Des bateaux français pour Gaza !

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Les quatre bateaux de la flottille, Al Awda (le retour), Hurriyya (Liberté), Falestine (Palestine) et le Mairead, s'étaient retrouvés à Palerme en Sicile le 16 juillet 2018 - Image : Archives

Par Vivian Petit

Yacine Haffaf est le président de Waves of Freedom, une association qui participe au Global Sumud Flotilla, qui est la coalition internationale à l’initiative de cette nouvelle flottille de plusieurs dizaines de bateaux qui partiront le 30 août. Cette coordination regroupe les précédentes Flottilles de la liberté mais aussi les participants à la marche pour Gaza qui s’étaient retrouvés en Egypte, et le convoi Sumud parti du Maghreb.

* Appel à dons pour l’achat des bateaux.
* Vivian Petit a interrrogé Yacine Haffaf et rapporté ses propos.

Bonjour Yacine Haffaf, merci d’avoir accepté de nous répondre. Vous êtes le président de Waves of Freedom, association française qui participe une initiative internationale qui prévoit d’envoyer une flotille vers Gaza à la fin du mois d’août. Pouvez-vous d’abord vous présenter personnellement, et dire ce qui vous a amené à vous engager pour la population de Gaza ?

J’ai toujours été attiré, passionné par les missions humanitaires que j’ai débutées dès mon diplôme de chirurgie en poche. J’ai choisi la chirurgie plutôt que la médecine, guidé par l’envie de guérir rapidement les cassés de la vie et de la guerre. La chirurgie permet un traitement – ou un échec –plus immédiat. La chirurgie me permettait d’avoir un espoir d’être efficace plus rapidement.

Aussi quand j’ai commencé la chirurgie en 1985, c’était quasiment la seule spécialité avec l’anesthésie qui était envoyée en mission humaitaire, alors c’est aussi pour ça que j’ai choisi la chirurgie.. Aujourd’hui, c’est moins vrai, puisqu’on envoie aussi des pédiatres ou des médecins urgentistes.

Ces quarante dernières années, j’ai effectué près de trente missions pour Médecins sans frontières au Soudan, au Yémen, en République démocratique du Congo et en Haïti, qui comptent parmi les pays où les violences à l’égard des populations sont incommensurables. Pour autant je n’étais pas préparé à affronter l’enfer qu’est Gaza lors de mes deux missions, en juillet et décembre 2024, d’abord avec la Croix-Rouge internationale puis avec Palestine Médical (PalMed).

A Gaza, j’ai été confronté à la chirurgie de guerre la plus brutale que je n’ai jamais pratiquée auparavant, même au plus fort de la guerre au Yémen : arrivées constantes, massives et simultanées de vingt à vingt-cinq blessés qui obligent à pratiquer un tri, afin de se concentrer uniquement sur ceux qui ont une chance raisonnable de survivre. Pratique choquante, non éthique, mais la seule à même de permettre de sauver le plus grand nombre, sachant que nous n’avions que deux blocs opératoires dans l’hôpital où j’étais affecté.

Je suis étonné d’être toujours debout, sans avoir à recourir à un suivi psychologique.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette flottille qui partira à la fin du mois d’août ? Pouvez-vous dire combien de bateaux s’élanceront vers Gaza, d’où ils partiront, combien de pays seront représentés ?

Il s’agit d’un mouvement citoyen qui fait suite à l’initiative internationale que nous avions réalisée lors de la Global March to Gaza, au mois de juin. Nous n’avons pas pu briser le blocus par voie terrestre alors nous le ferons par voie maritime. Nous répondons à l’appel de plus de 2 millions de Palestiniens qui subissent un blocus humanitaire en plus des bombardements. 

Une coalition internationale a été créée entre les marcheurs du mois de juin, des membres des flottilles de la liberté et du SUMUD, ce convoi terrestre qui était parti pour rejoindre les marcheurs au Caire ainsi que Sumud Sunantara (Asie du Sud-Est).

Nous avons le devoir d’agir, car il est illégal d’exercer un blocus total et d’intercepter des bateaux dans les eaux internationales comme peut le faire Israël.
C’est en tant que délégation française que nous prenons part à cette coalition internationale qui rassemble les sociétés civiles de plus de 40 pays. 

Au total il s’agit de plus de 5 000 personnes et de plus de 60 nationalités différentes qui participent à l’organisation et à la préparation de ces flotilles, qui seront plusieurs dizaines au départ de ports méditerranéens et à destination de Gaza.

Pouvez-vous révéler l’identité de certaines personnalités qui seront à bord ?

Greta Thunberg, militante pour la justice climatique reconnue à l’échelle internationale, participera à la mission. Pour le moment, pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons diffuser les noms des autres personnalités.

Et quel sera le rôle et la place des activistes français dans cette démarche ?

Tous comme les citoyens engagés et les activistes internationaux, nos activistes français ont pour but d’être solidaires avec les Gazaouis, une population génocidée depuis 21 mois, dénoncer les injustices, et acheminer l’aide humanitaire à Gaza par voie maritime.

Nous rappelons que c’est une initiative de la société civile et que les activistes français auront une place égale à toutes les personnes, tous les citoyens, quelle que soit leur implication dans les actions pour la Palestine.

Il ne s’agit pas d’un mouvement d’activistes mais d’une action citoyenne pour toutes les personnes sensibles à la vie humaine, partageant des valeurs d’entraide, de solidarité, et qui refusent de voir 1 million d’enfants mourir en restant silencieux. C’est un appel à toute la société française que nous lançons, pour nos valeurs communes, pour le respect du droit international et parce que chaque vie compte.

Les participants auront la même place que ceux des autres pays. Le processus de recrutement est coordonnée à une échelle globale, de manière à répartir les nationalités et fonction de chaque personne sur les bateaux de manière globale.

Nous travaillons de manière collective et horizontale, aucune personne à terre ou sur les voiliers ne participe à titre individuel : nous sommes un collectif et, à ce titre, nous sommes engagés quotidiennement dans un travail collaboratif et nous sommes tous alignés sur le sens de notre mission et de son objectif pour le porter d’une même voix de manière collégiale. Pour le moment, aucune personne n’a la garantie de monter sur un bateau, il y aura des critères spécifiques et une mixité des pays sur chaque voilier.

Ainsi, même ceux qui sont à l’initiative de ce projet avec des postes à responsabilité n’ont pas la garantie de monter sur un bateau. Cela est stipulé à chaque personne qui s’engage et nous avons tous adhéré à cela. C’est la cause et la mission qui comptent et non les intérêts individuels.

Avez-vous des liens avec des personnes ou des associations présentes à Gaza ?

Oui, et ce bien avant le début du génocide en cours. Nous sommes en lien avec la population gazaouie afin de la soutenir moralement, psychologiquement et nous partageons avec elle les actions de solidarité que nous menons à travers le monde entier.

Nous nous organisons pour faire parvenir de l’aide humanitaire à travers des associations accréditées par l’ONU.

Le cœur de notre action se situe à Gaza car c’est la voix des Palestiniens que l’on veut faire entendre. La coalition internationale a donné une place privilégiée à de nombreux Palestiniens qui guident nos pas et nos actions. Ils sont le commencement et ils sont la finalité de notre action. Nous sommes ici au service de ceux qui sont invisibilisés.

Nous ne venons pas « sauver les Gazaouis ». Nous venons à leurs côtés pour faire entendre leur voix et pour lancer un appel au monde. Aujourd’hui c’est aussi le droit international, les droits humains et l’humanité qui meurent à Gaza.

Certains adversaires de la cause palestinienne répètent que ses bateaux n’ont aucune chance d’arriver à Gaza, et que le seul but de ceux qui embarquent est de se mettre individuellement en avant. Que leur répondez-vous ? Quels sont vos objectifs ?

Aujourd’hui, nous n’avons pas « d’adversaires » car nous agissons pour la justice, pour la paix et pour la vie humaine. Ceux qui s’opposent à cela ne sont pas en lutte contre nous, mais contre leur propre humanité.

Aujourd’hui nous avons le devoir de briser ce blocus, nous avons essayé par la terre, nous essayons par la mer. Jamais dans l’histoire autant de citoyens de pays différents se sont réunis pour organiser une opération de cette complexité logistique en aussi peu de temps, et rien que cela c’est une réussite. Au fur et à mesure des actions, notre mouvement global se renforce et est capable d’organiser des actions de plus grande ampleur. On ne s’arrêtera pas à cette flottille, que des bateaux passent ou pas.

Les objectifs sont les suivants :

  • Acheminer une aide d’urgence : médicaments, matériel médical, denrées de survie,
  • Briser le blocus de Gaza par voie maritime et ouvrir un corridor humanitaire,
  • Dénoncer le silence international face aux crimes de guerre et à la catastrophe humanitaire,
  • Montrer que la société civile peut agir là où les gouvernements ont échoué.

Et donc, quel bilan tirez-vous des campagnes qui ont accompagné les précédents bateaux qui ont tenté d’aller vers Gaza ? Et plus globalement des autres actions contre le blocus, comme la marche en Egypte et le convoi qui s’était élancé du Maghreb pour dénoncer le blocus ?

La force de cette coalition est de pouvoir bénéficier de l’expérience des flottilles de la liberté, des marcheurs et de coordinateurs de la Global March to Gaza et d´organisateurs et de participants du SUMUD.

Nous gardons tous la conviction qu’il est nécessaire d’agir et qu’en étant unis et solidaires dans une action commune nous pouvons sensibiliser le monde à la situation à Gaza.

Nous sommes persuadés que nous pouvons réaliser une action historique en créant un corridor humanitaire. Nous continuons à travailler au sein de groupes de travail internationaux, réunissant des centaines de personnes aux compétences multiples.

Chaque pays a intégré dans les groupes de travail ses plus grands experts en logistique, en sécurité, en communication et des centaines de bénévoles qui, depuis des semaines, partagent leurs connaissances et leurs compétences pour les mutualiser à l’échelle internationale.

Leur humilité et leur engagement nous transportent et nous sommes tous animés par le sentiment fédérateur que nous ne sommes pas seuls à refuser de voir le peuple palestinien subir un génocide. Ensemble, nous pouvons faire la différence. Prenons tous notre part.

Par ailleurs, cette semaine, plus de vingt Israéliens ont embarqué sur un bateau qui s’est rapproché des côtes de Gaza. Ils ont notamment accusé Netanyahou de mettre en danger leurs proches retenus en otage à Gaza. Êtes-vous solidaire de cette démarche ?

Nous avons vu cette information dans les médias. Nous appelons toutes les consciences humaines à porter une indignation totale et globale envers les opprimés et victimes d’injustices de toute nationalité. Nous condamnons fermement les pratiques hors cadre du droit international.

Néanmoins, nous aimerions connaître le positionnement de cette flottille concernant les dizaines de milliers de civils palestiniens tués, les détenus palestiniens dans les geôles israéliennes, le génocide en cours et le blocus humanitaire.

Dernière question : comment pouvons-nous vous soutenir ?

Le succès de cette mission est aussi médiatique : plus la population nous soutiendra, plus nous seront protégés.

Nous avons besoin de visibilité pour :

  • Faire connaître cette action humanitaire coordonnée,
  • Mobiliser un soutien public et financier,
  • Encourager des personnalités à nous rejoindre à bord pour quelques jours ou toute la traversée.

Votre rôle en tant que journaliste sera essentiel pour rallier la société civile à l’envoi et au suivi quotidien de l’avancée de la flottille.

Vous pouvez contribuer de plusieurs manières :

  • En parlant de la flottille internationale dans vos journaux ou média de la flottille,
  • En co-organisant avec nous des événements solidaires,
  • En contribuant financièrement à l’achat des bateaux,
  • En rejoignant l’équipe de skippers, médecins, juristes et membres de la société civile pour une visibilité protectrice.

Merci beaucoup de nous avoir répondu. Souhaitez-vous ajouter une dernière chose ?

La flottille qui partira vers Gaza sera la plus grande flottille humanitaire jamais affrétée dans l’histoire de l’humanité. Il s’agit d’une action historique qui prouve que les citoyens peuvent faire la différence, ensemble on peut écrire l’histoire…

11 août 2025 – Transmis par le rapporteur.

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