Les Palestiniens enterrent 15 Palestiniens non identifiés dans une fosse commune après que les corps leur ont été remis par les autorités israéliennes d'occupation dans le cadre d'un soit-disant « cessez-le-feu » entre Israël et le Hamas à Gaza, le 1er décembre 2025. Certaines familles continuent de rechercher leurs proches parmi les corps. La plupart des corps restitués sont méconnaissables en raison de leur état de décomposition et des traces de torture - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Yara Hawari
Le 17 novembre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2803 approuvant le plan en vingt points du président américain Donald Trump pour Gaza.
Ce vote fait suite à plusieurs semaines de pressions politiques et de manœuvres de Washington auprès des membres du Conseil de sécurité. La résolution a finalement été adoptée par 13 voix pour et deux abstentions, celles de la Russie et de la Chine.
Outre l’approbation globale du plan, la résolution prévoit la création de deux organes prétendument « transitoires » chargés de prendre le contrôle de Gaza.
Le premier est le Conseil de paix (BoP), un organe directeur chargé de superviser l’acheminement de l’aide, la reconstruction et l’administration quotidienne.
Le second est la Force internationale de stabilisation (ISF), chargée de prendre en charge la sécurité et de désarmer le Hamas jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne (AP) procède à ce que le plan considère comme une réforme satisfaisante.
Il est à noter que la résolution ne fait aucune référence au génocide des deux dernières années et n’aborde pas la question de la responsabilité à cet égard.
En fin de compte, la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies réorganise le contrôle colonial sur le peuple palestinien de Gaza, qui a subi plus de deux ans de génocide aux mains du régime israélien.
Le Conseil de Sécurité punit la victime et récompense le criminel
Plutôt que de saisir cette occasion pour rendre justice, demander des comptes et créer un précédent pour l’humanité, l’ONU, par l’intermédiaire de son Conseil de sécurité, a une fois de plus choisi de contrevenir à ses propres normes et principes face à la pression des États-Unis et à la déférence quasi totale de la communauté internationale envers Trump.
En effet, elle récompense les États-Unis, co-auteur du génocide, en leur accordant le contrôle de Gaza et de son processus de reconstruction potentiellement lucratif, tout en déchargeant le régime israélien de toutes ses responsabilités en tant que force d’occupation illégale.
Une nouvelle forme de contrôle colonial
Les détails de la structure de gouvernance du BoP restent opaques. Bien que Trump se soit désigné lui-même comme président, les autres membres n’ont pas encore été confirmés.
Selon certaines informations, l’ancien Premier ministre britannique et criminel de guerre Tony Blair serait impliqué ; son groupe de réflexion, le Tony Blair Institute, élabore depuis quelque temps un plan pour la gouvernance et la reconstruction de Gaza.
Certains indices laissent également penser que Jared Kushner, gendre de Trump et négociateur clé des accords d’Abraham, jouera un rôle dans ce projet.
Dans le cadre de cette nouvelle structure, la participation palestinienne devrait être strictement limitée et soumise à de nombreuses conditions.
Le plan de Trump cantonne cette participation à des rôles « technocratiques » et « apolitiques », soumis à une supervision externe continue et excluant de fait tout représentant doté d’une légitimité démocratique ou d’une capacité d’action politique.
Il est à noter que le projet de BoP ne prévoit aucun système de responsabilité significatif, que ce soit envers les Palestiniens, les institutions internationales ou les normes juridiques universelles.
Le BoP aura une autorité totale sur la distribution de l’aide humanitaire à Gaza. Toutes les organisations internationales et les agences des Nations unies, y compris celles qui ont des mandats de longue date, telles que l’UNRWA, seront tenues d’opérer sous la supervision du BoP.
En effet, cet organisme aura un contrôle décisif sur les bénéficiaires de l’aide et les conditions dans lesquelles elle sera fournie. Pour une population rendue entièrement dépendante de l’aide humanitaire en raison du génocide en cours, un tel contrôle centralisé a de graves implications.
L’aide est depuis longtemps utilisée comme une arme en Palestine, mais la résolution de l’ONU accorde un degré sans précédent de contrôle externe sur qui survit, qui meurt de faim et qui a accès aux services de base.
Le BoP est également chargé de superviser la reconstruction de Gaza. Cependant, les déclarations de responsables américains, dont le vice-président JD Vance, indiquent que la reconstruction ne sera autorisée que dans les zones où le Hamas « n’opère pas ».
Le plan israélo-US pour Gaza, c’est la fin de toute résistance et la mise sous perfusion
Dans la pratique, cela limite la reconstruction aux zones sous le contrôle de l’ISF. Dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu actuel, les forces du régime israélien ont délimité une frontière de retrait invisible appelée « ligne jaune ».
Les terres situées au-delà de cette frontière représentent environ 53 % de Gaza, y compris la plupart de ses zones agricoles et industrielles. Cette zone, que le régime israélien qualifie de « zone sans Hamas », a été presque entièrement dépeuplée par les forces d’occupation pendant la campagne génocidaire.
On peut supposer que c’est dans cette zone que les ISF seront déployées en premier. En conséquence, la reconstruction sera limitée à ces zones contrôlées par les États-Unis et Israël, tandis que le reste de Gaza sera laissé en ruines permanentes.
En effet, cette approche renforce « l’ingénierie démographique » déjà en cours, facilitant la poursuite du nettoyage ethnique et le déplacement forcé des Palestiniens à Gaza.
Comme pour la BoP, on ne sait toujours pas qui fournira le personnel de l’ISF, mais celle-ci est envisagée comme une force multinationale dotée d’un commandement unifié relevant de la BoP.
L’administration Trump a clairement indiqué qu’il n’y aurait pas de soldats américains sur le terrain, une position reprise par les gouvernements européens. Entre-temps, l’Égypte, le Qatar et les Émirats arabes unis ont tous été sollicités pour fournir des troupes, mais ne se sont pas engagés.
Ce qui est clair, c’est que l’ISF exercera une autorité étendue pour faire respecter ce que la résolution appelle « la sécurité et la démilitarisation de la bande de Gaza », servant en fait de protectorat et de bras armé pour l’occupation et le siège continu du territoire par le régime israélien.
Responsabilité et inclusion des Palestiniens
Bien qu’un deuxième cessez-le-feu ait été déclaré le 9 octobre 2025, le régime israélien a continué à le violer – au moins 280 fois au moment de la rédaction du présent document – causant la mort de centaines de Palestiniens.
Les destructions causées aux infrastructures de Gaza, notamment aux systèmes de santé et d’éducation ainsi qu’à l’environnement bâti et naturel, sont colossales. Les Palestiniens de Gaza continuent d’être tués, mutilés et déplacés.
En effet, le génocide n’a pas pris fin avec le cessez-le-feu ; il a simplement disparu des gros titres.
Alors que l’ONU a toujours failli à ses obligations envers le peuple palestinien, cette résolution représente une érosion plus profonde de l’institution. Elle bafoue les fondements juridiques et les normes du système international.
Les moyens dont disposent les Nations Unies pour stopper le génocide à Gaza
Premièrement, elle viole les droits inaliénables du peuple palestinien à résister à l’occupation coloniale, à la souveraineté et à une vie digne dans sa patrie.
Deuxièmement, elle efface le génocide et n’offre aucun recours en matière de responsabilité.
La résolution doit donc être rejetée comme un acte de coercition politique et une approbation du contrôle colonial américain sur Gaza. Dans la pratique, il s’agit d’une forme remaniée de domination coloniale présentée comme un rétablissement de la paix.
Ce dont on a le plus besoin à ce stade, c’est que les responsables du génocide et ceux qui l’ont aidé et encouragé soient tenus pour responsables.
Il est tout aussi essentiel de soutenir une vision de la reconstruction menée par les Palestiniens. Le Phoenix Plan, publié en janvier 2025 par un groupe d’experts palestiniens issus de diverses disciplines, en est un exemple.
Cet effort collaboratif rassemble des voix de Gaza, de Cisjordanie et de la diaspora afin d’esquisser un plan de reconstruction à court et moyen terme. Il est essentiel de noter qu’il inclut des personnes issues des municipalités de Gaza, qui connaissent parfaitement les communautés locales et ont une expérience directe des réalités sur le terrain.
Le Phoenix Plan contraste fortement avec la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, qui exclut les Palestiniens de la conception, de la direction et de la mise en œuvre d’une vision autodéterminée de la reconstruction.
Au-delà du fait qu’il soit dirigé par les Palestiniens, ce plan représente un acte de vision prospective face à l’anéantissement et à l’indifférence mondiale.
Reconnaître et soutenir ce type d’action palestinienne est essentiel à tout processus de reconstruction significatif, qui s’oppose directement à la logique coloniale qui sous-tend la résolution 2803 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Auteur : Yara Hawari
* Yara Hawari est Senior Palestine Policy Fellow et codirectrice d'Al-Shabaka. Elle a obtenu son doctorat en politique du Moyen-Orient à l'Université d'Exeter, où elle a enseigné en premier cycle et est chercheur honoraire.En plus de son travail universitaire axé sur les études autochtones et l'histoire orale, elle est également une commentatrice politique écrivant régulièrement pour divers médias, notamment The Guardian, Foreign Policy et Al Jazeera. Son compte twitter.
20 novembre 2025 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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