaquant l’Iran, ce qui entraînera inévitablement davantage de morts et de destructions tant en Iran qu’en Israël, le pouvoir de la violence a repris le dessus sur la psyché humaine et paralysé la pensée.

Tout à coup, le consensus israélien s’est à nouveau durci, les médias et le public célébrant le sang iranien versé. Même une Europe en déclin, qui avait commencé à montrer des remords pour son soutien au génocide à Gaza, est redevenue enthousiaste, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne suppliant littéralement de participer à l’effusion de sang.

A la racine de toutes les guerres au proche et moyen-orient : le sionisme

La racine du mal et la source de toutes les guerres actuelles, est le rôle que le sionisme a assumé en tant que colossal bras armé du contrôle impérialiste au Moyen-Orient.

C’est la stratégie déclarée des États-Unis : assurer la supériorité militaire d’Israël sur toute coalition régionale.

Pour garantir la place d’Israël en tant que puissance militaire capable de frapper quiconque menace l’hégémonie américaine, les États-Unis doivent maintenir Israël dans un état de conflit et de danger constants.

Cette stratégie a été incroyablement profitable aux États-Unis, lorsque la guerre des Six Jours en 1967 a conduit à la victoire écrasante d’Israël sur trois États arabes, provoquant, en quelques années, l’effondrement des rêves d’indépendance et de socialisme arabe des nassériens et de l’aile gauche du parti Baas, et l’établissement de dictatures réactionnaires et soumises.

Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé dans les fleuves de la région, des centaines de millions d’habitants se sont ajoutés à la population, des progrès ont été réalisés dans les domaines de l’éducation et de l’économie, et l’équation qui repose sur la forteresse de la Sparte juive pour maintenir la suprématie impérialiste dans la région devient de moins en moins viable.

Les États-Unis eux-mêmes ont payé un lourd tribut pour leurs aventures militaires en Afghanistan et en Irak, dont ils sont sortis sans aucun résultat concret.

Israël a échoué à deux reprises dans ses guerres au Liban, lors de la guerre des dix-huit ans (1982-2000) et lors de sa brève aventure de l’été 2006.

Entre-temps, le contexte régional s’est également modifié.

Au lieu des dictatures pro-occidentales en Turquie et en Iran, des gouvernements islamistes populistes ont pris le pouvoir dans ces deux puissances régionales; ils sont plus réceptifs à l’opinion publique dans leurs pays et ont tendance à s’identifier à la souffrance et à la résistance palestiniennes et à dénoncer l’agression israélienne.

Pendant longtemps, la politique impérialiste dans la région a été fondée sur le principe « diviser pour régner ».

Le principal conflit attisé dans la population musulmane était celui entre sunnites et chiites. L’idée générale était, dans le cadre des « accords d’Abraham », d’établir une alliance de défense sous l’égide israélo-américaine qui protégerait les rois du pétrole et les émirs de la péninsule arabique de la « menace iranienne » (et de leur propre peuple), en échange du maintien d’un contrôle américain effectif sur les ressources naturelles et l’économie de la région.

Même si les Palestiniens n’ont jamais reçu un soutien suffisant pour obtenir le respect de leurs droits humains et nationaux, la lutte palestinienne a été et reste un axe central qui remet en cause le système de contrôle impérialiste dans la région.

L’identification des sunnites et des chiites avec les Palestiniens, et, plus récemment, le choc provoqué par la violence barbare d’Israël depuis le 7 octobre, ainsi que la révélation de l’instinct raciste pavlovien de toutes les puissances occidentales qui soutiennent le génocide à Gaza, ont tous contribué à modifier et continuent de modifier la carte de la région sur le long terme.

Pendant ce temps, Israël s’est engagé dans une guerre sur plusieurs fronts, luttant pour remporter une victoire décisive et récolter les fruits de sa supériorité militaire. En six jours, en 1967, Israël avait vaincu militairement trois pays arabes et occupé de vastes territoires.

Aujourd’hui, depuis plus de 600 jours, il est incapable de vaincre la résistance palestinienne à l’occupation de la bande de Gaza, qui était soumise à un siège asphyxiant depuis de nombreuses années avant la guerre génocidaire actuelle.

Le seul domaine dans lequel Israël a remporté une victoire militaire et politique est sa lutte contre le Hezbollah au Liban, en raison d’une combinaison d’échecs tactiques du Hezbollah qui, de plus, en tant que représentant de la minorité chiite opprimée, n’avait pas une légitimité libanaise totale pour intervenir dans la guerre.

Malgré tout, la détermination d’Israël à occuper des territoires au sein du Liban, tout en se livrant à des raids militaires dans tout le pays, fait également du Liban le front actif d’un conflit violent qui n’est pas terminé et dont la fin n’est pas en vue.

Au Yémen, le gouvernement qui est arrivé au pouvoir à Sanaa dans le sillage du Printemps arabe et qui a survécu à une guerre totale menée par l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats, continue de faire pression pour mettre fin à l’attaque contre Gaza, par un blocus naval et des attaques répétées.

Même avant le conflit avec Israël, le Yémen était le pays le plus pauvre de la région et il est toujours déchiré par la guerre civile. Malgré ses capacités limitées, les attaques répétées d’une coalition de pays occidentaux menée par les États-Unis et les attaques israéliennes contre les infrastructures économiques n’ont pas réussi à faire changer la position du Yémen.

L’extension de la guerre à la Syrie après la chute du régime d’Assad ajoute une autre dimension à la logique du conflit.

Le nouveau régime syrien, qui a émergé après 14 ans de révolution et de guerre civile au prix d’environ un million de vies et d’immenses destructions, a déclaré dès sa création qu’il était attaché aux accords d’armistice de 1974 et qu’il ne souhaitait aucun conflit avec les pays voisins.

Malgré cela, et malgré l’érosion militaire de la guerre sur plusieurs fronts, Israël a décidé d’ouvrir un autre front contre la Syrie, conquérant des territoires supplémentaires (en plus du plateau du Golan syrien capturé en 1967), bombardant toute la Syrie et menaçant le nouveau régime.

Cela a achevé de mettre en lumière la logique de la « villa dans la jungle » : pour que la villa reste une villa, elle doit s’assurer que la jungle reste une jungle, et toute tentative de construire une société et un État normaux dans la région constitue une menace existentielle pour elle.

L’attaque contre l’Iran a poussé cette logique encore plus loin. La supériorité stratégique d’Israël doit être garantie non seulement contre quatre cents millions d’Arabes, mais aussi contre tous les autres pays de la région.

La méthode israélienne consistant à tuer des scientifiques iraniens, qui n’a pas commencé avec la dernière attaque, est l’expression brutale du concept selon lequel la « branche locale de la culture occidentale » colonialiste doit absolument maintenir sa supériorité technologique.

La question nucléaire

Lorsque j’étais étudiant à l’université, j’ai suivi un cours sur « Les relations internationales après la Seconde Guerre mondiale », c’est-à-dire la guerre froide entre les puissances occidentales et l’Union soviétique.

Le professeur parlait toujours de la manière dont les dirigeants occidentaux prévoyaient de faire face à « la menace soviétique ». Dans le cadre de l’« opération impensable », qui devait débuter dès juillet 1945, Churchill prévoyait de mobiliser les troupes de la Wehrmacht qui s’étaient rendues pour attaquer l’Union soviétique et larguer des bombes atomiques (américaines) sur Moscou, Stalingrad et Kiev.

En 1949, les États-Unis ont planifié une opération de plus grande envergure (« Opération Dropshot ») qui prévoyait l’utilisation de 300 bombes atomiques et la destruction de 100 villes et villages en Union soviétique.

En 1949, l’Union soviétique a procédé à son premier essai nucléaire, ce qui a refroidi l’enthousiasme des États-Unis pour une confrontation directe avec elle.

À la suite de la crise des missiles de Cuba en 1962, après que l’Union soviétique eut prouvé qu’elle pouvait constituer une véritable menace nucléaire pour les États-Unis, des pourparlers ont été engagés entre les parties et la guerre froide est progressivement entrée dans une phase de « détente ».

Dans ma naïveté, j’ai posé cette question au conférencier : « D’après ce que vous nous avez enseigné, tant que les armes nucléaires étaient uniquement entre les mains de l’Occident, nous étions au bord d’une guerre nucléaire. Ce n’est que lorsqu’un « équilibre de la terreur » a été instauré que la tension s’est apaisée. Comment cela s’accorde-t-il avec l’affirmation selon laquelle le problème était « la menace soviétique » ? Il semble que ce soit plutôt le contraire… »

Il m’a répondu que du point de vue de la chronologie des événements, ce que je disais était logique, mais que « personne dans le monde politique ne serait d’accord avec moi ».

D’après ce que l’on sait (« selon des sources étrangères »), Israël possède un grand nombre d’armes nucléaires, que les puissances occidentales l’ont aidé à développer.

À ce jour, elles défendent le « droit » d’Israël à violer le Traité de non-prolifération nucléaire dans toutes les instances internationales.

Des politiciens israéliens et divers experts ont déclaré qu’Israël avait déjà envisagé à plusieurs reprises d’utiliser des armes nucléaires contre les pays arabes, dans des moments de crise.

Le point culminant a été atteint lors de la dernière attaque contre Gaza, lorsque des politiciens extrémistes fanatiques ont fantasmé sur l’utilisation d’une bombe atomique pour anéantir Gaza en guise de « vengeance ». Et, s’il vous plaît, ne me dites pas que l’extrême droite fanatique est loin du centre des décisions en Israël.

Tant que les armes nucléaires sont entre les mains d’un seul camp dans la région, la tentation d’y recourir est grande, ce qui crée une menace existentielle pour les habitants de toute la région. Il est évident que la meilleure solution serait que toute la région soit exempte d’armes nucléaires.

Mais l’histoire a prouvé qu’un équilibre nucléaire de la terreur peut également garantir que personne n’utilise ces armes.

La position de l’Occident sur la question nucléaire iranienne est, à l’échelle régionale, le fac-similé de son refus de reconnaître la légitimité de la résistance palestinienne.

Peu importe le degré auquel Israël occupe et opprime les Palestiniens, vole leurs terres, détruit leurs maisons et les assassine. Israël a toujours « le droit de se défendre » et le Palestinien qui défend ses droits est toujours le « terroriste ».

Au bout du compte, pour assurer la « supériorité stratégique » d’Israël dans la région, il faut qu’il puisse, en « cas de besoin », exterminer des millions d’habitants de la région avec des armes atomiques. C’est là l’essence même des « valeurs occidentales » qu’ils prétendent défendre.

Les États du Golfe, qui rampent devant les dirigeants des États-Unis et de l’Europe, se sont persuadés qu’ils pourraient mettre fin au massacre à Gaza en achetant leur faveur.

Ils espéraient également empêcher la guerre avec l’Iran, qui met en danger la sécurité de tous les pays de la région. Au lieu de cela, surprise, surprise, il s’avère que l’argent qu’ils ont donné aux États-Unis continue de financer le génocide contre les Palestiniens et les bombardements du Liban et de la Syrie.

On peut même dire qu’ils paient les États-Unis pour avoir le privilège d’être les victimes d’une future annihilation nucléaire.

Où tout cela nous mène-t-il ?

Comme le dit le proverbe : il est difficile de faire des prédictions, surtout concernant l’avenir.

Il est difficile de savoir ce qui va se passer, mais il y a beaucoup de choses qui ont peu de chances de ne pas se produire. Au début de la « guerre » actuelle à Gaza, les émissaires de l’administration américaine interrogeaient Netanyahu sur ses plans pour « le lendemain ». Quel est votre objectif final ?

À ce jour, ils n’ont pas eu de réponse, et ce n’est pas un hasard. Israël vit de guerre en guerre et est incapable d’imaginer une réalité différente, et encore moins de prendre des mesures pour en créer une.

La logique historique était qu’Israël attaquait afin d’imposer un « lendemain » américain aux Arabes. Pour cela, il faudrait une administration américaine apte et disposée à mettre fin aux agressions d’Israël et à l’obliger à faire des concessions.

Mais bien au contraire, les Américains sont tombés amoureux des agressions israéliennes. Qui plus est, les États-Unis n’ont vraiment plus rien à offrir à la région.

Nous vivons la fin de « l’ère américaine ».

Aujourd’hui, la Chine est le principal partenaire économique pour le commerce et le développement des pays de la région comme ailleurs. Les États-Unis conservent leur supériorité militaire, au prix d’énormes investissements militaires.

Pour tirer profit de cette supériorité, ils ont tendance à militariser la politique internationale, comme on le voit en Ukraine et en Asie de l’Est, tout comme dans notre région. La puissance militaire et politique d’Israël est avant tout le reflet de la supériorité américaine.

L’avantage militaire des États-Unis s’érode à mesure qu’ils perdent leur leadership économique et technologique. Lorsqu’ils recourent à la force militaire pour tenter de préserver ou de restaurer leur hégémonie mondiale, ce n’est plus pour progresser mais pour faire reculer les autres.

L’humanité en paie le prix fort, mais le déclin des États-Unis s’accélère également.

La guerre actuelle au Moyen-Orient s’inscrit dans le cadre d’un effort désespéré pour préserver les vestiges du colonialisme et la supériorité occidentale sur les peuples du tiers monde.

Le peuple palestinien en paie le prix le plus élevé, le plus effrayant et le plus insupportable. Mais l’avenir ne sera pas déterminé par les politiciens occidentaux ou les dirigeants corrompus de la région qui s’aplatissent devant eux, mais par les peuples qui se battront pour le droit de décider de leur propre destin.

21 juin 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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