
Février 2021 - Les images satellitaires montrent un chantier de creusement du sol à proximité du réacteur nucléaire de Dimona, sur une surface de la taille d’un terrain de football et atteignant une profondeur équivalant à plusieurs étages. Le site, dont la construction, avec l’aide de la France, remonte aux années 1950-60, dispose depuis déjà longtemps de laboratoires souterrains où le régime de l’apartheid a développé son plutonium à usage militaire. C’est le seul pays du Moyen-Orient à disposer de l’arme nucléaire, avec un arsenal estimé à une centaine de bombes, pouvant être tirées par son aviation, ses missiles, ou encore ses sous-marins - Image : archives
Par Kit Klarenberg
Kit Klarenberg dévoile le programme d’armement nucléaire de l’entité sioniste et son histoire sombre et secrète, qui continue d’alimenter l’instabilité mondiale tout en échappant à toute surveillance.
Le 13 juin, l’entité sioniste a mené une vaste attaque militaire criminelle et non provoquée contre l’Iran, prétendument pour entraver la quête de la République islamique visant à développer des armes nucléaires.
Téhéran a toujours rejeté toute suggestion selon laquelle elle nourrirait de telles ambitions, et un rapport des services de renseignement américains publié en novembre 2007 exprimait « une forte conviction qu’à l’automne 2003 », le pays avait « mis fin » à toutes ses recherches dans ce domaine. Cette évaluation est restée inchangée pendant plusieurs années et aurait été partagée par le Mossad.
La frappe de missiles iraniens sur Rishon LeZion était plus que symbolique ; elle a touché une colonie profondément ancrée dans l’écosystème militaire « israélien ». Située juste au sud de Tel Aviv, Rishon est liée à des infrastructures militaires clés, à des industries de défense et au recrutement dans les services de renseignement « israéliens »
En revanche, Benjamin Netanyahu a déclaré presque chaque année que l’Iran n’était qu’à quelques années de devenir une puissance nucléaire, et a donc appelé à une action militaire.
Les inquiétudes du dirigeant israélien de longue date sont d’une ironie malsaine, étant donné que le programme d’armement nucléaire de Tel-Aviv est le « secret » le moins bien gardé des affaires internationales. Depuis des décennies, de nombreux responsables et personnalités ont effectivement – voire directement – admis cette capacité monstrueuse.
De plus, « Israël » est ouvertement engagé dans l’« option Samson ».
Si elle doit disparaître, l’entité sioniste est prête à entraîner la planète avec elle
Sous ses auspices terrifiants, si l’entité se sent suffisamment menacée, elle se réserve le droit de mener des frappes nucléaires préventives non seulement contre ses adversaires régionaux, mais aussi contre ses sponsors occidentaux. Comme s’en vantait le théoricien militaire israélien d’origine néerlandaise Martin van Creveld en septembre 2003 :
« Nous possédons plusieurs centaines d’ogives atomiques et de missiles et pouvons les lancer sur des cibles dans toutes les directions, peut-être même sur Rome. La plupart des capitales européennes sont des cibles… Nous avons la capacité de détruire le monde avec nous. Et je peux vous assurer que cela se produira avant qu’Israël ne disparaisse. »
Malgré ces révélations éhontées, l’entité sioniste s’en tient rigoureusement à une politique d’« ambiguïté délibérée », refusant de confirmer ou de nier officiellement qu’elle possède des armes nucléaires.
Lorsqu’un des ministres de Benjamin Netanyahu a ouvertement préconisé de bombarder Gaza en novembre 2023, il a été réprimandé et suspendu. Une telle sanction est dérisoire comparée au sort réservé à Mordechai Vanunu, un ancien technicien nucléaire israélien qui a révélé des détails du programme d’armement nucléaire de Tel-Aviv aux médias britanniques en 1986.
Attiré à Rome par le Mossad, il a ensuite été extradé vers l’entité sioniste et condamné lors d’un procès secret. Vanunu a ensuite passé 18 ans en prison, dont la majeure partie en isolement cellulaire.
Depuis sa libération en 2004, il est soumis à de nombreuses restrictions en matière de liberté d’expression et de mouvement, et a été arrêté et emprisonné à plusieurs reprises pour avoir violé les conditions strictes de sa libération conditionnelle. Tout au long de cette période, de nombreuses organisations, dont Amnesty International, ont condamné les violations flagrantes des droits fondamentaux de Vanunu par Tel-Aviv.
Au moment où Vanunu a courageusement dénoncé ces faits, les gouvernements occidentaux et les agences de renseignement étaient au courant – et profondément préoccupés – par le développement d’armes nucléaires par « Israël » depuis près de trois décennies.
La manière dont l’entité sioniste s’est procuré des armes nucléaires est une histoire peu connue, faite de vol, de tromperie, de jeux d’espionnage obscurs, de complicités dangereuses, et plus encore. Son ampleur reste aujourd’hui indéterminée. Cependant, compte tenu des événements actuels, il est essentiel que ce que l’on sait de cette histoire sordide et cachée soit désormais révélé.
Complicité française
Le programme d’armement nucléaire « israélien » était, depuis sa création, « un secret dans le secret ». En 1957, la France a signé un accord secret avec l’entité sioniste, qui a conduit à la création de la centrale nucléaire de Dimona. Paris prétendit ensuite ignorer que ce complexe allait bientôt servir de base à une installation clandestine de retraitement souterraine, capable de produire du plutonium de qualité militaire.
Les États-Unis semblaient ignorer l’existence de Dimona, et encore moins son utilité pour la production d’armes nucléaires, jusqu’en décembre 1960.
Ce mois-là, une évaluation classifiée de la CIA soulignait « les implications de l’acquisition par Israël d’une capacité nucléaire militaire ». Le document ne laissait guère de doute sur le fait que l’un des « principaux objectifs » de Dimona était « la production de plutonium pour l’armement » et détaillait les multiples implications graves de la course aux armes nucléaires de Tel-Aviv.
D’une part, la divulgation de cette information provoquerait inévitablement la « consternation » en Afrique du Nord et en Asie occidentale, ce qui pourrait inciter les États arabes et musulmans « menacés » à se tourner vers l’Union soviétique pour obtenir une aide militaire
En outre, la CIA prévoyait que les intérêts occidentaux dans la région pourraient être plus largement menacés et que l’initiative israélienne « pourrait lever certaines inhibitions au développement d’armes nucléaires » ailleurs dans le monde.
Le 19 janvier 1961, la veille de son investiture, John F. Kennedy et son administration entrante se sont rendus à la Maison Blanche pour rencontrer le président sortant Dwight D. Eisenhower. Le programme nucléaire « israélien » occupait une place importante dans les discussions entre les deux hommes d’État.
Le 31 janvier de la même année, Kennedy a rencontré l’ambassadeur américain sortant en « Israël », Ogden Reid, pour un briefing complet. Des documents déclassifiés font référence à l’« intérêt particulier » du président pour Dimona.
Alors qu’il était membre du Congrès dans les années 1950, Kennedy avait à plusieurs reprises pris fermement position contre non seulement la prolifération nucléaire, mais aussi les essais nucléaires, estimant que ces derniers encourageraient la première. Il était farouchement opposé à ce que Tel-Aviv se dote de l’arme nucléaire et, dès son entrée en fonction, il a commencé à exercer une pression intense sur le Premier ministre israélien de l’époque, David Ben Gourion, pour qu’il autorise les États-Unis à inspecter Dimona.
Reid a déclaré à Kennedy qu’il croyait aux « assurances » de Ben Gourion selon lesquelles Dimona n’était qu’un « réacteur de recherche » destiné à « répondre aux besoins de l’industrie, de l’agriculture, de la santé et de la science », et qu’elles pouvaient être prises « au pied de la lettre ».
Le président était en total désaccord et a informé sans ambiguïté le Premier ministre israélien que des inspections régulières de Dimona étaient une condition essentielle à la normalisation des relations entre les États-Unis et Israël. Tel-Aviv finit par céder en mai 1961, et une équipe d’inspection américaine fut envoyée sur place.
Leur rapport concluait que Dimona était strictement destiné à la production d’énergie nucléaire, sans application militaire. Cette conclusion erronée a été obtenue grâce aux mensonges éhontés des techniciens français et israéliens aux inspecteurs américains, qui ont déployé des efforts considérables pour camoufler et dissimuler les zones de l’usine consacrées à la recherche et au développement nucléaires.
Ce n’est qu’en mars 1967 qu’un rapport des services de renseignement et de recherche du département d’État a révélé cette supercherie flagrante et la capacité de Tel-Aviv à produire des armes nucléaires dans ce complexe.
« Atrocement incompétent »
Entre-temps, plusieurs enquêtes américaines sur Dimona aboutirent à la même conclusion que la première. Pourtant, jusqu’à sa mort en novembre 1963, Kennedy resta convaincu que l’entité sioniste était déterminée à développer des armes nucléaires, et qu’elle l’avait peut-être déjà fait.
Six mois avant son assassinat, il a écrit un télégramme privé à Ben Gourion, l’avertissant des « effets perturbateurs sur la stabilité mondiale qui accompagneraient le développement d’une capacité nucléaire militaire par Israël ». Il a également souligné « l’urgence » d’inspections régulières à Dimona.
Compte tenu de l’hostilité viscérale du président envers les ambitions nucléaires d’« Israël », il n’est guère surprenant que des théories aient abondé pendant des années selon lesquelles Tel-Aviv aurait été impliqué d’une manière ou d’une autre dans son assassinat.
En 2004, Mordechai Vanunu a explicitement porté cette accusation, affirmant qu’il existait des « indices quasi certains » que Kennedy avait été assassiné en raison de « la pression qu’il exerçait » sur Ben Gourion pour « faire la lumière sur le réacteur nucléaire de Dimona ».
La bombe atomique israélienne est le vrai danger au Moyen-Orient
Aucune preuve irréfutable à l’appui de cette allégation n’est apparue depuis, bien que des documents sensibles récemment rendus publics sur ordre de Donald Trump pointent sans ambiguïté dans cette direction.
En 1992, le journaliste d’investigation Samuel Katz a avancé que James Jesus Angleton, chef chevronné du contre-espionnage de la CIA, avait secrètement dirigé pendant des années l’aide clandestine de l’Agence au programme d’armement nucléaire « israélien ».
Aujourd’hui, les documents récemment déclassifiés sur JFK révèlent clairement comment Angleton, l’un des fondateurs de l’Agence, a systématiquement abusé de sa position pour aider l’entité sioniste tout au long de son long mandat. Parmi les documents récemment déclassifiés figure une note de juin 1953 indiquant que la principale source de renseignements d’Angleton était « Israël ».
D’autres documents déclassifiés indiquent qu’Angleton dirigeait effectivement une agence au sein de la CIA, dont Tel-Aviv était le bénéficiaire ultime.
Un rapport du FBI de juin 1975 sur les « capacités de collecte de renseignements israéliens » aux États-Unis décrit en détail la « relation spéciale » d’Angleton avec l’entité, notant qu’il livrait régulièrement en personne des « informations extrêmement sensibles » à l’ambassade d’« Israël » à Washington DC.
Au même moment, le Bureau en était à sa dixième année d’enquête sur la disparition mystérieuse de 93 kilogrammes d’uranium hautement enrichi de la Nuclear Materials and Equipment Corporation (NUMEC) de Washington.
L’enquête du FBI était centrée sur le président de la NUMEC, Zalman Shapiro, un sioniste fanatique qui avait des contacts haut placés au sein du gouvernement et d’importants intérêts commerciaux en « Israël ». Il avait notamment obtenu un contrat pour la construction de générateurs à propulsion nucléaire.
Officiellement, le scandale NUMEC reste aujourd’hui non élucidé, malgré les enquêtes approfondies menées pendant de nombreuses années par la Commission de l’énergie atomique, le Bureau, la CIA et d’autres agences gouvernementales américaines.
Un rapport cinglant de 1978 du contrôleur général de Washington a conclu que les autorités chargées de l’enquête avaient délibérément saboté leurs investigations sur l’incident, au profit de l’entité sioniste:
« L’incident NUMEC et l’enquête qui s’est étalée sur 13 ans mettent en évidence l’incapacité actuelle de ce pays à lutter efficacement contre les détournements éventuels de matières nucléaires… Les États-Unis doivent redoubler d’efforts pour réagir efficacement et enquêter sur les incidents liés à la disparition ou à la non-déclaration de matières nucléaires de qualité militaire… Nous pensons qu’une action concertée et rapide de la part de ces… agences aurait grandement contribué à résoudre les questions liées au détournement de NUMEC, si elles l’avaient souhaité. »
Il y avait une motivation évidente pour la CIA, le FBI et autres pour ne pas « vouloir » résoudre l’énigme de la disparition de l’uranium hautement enrichi de NUMEC.
Comme l’a déclaré Jefferson Morley, expert en assassinat de Kennedy, aux grands réseaux d’information, James Jesus Angleton a placé Lee Harvey Oswald, le présumé assassin du président, sous surveillance de l’Agence en novembre 1959.
Cela s’est traduit par une « surveillance intensive de ses activités politiques, de sa vie personnelle, de ses voyages à l’étranger et de ses contacts » jusqu’au jour où le président a été assassiné.
Morley a expliqué ainsi l’importance de cette surveillance : « Angleton avait un dossier de 180 pages sur Oswald sur son bureau une semaine avant que Kennedy ne se rende à Dallas en novembre 1963. Cette histoire soulève donc la question : la CIA était-elle incroyablement et atrocement incompétente en ce qui concerne Lee Harvey Oswald, ou Angleton menait-il en réalité une opération impliquant Oswald ? »
Auteur : Kit Klarenberg
* Kit Klarenberg est journaliste d'investigation qui soumet à enquête le rôle des services de renseignement dans le modelage de la politique et des campagnes de propagande associées. Collaborateur -entre autres médias - de la chaîne d’information anglophone iranienne Press TV, il vit en Serbie. Son compte Twitter.
13 juin 2025 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine
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