
Combattants des Brigades al-Qassam, la brance armée du mouvement islamique, le Hamas - Photo : via Al Manar
Par Abdel Bari Atwan
À quoi ressemblera la situation après le « mariage de Charm el-Cheikh » et l’échec de Trump à remporter le prix Nobel ? Voici les scénarios envisageables.
La véritable raison qui a conduit au cessez-le-feu, au retrait partiel de l’armée israélienne de la bande de Gaza et à la libération des prisonniers vivants et morts peut être résumée dans la « phrase en or » prononcée par Donald Trump, le président américain, lors de sa dernière conférence de presse : « J’ai dit à Netanyahu qu’Israël ne peut pas combattre le monde entier qui s’est rassemblé contre lui. »
Il s’agit là d’un aveu clair, de la part du dirigeant de la plus grande nation du monde, qu’Israël n’a plus la force de mener et de poursuivre sa guerre génocidaire et que ses alliés occidentaux, menés par les États-Unis, ne peuvent plus se battre contre le monde entier pour le défendre.
La guerre contre le monde entier, sur le plan politique, militairement et économiquement, n’a rien à voir avec la guerre contre un groupe de résistants assiégés et confinés dans une zone (Gaza) de 365 kilomètres carrés, où il n’y a ni forêts, ni montagnes, mais une masse de chair humaine composée de 2,5 millions de personnes, dont la plupart sont des enfants, des femmes et des personnes âgées, qui sont les descendants de ceux qui ont été déplacés de force des villes et villages du sud de la Palestine occupée, y compris ma famille.
« Israël » a mené pendant deux ans une guerre barbare contre un adversaire mal armé, mais doté d’une forte volonté, dont les dirigeants possèdent une intelligence tactique innée et une foi profonde dans leur doctrine, leur cause et leurs racines et qui sont ancrés dans la région depuis des milliers d’années, contrairement à leur ennemi.
C’est pourquoi, il n’a pas gagné cette guerre. Il a peut-être remporté quelques victoires militaires, mais il a été politiquement vaincu (une défaite mondiale), parallèlement à ses pertes militaires, notamment dans tout ce qui touche l’humain et le renseignement. Nous parlons ici de ce qui s’est passé après le « déluge d’Al-Aqsa », dont les célébrations se poursuivent alors qu’il entre dans sa troisième année.
Si nous acceptons la description quasi unanime selon laquelle l’objectif éternel de Netanyahu est de rester au pouvoir le plus longtemps possible, son acceptation de la première phase de l’accord de cessez-le-feu, qui a été parrainé, ou plutôt imposé, par le président Trump, lui permet-elle d’atteindre cet objectif ?
Il est peut-être trop tôt pour donner une réponse définitive à cette question, surtout que l’accord en est encore à ses débuts et que sa décision centrale, à savoir la libération des prisonniers des deux côtés, n’a pas encore été mise en œuvre.
Cependant, ce que l’on peut dire, et que beaucoup dans son camp évitent de reconnaître, c’est que plusieurs raisons ont contraint Netanyahu à accepter la première phase de l’accord et à la mettre en œuvre si rapidement :
Premièrement, Netanyahu souhaite disposer d’un peu de temps pour reprendre son souffle et renforcer son front politique et militaire interne après les pertes importantes qu’il a subies.
Deuxièmement, il souhaite élaborer une stratégie précise pour reprendre l’ascendant sur Trump et son gouvernement, réorienter leur cap et tenter de concevoir un nouveau plan pour briser son isolement international, tout en évitant la mise en œuvre des décisions de la Cour pénale internationale qui l’ont condamné comme criminel de guerre.
Troisièmement : remporter au moins une victoire militaire sur les sept fronts où il prétend mener simultanément des combats, dont le plus notable est le front yéménite, où ses missiles et ses drones continuent de frapper, bien que quatre agressions n’aient pas réussi à arrêter Ansar Allah, sans compter le refus de l’Iran de céder aux menaces, aux attaques, aux sanctions et aux blocus américains.
Quatrièmement : l’agression contre le Liban n’a pas réussi à neutraliser la menace du « Hezbollah » et à le déposséder de ses armes lourdes et légères. Selon certaines informations, la nouvelle direction du parti adopterait bientôt une nouvelle stratégie pour répondre aux attaques israéliennes quasi quotidiennes et retrouver sa capacité à fabriquer de nouveaux missiles et drones de précision.
Cinquièmement : le projet visant à renverser le régime syrien d’Assad et à transformer le pays en un bras armé pour se battre, aux côtés du gouvernement et de l’armée du Liban, contre la résistance islamique libanaise a échoué, tout comme la fermeture complète des frontières pour empêcher la contrebande d’armes et de technologie de missiles et la création d’un front national de résistance syrien contre l’occupation « masquée » du sud de la Syrie par Israël.
Sixièmement : le mouvement de résistance dans la bande de Gaza, représenté à la fois par les brigades Izz ad-Din al-Qassam du Hamas et les brigades Al-Quds du Jihad islamique, reste intact et s’étend. L’impact des frappes israéliennes visant à l’affaiblir, voire à l’éliminer, reste limité.
Des roquettes sont fabriquées et lancées depuis les décombres vers les colonies, et les missiles Yassin continuent de viser efficacement les chars et les véhicules de transport de troupes israéliens. Le nombre de ses membres augmente de façon terrifiante à mesure que la guerre se prolonge, les armes étant cachées sous les décombres de chaque maison, dans chaque tente et dans chaque tunnel de la bande de Gaza, ce qui rend leur élimination presque impossible.
Dans les prochains jours, nous assisterons à des retransmissions en direct de célébrations bruyantes, avec un grand rassemblement de dirigeants dans leurs plus beaux atours, et des dizaines d’images d’embrassades et de cajoleries. Cependant, l’événement le plus important aura lieu le lendemain de la fin des festivités, lorsque les oiseaux seront rentrés dans leurs nids, ou plutôt leurs palais.
Expliquons plus en détail ce qui se passera après le retour des prisonniers israéliens à Tel-Aviv. Y aura-t-il une deuxième phase, puis une troisième ? Et Trump poursuivra-t-il ses efforts pour mener à bien le processus de « paix » et le cessez-le-feu après avoir échoué à remporter le prix Nobel et à réaliser son plus grand rêve ? Et la mesure la plus importante, à savoir le désarmement de la résistance, sera-t-elle appliquée ? Enfin, les négociations et les médiateurs reviendront-ils, et combien de temps tout cela prendra-t-il ?
Nous ne voulons pas donner de réponses hâtives à des questions complexes, qui deviendront encore plus compliquées dans les jours à venir à la lumière du nouveau scénario qui se profile.
Comme le dit le proverbe anglais, nous traverserons ce pont lorsque nous y arriverons. Ce que nous pouvons dire, c’est que, dans les jours à venir, les brigades de la résistance doivent rester prudentes, car l’ennemi est perfide, et le président américain et son gouvernement sont totalement complices de l’État d’occupation, avec lequel ils ne cessent de conspirer, et de sa guerre d’extermination.
Il n’y aura peut-être pas de deuxième ou troisième phase, ni même de poursuite du cessez-le-feu et de l’acheminement de l’aide. Et loin de diminuer, la crise se compliquera peut-être encore plus.
Ce qui est certain, c’est que la résistance se poursuivra et s’élargira à la Cisjordanie, et que le modèle de soutien yéménite s’étendra d’autres fronts… Et nous comptons les jours.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
11 octobre 2025 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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