
2 juillet 2025 - Des mères font leurs adieux à leurs enfants et à leurs maris qui ont été tués alors qu'ils tentaient de trouver un minimum de nourriture à Rafah - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Jawa Ahmad, Jeremy Scahill
Netanyahu a envoyé une délégation de rang inférieur pour négocier au Qatar, mais toutes les parties savent que la décision finale reviendra à Trump.
Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu entame une série de réunions avec le président Donald Trump et d’autres hauts responsables américains à Washington, D.C., les négociations indirectes entre le mouvement Hamas et Israël actuellement en cours à Doha, au Qatar, n’ont enregistré « aucun » progrès, selon un haut responsable du Hamas qui s’est entretenu avec Drop Site.
S’adressant aux journalistes dimanche, Trump a insisté sur le fait qu’un accord était toujours à portée de main. « Je pense qu’il y a de bonnes chances que nous parvenions à un accord avec le Hamas… au cours de la semaine prochaine », a-t-il déclaré.
La délégation israélienne arrivée dimanche à Doha n’est pas habilitée à prendre de décisions. Le négociateur en chef de Netanyahu, Ron Dermer, n’est pas au Qatar, et l’équipe est dirigée par le chef adjoint des services de renseignement Shin Bet.
Selon le responsable du Hamas, la partie israélienne semble être venue à Doha avec pour seule mission de réitérer la demande d’Israël que le Hamas accepte les conditions de Tel-Aviv pour un cessez-le-feu temporaire.
« Nous travaillons à la conclusion d’un accord selon les termes que nous avons convenus. J’ai envoyé une équipe de négociation avec des instructions claires, et la discussion avec le président américain Donald Trump peut certainement faire avancer le résultat que nous espérons tous », a déclaré Netanyahu avant de partir pour les États-Unis.
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« Je tiendrai tout d’abord à le remercier pour son engagement sans faille envers Israël. Nous n’avons jamais eu un tel ami à la Maison Blanche. »
Dimanche, lors de la première journée des « pourparlers de proximité » – au cours desquels les négociateurs israéliens et palestiniens communiquent par l’intermédiaire de médiateurs du Qatar et d’Égypte –, la délégation israélienne a catégoriquement rejeté la proposition du Hamas visant à permettre l’entrée de grandes quantités d’aide à Gaza dès la signature d’un accord et à confier sa distribution aux Nations unies et au Croissant-Rouge palestinien.
« Israël insiste sur son mécanisme de distribution de l’aide humanitaire, ces « pièges mortels » », a déclaré un responsable du Hamas.
« Cela est inacceptable pour le mouvement [Hamas] ».
Le bureau de Netanyahu a publié un communiqué affirmant que « les pourparlers à Doha se poursuivent et progressent ».
Comme l’a rapporté Drop Site dimanche, le Hamas a soumis le 4 juillet une série d’amendements à un accord de cessez-le-feu temporaire que Trump a qualifié de « proposition finale ».
Parmi les conditions que le Hamas souhaite voir modifiées figurait le retour au processus de distribution de l’aide prévu dans l’accord de cessez-le-feu initial entré en vigueur le 19 janvier.
Israël a violé unilatéralement cet accord après 42 jours et a repris sa guerre génocidaire.
La proposition soutenue par Trump comprenait des termes vagues qui auraient permis à Israël de garder le contrôle total de l’aide à Gaza et n’auraient autorisé que la participation de l’ONU et du Croissant-Rouge, sans leur permettre de la gérer.
Des sources proches de l’équipe de négociation palestinienne ont déclaré à Drop Site que le Hamas accordait la priorité à la question de l’aide à Gaza en raison des conditions effroyables auxquelles est confrontée la population et des meurtres quotidiens de Palestiniens qui se rassemblent pour recevoir les maigres rations distribuées par le programme américain et israélien connu sous le nom de Gaza Humanitarian Foundation.
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« Les crimes de l’occupation sioniste contre des civils sans défense dans la bande de Gaza se poursuivent à travers le mécanisme d’aide meurtrier, qui s’est transformé en pièges mortels gérés par les forces d’occupation sous couvert américain, augmentant le nombre quotidien de morts et révélant la nature criminelle de ce système », a déclaré le Hamas dans un communiqué publié lundi.
« Nous soulignons la nécessité de revenir à des mécanismes internationaux, sous la supervision des Nations unies et de ses institutions spécialisées. »
Le Hamas a également demandé aux États-Unis des garanties plus claires selon lesquelles Trump obligerait Israël à maintenir un cessez-le-feu au-delà de 60 jours afin que les négociations puissent aboutir à un cessez-le-feu à long terme et à la fin du génocide.
De plus, le Hamas a proposé de modifier le libellé du cadre proposé afin de garantir que les troupes israéliennes se retirent et redéploient leurs forces conformément aux cartes et aux positions convenues dans l’accord de janvier.
Avant de partir pour Washington dimanche, Netanyahu a déclaré que les propositions du Hamas étaient « inacceptables pour l’État d’Israël ». Il a ajouté qu’Israël poursuivrait « la destruction des capacités militaires et gouvernementales du Hamas. Le Hamas ne sera plus là ».
Selon les médias hébreux, Netanyahu aurait fait pression sur l’armée israélienne pour qu’elle accélère la création de ce qu’il appelle une « ville humanitaire » dans le sud de Gaza dans le cadre des plans « pour l’après » d’Israël.
Dans cette configuration, Israël occuperait indéfiniment une partie de la bande de Gaza le long de sa frontière avec l’Égypte, entre le couloir de Philadelphie et ce qu’Israël appelle le couloir de Morag.
Israël créerait une grande ville de tentes avec quelques structures permanentes afin de forcer la majeure partie de la population palestinienne de Gaza à s’installer dans cette zone. L’objectif déclaré serait de « séparer » la population des combattants du Hamas dans le reste de l’enclave.
« Selon ce plan, la majeure partie de l’aide humanitaire qui arrivera à Gaza après l’interruption des combats sera transférée là-bas, dans l’espoir que la concentration même de l’aide dans ce complexe conduira également à la concentration de la majeure partie de la population gazaouie dans cette zone », selon un article publié dans YNet.
Citant des sources proches du projet, le média affirme qu’« une fois la population concentrée, des mécanismes seront mis en place pour encourager la migration volontaire des habitants de Gaza vers des pays tiers situés en dehors de la bande de Gaza ».
Le ministre de la Défense israélien, Israel Katz, a déclaré lundi que le projet initial serait de forcer 600 000 Palestiniens d’Al Mawasi, une zone située le long de la côte ouest de Gaza où un grand nombre de Palestiniens ont été parqués par Israël, à se rendre dans cette zone.
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Katz a déclaré que la construction pourrait commencer pendant un éventuel cessez-le-feu de 60 jours et qu’Israël allait de l’avant avec « le plan d’émigration [d’expulsion], qui sera mis en œuvre ».
Reuters a rapporté lundi que la Fondation humanitaire de Gaza avait également proposé la construction de camps appelés « zones de transit humanitaire ».
La proposition, d’un montant de 2 milliards de dollars, a été soumise à l’administration Trump et « récemment discutée » à la Maison Blanche. Netanyahu a toujours qualifié son objectif déclaré de nettoyage ethnique de la population palestinienne de Gaza de « plan Trump ».
« Cela fait partie de la stratégie de guerre [d’Israël] et n’a rien à voir avec l’aide humanitaire », a déclaré le responsable du Hamas. Si Israël insiste, pendant les négociations de cessez-le-feu, pour maintenir sa domination sur l’aide à Gaza, en particulier si Trump soutient la position de Netanyahu selon quoi l’ONU ne devrait pas être en charge, cela pourrait être fatal à la conclusion d’un accord.
Le contrôle de l’aide « pourrait faire capoter l’accord », a déclaré à Drop Site une source palestinienne proche des négociations. Mais, a-t-il averti, la conclusion d’un accord ne dépend pas de ce que diront les négociateurs israéliens à Doha, mais repose entièrement sur ce qui se passera lors des réunions de Netanyahu à Washington, D.C., avec Trump et l’envoyé spécial Steve Witkoff.
« Tant que Witkoff et Trump ne se seront pas prononcés sur ces questions, [les Israéliens] ne bougeront pas. Et quoi que les Américains leur disent, ce sera la ligne à suivre », a déclaré la source.
« Il s’agit simplement d’une tournée de propagande au cours de laquelle ils tentent de faire croire aux Palestiniens, au monde entier et à leur propre peuple qu’ils négocient et essaient de voir s’ils peuvent aboutir à quelque chose. Mais le résultat final sera celui qui sera obtenu aujourd’hui et demain à Washington. Ce qui compte, ce n’est pas ce qui se passe [avec les négociations] à Doha. »
Dimanche, Witkoff s’est exprimé devant un groupe de dirigeants juifs dans les Hamptons. « J’espère qu’Israël mettra fin à la guerre », a déclaré Witkoff. « Il y a une grande dynamique en faveur de l’accord. Les choses évoluent dans la bonne direction. »
Il a affirmé que Trump « changerait le visage du Moyen-Orient » et a ajouté : « L’engagement de Trump envers Israël est sans équivoque. »
La proposition soutenue par Trump est remplie de termes et de formulations vagues dont Israël pourrait facilement tirer parti.
Cette proposition permettrait à Israël de reprendre son offensive militaire sur Gaza après 60 jours et préserverait son contrôle total sur l’aide et sa distribution, même si elle autorise l’ONU et le Croissant-Rouge à y participer.
Les forces israéliennes resteraient probablement retranchées en profondeur dans Gaza, car les négociations sur le retrait et les cartes de redéploiement devraient en fait repartir de zéro.
Même si le Hamas parvient à modifier l’accord, les responsables israéliens ont affirmé que Trump donnerait à Netanyahu une « lettre d’accompagnement » l’autorisant à reprendre la guerre si le Hamas refusait de démilitariser et d’exiler ses dirigeants.
* Jawa Ahmad est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de Drop Site News.Auteur : Jeremy Scahill
* Jeremy Scahill est journaliste à Drop Site News, cofondateur de The Intercept, auteur des livres Blackwater et Dirty Wars. A fait des reportages en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen, etc...
Auteur : Jawa Ahmad
7 juillet 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine
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