L'éducation dans les situations d'urgence à Gaza : soutenir une éducation de qualité en temps de crise Le programme EiE anime et soutien la campagne annuelle « Back-to-School » (Retour à l'école) menée à l'échelle de l'Agence depuis 2017 afin d'encourager les enfants réfugiés palestiniens à poursuivre leur scolarité, même en période de difficultés extrêmes - Photo : Rushdi El-Saraaj / UNRWA
Par Said Alsaloul
Comment les élèves de Gaza pourraient-ils réaliser leurs rêves alors que la guerre a détruit les infrastructures éducatives ?
« Ce qui est merveilleux avec l’apprentissage, c’est que personne ne peut vous l’enlever. »
J’adorais cette célèbre citation du chanteur américain B.B. King et, avant que le génocide ne commence, je la répétais sans cesse à mes élèves. Mais pour les élèves de Gaza, ces mots n’ont désormais plus aucune application pratique. Depuis deux ans, notre droit à l’éducation est bafoué sous les yeux du monde entier.
Pour assurer un avenir prospère, l’esprit de nos enfants doit être nourri de connaissances, mais après le 7 octobre 2023, l’occupation nous a privés du droit à l’éducation et de tous les autres droits humains.
Selon les données du Centre Satellitaire des Nations Unies (UNOSAT) publiées en juillet 2025, Israël a ravagé ou détruit 97 % des écoles de la bande de Gaza. 432 bâtiments scolaires ont été directement touchés.
Et depuis le début de la guerre, selon un rapport publié en juin 2025 par le Ministère Palestinien de l’Éducation, 15 553 élèves du secondaire, 701 enseignants du secondaire, 1 111 étudiants universitaires et 221 enseignants universitaires ont été tués et plusieurs milliers d’autres ont été blessés.
À Gaza, il n’y a plus aucune infrastructure éducative.
Les quelques bâtiments squelettiques qui restaient de l’université islamique ont été transformés en abris pour les personnes déplacées.

Said Alsaloul, donnant un cours en septembre 2023 – Photo prise par un étudiant et fournie par l’auteur
Les familles dont les maisons ont été démolies ou se trouvaient dans les zones soumises à l’ordre d’évacuation se sont précipitées vers les écoles, censées être le refuge le plus sûr, mais cela s’est avéré être un faux espoir.
Le nombre d’élèves qui ne reçoivent pas d’éducation, en particulier ceux de première année élémentaire, double chaque année à mesure que la guerre se poursuit. Et les enfants privés d’école ont tendance à être plus indisciplinés, car ils sont exposés aux conditions impitoyables de la guerre.
Pendant ce temps, les élèves qui ont terminé leurs études secondaires sont restés bloqués pendant deux ans, incapables de passer le Tawjihi (l’Examen Général du Certificat d’Etudes Secondaires).
Récemment, certains ont pu passer leurs examens en ligne, mais il n’y a plus aucune option pour poursuivre leurs études, car toutes les universités ont été endommagées ou détruites.
Les élèves assidus qui aspirent à réaliser leurs ambitions et à obtenir un bon emploi après l’université ne voient pas leur avenir se concrétiser.
Lorsque je me préparais aux examens du Tawjihi en 2017, je passais toutes mes nuits à étudier assidûment pour éviter de commettre la moindre erreur qui pourrait me trahir. Toute cette pression me semblait injuste. Quelques jours après avoir terminé les examens, j’ai obtenu 85 %, un résultat très décevant.
J’avais tout donné pour obtenir les meilleures notes afin de pouvoir être fier de moi, choisir la spécialisation universitaire que je souhaitais et contribuer de manière constructive à ma communauté.
J’aspirais à du réconfort, alors je m’étais rendu sur nos terres à l’est – un lieu où je pouvais ranimer mon âme fatiguée, concilier mon esprit à mon corps.
Au fil des jours, j’ai commencé à apprécier mon résultat, car il m’a permis de m’inscrire à un diplôme de littérature anglaise. J’ai obtenu mon diplôme en juin 2022 et j’ai décidé de poursuivre mon rêve de créer une librairie anglophone comprenant un centre de formation linguistique.
J’ai reçu une offre d’emploi en tant que formateur d’anglais au Centre de Formation Al Salaam ; ce qui m’a permis de rester motivé et concentré sur mon rêve.
Mais cela n’a pas duré longtemps ; le 7 octobre est arrivé.
J’ai réussi à travailler pendant la guerre en tant qu’enseignant, mais l’éducation n’était pas à l’abri des armes et des bombes israéliennes. Les salles de classe, où l’on enseignait la paix, l’amour et les droits de l’homme, ont été détruites et les enfants, les mères et les pères qui avaient trouvé refuge dans les écoles de l’UNRWA ont été ensevelis sous les décombres.
Cinq de mes élèves de première et deuxième année élémentaire, qui venaient chez moi pour suivre des cours d’anglais, ont été tués sous les décombres de leur maison. Le souvenir de leurs visages innocents qui m’écoutaient enseigner est une blessure qui ne guérira jamais.
Après toutes les attentions dont les enfants bénéficient et qu’ils considèrent comme acquise, comment pourraient-ils croire que le monde puisse être si brutal ?
Cette destruction « a rendu l’éducation impossible pour plus de 658 000 enfants, dont beaucoup sont déscolarisés depuis près de deux ans », a rapporté le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
En 2024, plus de 57 000 nouveaux élèves de première année ont rejoint les 658 000 enfants privés d’éducation. Aujourd’hui, à l’automne 2025, période où les écoles sont censées rouvrir chaque année, des milliers d’autres sont en passe d’être privés d’éducation.
Entre-temps, des centaines d’entre eux ont été contraints de travailler pour aider leurs familles à survivre.
L’auto-apprentissage en ligne était autrefois une option, mais après deux ans de dommages irréversibles causés à l’infrastructure Internet, ainsi que des coupures d’électricité et des ordres d’évacuation constants, même cela est désormais impossible.
Sur le chemin du retour de l’école, je repense à l’époque où j’étais élève et où je ressentais cette joie juvénile à la fin de la journée scolaire, alors qu’aujourd’hui, en tant qu’enseignant, je n’aspire qu’à une chose, celle pouvoir dormir et me reposer.
La plupart de mes élèves sont politisés par les dures réalités vécues au quotidien par leurs parents et grands-parents sous le siège et l’occupation pendant tant d’années. Ils adoptent une attitude agressive et intransigeante lorsqu’il s’agit de parler d’Israël.
J’essaie de les ramener vers le pouvoir de la connaissance, qui prime sur celui de la force. Ils sont les graines de notre avenir et cet avenir repose sur le pouvoir de la connaissance, pilier de la construction de la liberté
Je continue de croire que l’éducation est le moyen le plus efficace d’accéder à la prospérité et au pouvoir, et qu’elle vaut la peine de se battre.
Même si le 7 octobre n’était que le symptôme d’une maladie chronique, la connaissance et la diplomatie sont les armes les plus légitimes pour s’élever au-dessus des occupants et obtenir notre libération.
B.B. King avait raison. L’éducation devrait être un droit inaliénable.
Auteur : Said Alsaloul
* Said Alsaloul est un habitant de Gaza qui vit parmi les décombres. Autrefois professeur d'anglais pour arabophones, il s'est aujourd'hui involontairement orienté vers le journalisme, grâce auquel il dénonce les massacres, les génocides et les nettoyages ethniques commis par l'armée d'occupation en Palestine.
16 octobre 2025 – We Are Not Numbers – Traduction : Chronique de Palestine – YG

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