La fête est finie! Le sionisme doit être démantelé!

12 mai 2023 - Après avoir déjà perdu sa maison pendant la Nakba, un homme âgé appartenant à la famille Taha inspecte les ruines de sa maison, qui a été détruite par une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza. La maison abritait 53 personnes. Les raids israéliens sur la bande de Gaza assiégée se sont poursuivis pour la cinquième journée, faisant au moins 33 morts parmi les Palestiniens, dont des enfants, des personnes âgées et des membres des groupes de résistance armés palestiniens qui ont riposté aux attaques. 73% des habitants de la bande de Gaza sont des réfugiés des villes du sud de la Palestine, qui ont subi un nettoyage ethnique en 1948, lors de la Nakba - Photo : Mohammed Zaanoun, Activestills

Par Ghada Karmi

Dr Ghada Karmi, auteure et universitaire palestinienne estimée, appelle le monde à se lever et à mettre fin à l’oppression systématique du peuple palestinien par Israël.

Transcription – Vidéo originale.

La fête est finie. Ce n’est pas comme d’habitude. Comme le dit la chanson, la fête est finie. Il est temps de siffler la fin. Concrètement. Ce que ceci a suscité c’est un questionnement profond chez les gens qui doivent se demander où ils se situent sur la question du mal ? Car je crois que ce nous voyons à Gaza c’est le mal incarné.

Il n’y a pas d’autre description possible. Il y a une sorte de déshumanisation délibérée des Palestiniens qui permet aux Israéliens en fait d’y prendre plaisir, et de croire que c’est justifié. On assiste à un niveau de déshumanisation de l’autre qui est vraiment pathologique. Comment peut-on laisser faire cela ?

Comment expliquer que ceux là même qui soutiennent Israël continuent de le soutenir malgré ces horribles crimes qu’Israël commet ? Qu’est-ce que cela nous dit ? Pas seulement de ces états, mais du monde dans lequel nous vivons, qu’est-ce-que cela en dit ? Vraiment, est-ce un monde dans lequel le meurtre gratuit de jeunes enfants, la destruction des maisons, l’organisation de la famine, sont tout à fait acceptables au point que vous pouvez les ignorer, est-ce bien ça ? est-ce là le monde dans lequel nous vivons ?

L’attaque de Gaza a été réellement horrible à voir pour moi, non seulement elle me rappelait des souvenirs traumatisants de l’époque où nous sommes partis, mais j’ai alors pris conscience que nos souffrances, bien que je les aie considérées très grandes tout au long de ma vie, n’étaient presque rien comparées à celles infligées aux habitants de Gaza.

Je suis née à Jérusalem avant 1948 dans un quartier appelé Katomon, qui était cosmopolite à l’époque. Des familles juives, des familles chrétiennes, des familles étrangères y vivaient. Et puis en avril 1948 est venu le jour où nous avons quitté la maison de Katamon à Jérusalem, et il s’est avéré pour toujours. Nous ne le pensions pas à ce moment-là.

Mes parents pensaient que nous étions seulement évacués parce que la situation était dangereuse et que les milices juives tiraient sur les gens dans la rue depuis des bâtiments vides. Nous nous sommes bien trompés ! Rien n’a plus jamais été pareil. Pour nous en avril 1948 c’était fini, nous n’avions plus notre place dans notre pays, dans notre ville, dans notre maison. Tout ça c’était fini. Notre maison était un pavillon à un étage, comme toutes les maisons de Katamon, et un deuxième étage lui a été ajouté, qui n’avait jamais n‘existé auparavant, et j’ai découvert qu’il avait été acheté au début des années 1980 par le New York Times pour les chefs de leur bureau, et plus bizarre encore c’est le déni et l’inquiétude que j’ai constatés lorsque je me suis entretenue avec le chef de bureau de l’époque, c’était en 2005, il avait peut-être mauvaise conscience, je ne sais pas mais il m’a invitée, et m’a dit, je pense, je crois que je vis au-dessus de votre ancienne maison. Voudriez-vous venir voir ? Je n’ai pu résister, vraiment.

Ainsi, nous voici en train de prendre un verre, alors je lui ai dit, excusez-moi, je dois vous demander quelque chose. Et bien, vous savez, pertinemment que vous vivez au-dessus de ma maison, notre ancienne maison, et que si vous êtes ici c’est parce que nous n’y sommes pas. Aussi, qu’est-ce que ça vous fait ? Et il a paru mal à l’aise, il a commencé à se contorsionner. Et j’ai dit, non, non, j’ai dit, vous savez ce qu’il s’est passé ici, vous le savez mieux que quiconque. Soutenez -vous vraiment toujours Israël ? N’avez-vous rien à dire à ce sujet ? Qu’en pensez-vous ?

Il refusait de se laisser aller sur ce terrain. Il était mal à l’aise. Il était mécontent. Il voulait changer de sujet. Il voulait faire tout ce qui était possible pour passer à autre chose, pourrait-on dire. C’était la maison, et c’est là la réalité. Et elle est toujours là et c’est toujours la résidence des chefs du bureau du New York Times.

Israël a été le produit d’une idéologie politique appelée le sionisme. Et le sionisme quoi qu’il puisse signifier d’autre et quelle que soit la façon dont il est interprété, se résume en fin de compte à la création et au maintien d’un état pour les juifs, ou au moins pour une majorité de juifs sur son territoire. Et a eu pour effet toutes les caractéristiques que nous associons à Israël, agression, militarisme, avidité, destruction des biens et des populations qui se trouvent sur sa route.

C’est exactement cela. Aussi il n’est pas possible pour quelqu’un qui soutient le sionisme de se croire moral, humain et juste. C’est impossible. Le sionisme s’avère très puissant, il produit un effet extrêmement puissant principalement sur les juifs mais aussi sur les non-juifs parce que les gens qui ont créé Israël ont trouvé une idée géniale, comment inclure les histoires de l’Ancien Testament, des anciens israélites, de les inclure dans la quête d’un état moderne, et c’était simplement un coup de génie à mon avis. Elle a converti les chrétiens, l’Occident chrétien à l’idée de quelque chose appelé un état juif et le reste a suivi.

Très simplement, un groupe de personnes qui croient qu’elles ont un droit à l’autodétermination et un endroit à elles, très bien. Elles peuvent le croire tant que la création d’un état qui leur soit propre et la pratique de leur autodétermination ne se fassent pas aux dépends d’autres. C’est exactement ce qui est au cœur du problème.

C’est ce qui est au cœur de l’antagonisme palestinien à l’égard du sionisme. Vous voulez être sioniste ? Vous pouvez l’être sur la lune, en ce qui me concerne. Mais vous ne venez pas le mettre en œuvre dans mon pays, et à mes dépends. Quelle sorte d’humanité est-ce là ? Où sont les principes ? Et la moralité dans tout ça ?

Vous savez ça me touche profondément. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le monde d’aujourd’hui. Comment se fait-il que l’on permette que ce type de conditions effroyables existent ? Qu’on y contribue et les encourage, ce qui est le cas en ce qui concerne Israël des états occidentaux qui eux-mêmes professent d’adhérer à tous les principes d’humanisme et d’humanité, au droit international et de les soutenir, et qui clairement ne soutiennent pas ces principes, sont clairement des hypocrites.

La création d’Israël était un crime. Je ne peux la décrire autrement parce qu’elle a signifié l’expulsion et la dépossession des habitants de Palestine. Ça, c’est la première chose. La deuxième, c’est qu’elle a entraîné des guerres, de l’instabilité, des conflits, une déformation du développement des pays arabes et du Moyen-Orient dans son ensemble.

Si Israël avait pu être créé, quelque part dans, je ne sais pas, dans un espace vide où personne n’aurait souffert et n’aurait eu à en payer le prix, alors pourquoi pas. Mais la réalité n’est pas celle-là. Israël a été créé aux dépends d’autres personnes et se maintient et survit jusqu’à ce jour toujours aux dépends d’autres personnes. Cela est lié à l’état. Un état qui a été fondé délibérément pour servir de bras armé à l’impérialisme occidental, qui est agressif, et qui constitue un gros problème pour la région.

Ensuite, un état qui est un état d’apartheid, qui pratique l’apartheid. Et finalement, un état prêt à commettre et manifeste la cruauté démente que nous voyons à Gaza. Franchement ? Est-ce qu’on veut qu’un tel état perdure ? Je dirais que la réponse est définitivement non. On ne veut pas d’un état comme celui-là. On veut démanteler la structure d’un tel état. Afin qu’il cesse d’être un état d’apartheid, qu’il cesse d’être un état belliqueux, agressif, guerrier. C’est ce dont nous avons besoin. Si l’armée israélienne déposait les armes demain et l’aide arrivait en urgence à Gaza et que la population de Gaza pouvait manger, etc.

Ce ne serait pas la fin de l’histoire. Le seul avenir viable pour cette partie tourmentée du monde, c’est pour les Israéliens qui veulent vivre entre le fleuve et la mer et les Palestiniens qui vivent actuellement entre le fleuve et la mer, plus tous les Palestiniens qui ont été expulsés et vivent dans des camps de réfugiés ou en exile, des gens comme moi, la seule voie possible pour eux c’est de partager cette terre entre le fleuve et la mer. Ça me semble être la seule solution raisonnable et la seule voie à suivre raisonnable, en plus d’être, humaine et démocratique et juste.

Aussi, c’est le sujet du livre que j’ai écrit. Bien sûr, après le 7 octobre et la fenêtre ouverte sur cette âme noire de l’armée israélienne, et du gouvernement israélien et de la population Israélienne, j’ai commencé à me demander, vraiment ? Est-ce cela l’avenir ? Est-ce ce que je veux ? Pour nous Palestiniens qui avons tant souffert et depuis si longtemps d’accueillir ces gens qui pensent ainsi, qui en fait pratiquent ce type de cruauté, bien sûr ça m’a fait hésiter.

Pourtant, à condition que les Palestiniens restent en Palestine et qu’Israël ne reçoive pas d’aide des pays occidentaux pour expulser les Palestiniens, elle demeure le seul moyen d’avancer. Elle n’est possible qu’avec un groupe de gens, des juifs israéliens qui se sont débarrassés de l’idée de suprématie, de caractère spécial, de peuple choisi. Ils doivent abandonner ces idées. Ils doivent comprendre qu’ils sont des gens comme les autres, et que d’autres méritent le genre de belle vie que les Israéliens mènent depuis 1948.

C’est pourquoi je continue de parler de la nécessité de démanteler le sionisme, d’éliminer ces idées suprémacistes selon lesquelles vous êtes spécial et tout vous est dû. C’est pourquoi je lance un appel aux personnes très sensibles à ce qu’il se passe à Gaza, qui veulent soutenir les Palestiniens. C’est ainsi qu’on peut les soutenir, les soutenir sur la voie de cet objectif, et ceci impliquera d’une part d’affronter votre propre gouvernement en Occident, de lui demander des comptes pour le soutien qu’il apporte à l’actuel état d’apartheid israélien, et d’autre part de soutenir la lutte des Palestiniens pour l’égalité et le droit à leur patrie.

S’il vous plait ne renoncez jamais. Cela arrivera. Nous gagnerons. Ne renoncez pas. Vous devez combattre, et combattre avec énergie, avec la conviction qu’à la fin nous réussirons parce que nos objectifs sont moraux, ils sont justes, ils sont humains et parce que c’est de la seule manière que nous, c’est-à-dire vous et vos enfants ou moi, à mon âge, c’est la seule manière dont je voudrais vivre.

22 mars 2025 – Palestine Deep Drive – Traduction : Chronique de Palestine – MB

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