
Si les habitants de Gaza meurent, c'est pour plusieurs raisons. Le manque de nourriture et les bombes qui tombent se déroulent en temps réel. Parce que les tireurs d'élite continuent de tirer, que les cessez-le-feu sont toujours rejetés ou sabotés par les Israéliens - Photo : réseaux sociaux
La promesse d’aide faite par les États-Unis et Israël à Gaza n’est qu’une cruelle illusion et ne constitue rien d’autre qu’une nouvelle forme de punition collective, estime Mohammed R. Mhawish.
Au lever du soleil, Abu Tamer a quitté l’abri de fortune, recouvert d’une bâche, où les six personnes de sa famille sont réfugiées depuis des semaines.
Il est passé devant des rangées de personnes épuisées qui dormaient à la belle étoile et devant des enfants qui fouillaient le sable à la recherche de restes de nourriture ou de bois de chauffage.
La rumeur s’était rapidement répandue : des camions arrivaient au site de distribution « humanitaire » géré par les États-Unis, installé près de la frontière sud de Gaza, dans la ville de Rafah. L’aide humanitaire était enfin autorisée à entrer à Gaza après près de douze semaines de fermeture des points de passage.
Il n’est pas revenu. Ce qui était censé être un endroit pour se procurer de la nourriture et survivre était en fait un piège. Des témoins m’ont raconté que peu après que la foule se soit réunie, des coups de feu israéliens ont retenti. Certains ont couru, d’autres se sont jetés par terre, tandis que d’autres encore ont disparu.
Depuis des semaines, le discours international sur la famine à Gaza a changé. « L’aide arrive », ont rapporté certains médias. « La situation s’améliore ». Mais sur le terrain, on voit bien que ce ne sont que des mensonges. Le peu d’aide qui est arrivée était non seulement largement insuffisant, mais il a souvent mis les Palestiniens en danger de mort.
Dans certains cas, il a même directement causé leur mort.
Sur le papier, la situation semble s’améliorer. Davantage de camions ont traversé la frontière vers Gaza au cours de la semaine dernière. Les responsables américains ont salué le succès des couloirs d’acheminement de l’aide humanitaire. Les médias ont titré sur la « reprise des livraisons » et l’« amélioration de l’accès ».
Mais ces termes masquent une réalité dévastatrice : bon nombre de ces camions arrivent dans une région ravagée par la famine, dans un contexte qui reste aussi meurtrier que jamais.
En mars dernier, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des Palestiniens qui tentaient de récupérer de la farine dans des camions d’aide humanitaire, tuant plus de 100 personnes dans ce qui a été appelé le « massacre de la farine ».
Aujourd’hui, une horreur similaire se déroule dans le sud de Gaza.
Dans la ville de Rafah et ses environs, les gens me disent qu’ils risquent souvent leur vie en s’approchant d’un convoi humanitaire.
Qu’il s’agisse de frappes aériennes visant de prétendues « cachettes du Hamas », de tirs provenant de chars à proximité ou du chaos provoqué par la bousculade de la foule, l’aide humanitaire est devenue synonyme de massacre. Un homme m’a raconté : « Mon cousin a été blessé à la jambe simplement parce qu’il se tenait près des camions. Il n’avait même pas encore reçu quoi que ce soit. »
L’un des exemples les plus frappants est le site de distribution d’aide humanitaire géré par les États-Unis, aujourd’hui abandonné, qui avait été inauguré en grande pompe début mai 2025. Son objectif, selon ce qui avait été annoncé à la population, était d’assurer des distributions sûres et neutres de nourriture à une population au bord de la famine.
Mais les témoignages que j’ai recueillis auprès de ceux qui s’y sont rendus décrivent une réalité beaucoup plus sombre.
Les personnes qui s’approchaient du site étaient arrêtées. Certaines étaient interrogées, d’autres battues. Quelques-unes ne sont jamais revenues.
Plusieurs personnes que j’ai interrogées ont raconté avoir été arrêtées par des Israéliens ou des étrangers, interrogées sur leurs origines, leur famille, leurs affiliations politiques présumées.
Un homme a déclaré qu’on lui avait demandé de se déshabiller pour un « contrôle de sécurité » avant de le renvoyer.
Les prétendus « centres de distribution d’aide » israélo/US se révèlent être de véritables abattoirs
Puis, en l’espace de quelques jours, le site a été fermé. Aucune explication ni justification, juste une nouvelle promesse d’aide qui s’est transformée en une nouvelle source de traumatisme. Ce qui semblait être un corridor humanitaire s’est avéré être un site de contrôle sous prétexte d’aide. C’était un piège déguisé en bouée de sauvetage.
Le 5 juin, un autre massacre s’est produit dans le sud de Gaza après que « des coups de feu ont été tirés sur la foule qui s’approchait des camions d’aide humanitaire ». Des dizaines de personnes ont été tuées, dont beaucoup de femmes et d’enfants, alors qu’elles cherchaient de la nourriture ou fuyaient vers ce qu’elles pensaient être des zones sûres.
L’armée israélienne a affirmé qu’elle poursuivait des « suspects terroristes ». Mais aucune des victimes que j’ai pu confirmer jusqu’à présent n’avait de liens avec des groupes armés. Il s’agissait simplement d’une file d’attente pour obtenir du pain.
La répétition de ces meurtres ne peut être fortuite. Elle s’inscrit dans la logique de la punition collective.
Cela se produit un an et demi après le début de la guerre israélienne contre Gaza. Alors que les médias occidentaux se félicitent de l’installation de quais flottants et de couloirs humanitaires surveillés par des drones, ces mêmes pays continuent d’armer l’armée qui bombarde les hôpitaux, les écoles et maintenant les files d’attente pour l’aide humanitaire.
Dans le même souffle, les responsables américains soulignent les efforts humanitaires et mettent leur veto aux résolutions de cessez-le-feu. Ils financent la poursuite d’une guerre tout en prétendant offrir le salut.
L’aide ne circule pas parce que la situation s’est améliorée. Elle circule par à-coups mortels, parce que le monde tente de maintenir l’illusion que Gaza est prise en charge et n’est pas abandonnée à la famine.
Mais ceux d’entre nous qui vivent cette situation, ou plutôt qui y survivent, savent bien que ce n’est pas vrai. « Ils disent que l’aide arrive », m’a dit un homme, « mais nous ne voyons que des funérailles ».
Des organisations telles que la Gaza Humanitarian Foundation aident-elles les Palestiniens à survivre ou servent-elles simplement de couverture à un génocide ?
La plupart des ONG opèrent sans garantie de sécurité. Les convois sont attaqués. Les travailleurs humanitaires sont pris pour cibles. Certaines organisations internationales restent silencieuses ou complices, refusant de risquer leur financement ou leur accès. Lorsque d’autres s’expriment, elles finissent par être ignorées.
Les massacres suivis de mensonges sont des constantes israéliennes
Pour tout dire, les habitants de Gaza meurent pour plus d’une raison.
Le manque de nourriture et les bombardements sont une réalité quotidienne. Parce que les snipers continuent de tirer. Parce que les cessez-le-feu sont toujours rejetés.
Ce que veulent les gens, ce que nous voulons tous, c’est respirer et manger. Pouvoir marcher sans être pourchassés. Être libres de reconstruire sans avoir à enterrer à nouveau nos proches demain.
Je pense souvent à Abu Tamer et à la façon dont il marchait ce matin-là, plein d’espoir malgré tout. Il ne pensait pas qu’il se mettait en danger plus que d’habitude. Il espérait ramener un sac de nourriture pour ses cinq enfants. Son corps a été retrouvé sur le site deux heures après l’attaque.
Sa femme l’a enterré de ses propres mains.
Le monde ne cesse de prétendre que « la situation s’améliore », à Gaza, mais, dans les faits, même la promesse d’aide est devenue une source de peur.
Il ne peut pas y avoir de sécurité quand la famine se répand, ni de paix quand l’aide humanitaire arrive au compte-goutte, ni de salut dans un monde qui exige notre mort avant de reconnaître que nous avons le droit de vivre.
Auteur : Mohammed R. Mhawish
* Mohammed R. Mahawish est un journaliste, écrivain et chercheur palestinien vivant dans la ville de Gaza. Il a contribué à l'ouvrage A Land With a People.Collaborateur de The Nation, il a écrit des articles pour Al Jazeera, The Economist, MSNBC, +972 Magazine, The New Arab, Al Jazeera, The Economist, MSNBC, +972 Magazine, The New Arab.Son blog Subtask.
10 juin 2025 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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