Dans un contexte de famine, les maladies infantiles deviennent mortelles

Dans le camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza, enfants comme adultes collectent des déchets pour qu'ils soient ensuite vendus et réutilisés si utiles. Après plus d'un an de guerre génocidaire d'Israël contre Gaza, la grande majorité de la population est déplacée et confrontée à une crise humanitaire catastrophique, l'aide étant systématiquement entravée par Israël - Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills

Par Noor Alyacoubi

Les maladies que l’on pouvait soigner avant la guerre deviennent mortelles dans un contexte d’insécurité alimentaire « catastrophique » à Gaza, et 19 mois de génocide ont désormais entraîné la propagation de nouvelles maladies, qui atteignent des chiffres records.

Il y a quelques jours, des boutons rouges ont commencé à apparaître sur le corps tout fragile de Muhammad al-Mughanni, âgé de 8 ans.

Au début, sa mère n’y a pas prêté attention. « Je pensais que c’était une de ses réactions allergiques habituelles », a-t-elle déclaré à Mondoweiss. Muhammad souffrait d’une allergie cutanée avant la guerre, et son état s’était aggravé au début de l’année 2024. « Dès qu’il se fait piquer par un moustique, la zone piquée enfle et rougit, provoquant des démangeaisons intenses qui le poussent à se gratter jusqu’au sang », explique Um Muhammad. « C’est très douloureux. »

Jour après jour, les boutons ont grossi. Ils ont enflé, ont formé des pustules et ont provoqué des démangeaisons incessantes. Inquiète, elle l’a emmené à la seule clinique médicale disponible dans l’école transformée en refuge où ils séjournaient. On lui a diagnostiqué un cas de varicelle.

Depuis le début de la guerre, Muhammad vit avec ses parents, ses trois frères et sœurs et quinze membres de sa famille élargie dans une salle de classe de 60 mètres carrés de l’école al-Daraj, dans le centre de la ville de Gaza.

Ils ont perdu leur maison à al-Shuja’iyya, dans l’est de Gaza, et ont trouvé refuge dans l’école aux côtés de dizaines de milliers d’autres familles déplacées. Ils partagent désormais tous les mêmes salles de bain, les mêmes matelas et les mêmes effets personnels.

Al-Daraj fait partie d’un complexe de cinq écoles dans la région qui abrite plus de 9000 personnes déplacées à la suite des récentes attaques israéliennes contre l’est de la ville de Gaza.

Les maladies sont le tribut caché du génocide de Gaza

Chaque école ne dispose que d’une seule clinique médicale, qui peine à répondre aux besoins quotidiens de la population.

L’hygiène est quasi inexistante. Dans de nombreuses écoles, y compris dans la plupart des abris de fortune de Gaza, au moins 50 personnes se partagent une seule salle de bain.

Ces installations sont sales et surchargées. Des tentes sont installées dans les cours et devant les portes des écoles. Les déchets s’accumulent dans les coins et les vendeurs ambulants proposent leurs produits au milieu des cours bondées.

Le diagnostic de Muhammad a été posé un jeudi. Les cliniques étant fermées le vendredi, sa mère a paniqué. « Je ne pouvais pas attendre jusqu’à samedi. J’avais peur que la varicelle ne se propage davantage sur son corps », a-t-elle déclaré.

Son père étant au chômage depuis octobre 2023 et la nourriture devenant de plus en plus inabordable (« Nous pouvons à peine acheter un kilo de farine de blé », a-t-elle expliqué), elle a été contrainte d’acheter elle-même une crème contre la varicelle pour 18 NIS.

« Même si cela peut sembler bon marché – avant la guerre, nous l’obtenions gratuitement –, j’ai dû emprunter de l’argent pour l’acheter. »

Elle se rend désormais tous les jours à l’infirmerie de l’école, dans l’espoir d’obtenir suffisamment de crème pour tenir une nuit de plus. « Certains jours, ils me donnent 3 millilitres, d’autres jours peut-être 5. Cela dépend de ce qu’ils ont. Je vis au jour le jour. »

Les maladies de peau ont fortement augmenté avec l’intensification de l’été. Le Dr Mahmoud al-Af, médecin généraliste dans une clinique médicale de l’école Asad al-Saftawi, près d’al-Daraj, affirme que les maladies de peau ont « explosé » depuis l’été.

« Au cours du mois dernier, j’ai traité 30 à 40 cas par jour, et je m’attends à ce que ce nombre passe à 60-70 avec la hausse des températures », a-t-il dit à Mondoweiss.

Avant la guerre, les maladies telles que la gale et les poux étaient gérables. Le traitement nécessitait des médicaments de base et une bonne hygiène. Aujourd’hui, la surpopulation, le partage des espaces de vie et le manque de produits d’hygiène rendent la lutte contre ces maladies presque impossible, explique le médecin.

Les infections secondaires, la fièvre et la pneumonie sont de plus en plus fréquentes.

À la mi-2024, le nombre de cas de gale et de poux enregistrés dépassait les 96 000, principalement chez les enfants déplacés.

Les cas de varicelle enregistrés étaient au nombre de 9274. « Face au nombre considérable de personnes touchées, nous souffrons d’un grave manque d’accès aux médicaments », a déclaré un pédiatre de Gaza à Mondoweiss. « Nous sommes obligés de traiter les patients avec les quantités limitées que nous recevons du ministère de la Santé. »

Le médecin a expliqué que les soignants ne reçoivent plus de boîtes entières d’analgésiques. « Chaque patient reçoit un ou deux comprimés, juste assez pour la journée », a-t-il expliqué.

« Quant aux autres médicaments, comme les antibiotiques et les sirops pour enfants, nous n’avons pas assez de flacons pour donner à chaque patient le traitement complet. Lorsque nous recevons 15 flacons par jour, nous diluons les médicaments avec de l’eau stérile et les distribuons dans des seringues, à raison de 3 ou 5 millilitres à la fois, selon la dose requise. Les patients reviennent chaque jour pour recevoir la dose suivante. »

Augmentation des maladies dues aux mauvaises conditions sanitaires

L’infrastructure délabrée de Gaza aggrave la situation. Des tas d’ordures et des égouts à ciel ouvert envahissent les quartiers, où les enfants jouent à proximité tandis que les insectes pullulent près des centres d’accueil. Cet environnement dangereux a entraîné l’apparition de plusieurs maladies, dont l’hépatite.

Selon le Dr al-Af, le nombre de cas d’hépatite a varié entre deux et dix par jour au cours du mois dernier dans l’école. L’épidémie a atteint un niveau sans précédent en 2025.

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À la fin de l’année 2024, le ministère de la Santé de Gaza a signalé au moins 100 000 cas suspects d’hépatite, principalement de type A, qui se propage par les aliments contaminés, l’eau et les salles de bain surpeuplées et insalubres.

Au milieu de ces épidémies généralisées, les enfants atteints de maladies rares et chroniques luttent pour leur survie sans les soins essentiels qui permettaient autrefois de contrôler leur état.

Noor al-Huda al-Hajjaj, six ans, souffre d’une maladie chronique rare appelée épidermolyse bulleuse (EB), une maladie génétique de la peau dont elle est atteinte depuis sa naissance.

« Le moindre traumatisme, même une simple égratignure, provoque la formation de cloques sur sa peau », a déclaré Abdelraouf, son père âgé de 41 ans, à Mondoweiss. « Ces blessures doivent être traitées immédiatement pour éviter les infections et les complications à long terme. »

Avant la guerre, l’état de Noor était relativement stable. Sa famille avait accès aux médicaments nécessaires, à des soins de suivi réguliers et à une routine de santé spécialisée.

« Nous avions accès à des solutions salines, à de la gaze médicale, à des vêtements en coton doux, à des crèmes comme Silvazine et Dektazol, et même à des matelas spéciaux pour éviter d’endommager sa peau », a déclaré son père.

« Cela nous coûtait environ 1000 shekels par mois [environ 280 dollars], mais cela permettait de contrôler son état. »

Cette stabilité a depuis été brisée. Depuis que la famille a été contrainte de fuir son domicile dans l’est de Gaza, Noor, accompagnée de ses parents et de ses cinq frères et sœurs, a subi près de dix déplacements distincts.

L’état de Noor a commencé à se détériorer dès leur installation dans une tente dans le sud de Gaza en décembre 2023.

« La chaleur extrême à l’intérieur des tentes a aggravé l’état de sa peau sensible », explique son père. « Elle est constamment exposée aux piqûres de moustiques et de fourmis. Elle se gratte, ce qui provoque des blessures graves et des saignements. »

Sans contrôle régulier de l’hygiène de son environnement ni de fournitures médicales, l’état de Noor s’est considérablement aggravé. « Ses blessures saignent abondamment. Son taux d’hémoglobine a chuté et elle souffre désormais d’anémie », a déclaré son père.

« Mal nourrie, son corps est vulnérable et elle ne peut pas résister ni se défendre contre les virus. Son corps ne réagit pas au traitement. »

Son père ajoute que les médicaments et les fournitures qui permettaient autrefois de contrôler son état sont désormais soit totalement indisponibles, soit devenus prohibitifs. « Les mêmes articles qui nous coûtaient 1000 shekels par mois avant la guerre, quand nous arrivions à les trouver, coûtent désormais deux ou trois fois plus cher », explique-t-il.

Le cas de Noor, bien que rare, illustre à quel point les enfants atteints de maladies chroniques sont exposés à des risques extrêmes en temps de guerre, non seulement en raison de la violence, mais aussi de la lente érosion des soins médicaux, de l’hygiène et de la stabilité.

Selon le Dr Muhammad al-Sheikh, directeur du groupe de pharmacies al-Dawli, « la crise va au-delà des maladies de peau. Des maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension, autrefois sous contrôle, font désormais des victimes en raison du manque de traitement », a-t-il déclaré.

« Nous assistons à des décès répétés dus à des maladies qui étaient auparavant gérables », a ajouté le Dr al-Sheikh. « Il ne s’agit plus seulement d’une crise sanitaire. C’est une catastrophe humanitaire. »

Pourquoi la malnutrition aggrave les maladies infantiles

Le cessez-le-feu temporaire de janvier a apporté un bref répit après près de 15 mois de famine et de privations. Mais début mars, alors que la guerre reprenait, Israël a réimposé un blocus plus strict, bloquant l’acheminement de la nourriture, de l’aide, du carburant et des médicaments vers Gaza et aggravant considérablement la crise humanitaire.

À Gaza, on meurt de faim et du manque de soins

Selon le rapport de mars 2025 de l’IPC (Integrated Food Security Phase Classification), l’organisme des Nations unies chargé de surveiller la famine, une grande partie de la bande de Gaza, soit 470 000 personnes, a atteint la « phase 5 : catastrophe/famine ».

L’ensemble de la population est en situation d’« insécurité alimentaire aiguë », 96 % de la population de Gaza étant touchée par l’« insécurité alimentaire aiguë » et 22 % de la population souffrant de « niveaux catastrophiques ».

L’UNICEF et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont lancé des avertissements alarmants, soulignant que 71 000 enfants et 17 000 mères « auront besoin d’un traitement urgent pour malnutrition aiguë ».

« Les enfants sont les plus touchés par les infections et les maladies contagieuses », a déclaré le Dr Ibrahim al-Salhi, pédiatre, dans une interview accordée à Mondoweiss.

Il a cité plusieurs facteurs contribuant à la recrudescence des maladies chez les enfants : la surpopulation dans les camps et les écoles de fortune, le manque de sensibilisation à l’hygiène et à l’assainissement, et une tendance comportementale innée chez les jeunes enfants à explorer le monde par le toucher et le goût, qui les amène souvent à mettre des objets contaminés dans leur bouche.

Ces comportements, combinés à un système immunitaire affaibli et à l’exposition à des risques environnementaux, augmentent considérablement le danger, a déclaré le Dr al-Salhi.

La malnutrition, a expliqué le Dr al-Salhi, compromet l’immunité au niveau le plus élémentaire. L’absence de nutriments essentiels, en particulier les protéines, le zinc et le fer, affaiblit la première ligne de défense de l’organisme, notamment la peau, rendant les enfants vulnérables aux infections virales et bactériennes.

« Un système immunitaire fragile rend non seulement les enfants plus susceptibles de tomber malades, mais ralentit également leur guérison et prolonge la durée du traitement », a-t-il ajouté.

« Dans ces conditions particulières, avec une pénurie extrême de médicaments, de nombreux enfants souffrent aujourd’hui d’anémie, de perte musculaire et de retards de développement. »

Avec la recrudescence des opérations militaires dans des zones telles que l’est d’al-Shuja’iyya, le nord de Jabalia et le sud de Khan Younis, des centaines de milliers de Palestiniens ont été déplacés du nord de Gaza vers la ville de Gaza, a déclaré la semaine dernière le bureau des médias du gouvernement de Gaza.

En réponse aux évacuations massives vers le centre de Gaza, l’UNICEF a signalé la fermeture forcée d’au moins 21 centres de malnutrition en avril dernier.

Selon le ministère de la Santé, 57 enfants sont morts de malnutrition au cours des trois derniers mois seulement, et près de 60 000 en souffrent actuellement. Ce nombre, préviennent-ils, risque d’augmenter si le siège se poursuit.

Le Dr al-Salhi a souligné que les enfants souffrant de malnutrition sévère ont besoin de formules thérapeutiques conçues pour les maintenir en vie même s’ils ne reçoivent aucune autre alimentation.

Gaza : ne détournons pas notre regard

Ces formules fournissent des quantités adéquates de protéines, de graisses, de fer, de zinc et de calories. Cependant, une fois le traitement terminé, les enfants doivent avoir accès à une alimentation saine et équilibrée pour éviter les rechutes, ce qui est de plus en plus impossible dans le cadre d’un blocus total.

« Même les enfants qui ne souffrent pas actuellement de malnutrition risquent de sombrer dans la malnutrition si cette situation perdure », a-t-il averti. « Eux aussi ont besoin d’un soutien nutritionnel en plus d’une alimentation adéquate. »

Malgré leur importance, les compléments alimentaires ne conviennent pas à tout le monde, a souligné M. al-Salhi. Les nourrissons de moins de six mois et les enfants souffrant d’allergies ou de troubles digestifs ne les tolèrent souvent pas. Un traitement approprié nécessite un suivi médical et un plan structuré, deux choses qui ne sont actuellement pas possibles.

« Dans ces circonstances, avec des frappes aériennes à tout moment et aucun accès aux ressources médicales, il n’existe aucun système fonctionnel pour aider les enfants à se rétablir », a ajouté le pédiatre.

« Tout ce que nous pouvons leur offrir, ce sont des formules thérapeutiques pour les enfants souffrant de malnutrition sévère ou des compléments alimentaires, et même ceux-ci sont à peine efficaces. »

Walaa al-Bakri, psychologue pour enfants travaillant avec une ONG internationale, affirme que la faim et les conditions de guerre ont également eu des effets néfastes sur la santé mentale des enfants.

« Certains enfants ont complètement cessé de parler. D’autres tremblent au moindre bruit. Certains pleurent dans leur sommeil parce qu’ils ont faim », a déclaré al-Bakri.

L’Organisation mondiale de la santé a récemment lancé une alerte sur l’effondrement imminent de l’ensemble du secteur de la santé à Gaza.

Seuls 19 hôpitaux sur 36 sont encore opérationnels. Les autres ont été endommagés ou détruits par les attaques israéliennes ou rendus inutilisables par le manque d’électricité, de carburant ou de fournitures.

Les hôpitaux qui fonctionnent encore sont débordés, manquent de ressources et sont incapables d’absorber le nombre de patients.

26 mai 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

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