La distribution d’aliments dans le système israélo/US permet les enlèvements et les meurtres

29 mai 2025 - Au risque de leur vie, les Palestiniens affluent vers le point de distribution d'aide dans le corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza - Moiz Salhi – Anadolu

Par Tareq S. Hajjaj

Mardi, des milliers de Palestiniens désespérés se sont rendus à Rafah où la nouvelle Fondation humanitaire de Gaza distribuait des vivres et des aides tant attendus. Au lieu de ramener de la nourriture à leurs familles, certains ont trouvé la mort ou ont disparu.

Muhammad Imad Abdel Hadi s’est rendu de Khan Younis à Rafah le 27 mai pour trouver de quoi manger après avoir appris que la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), soutenue par les États-Unis et Israël, distribuait de l’aide dans la région de Tal al-Sultan.

Dans le chaos qui a éclaté au point de distribution, des Palestiniens affamés et désespérés ont pris d’assaut le site et ont forcé les mercenaires américains qui le gardaient à battre en retraite.

Muhammad était l’une des personnes qui avaient réussi à obtenir un colis alimentaire pour sa famille. Il était sur le chemin du retour, ravi de cette bonne nouvelle, lorsque l’armée israélienne l’a tué avant qu’il n’ait pu la livrer.

La mère de Muhammad, Rehab Abdel Hadi, vêtue de noir, soutien désormais le cercueil de son fils à l’hôpital Nasser de Khan Younis et marche dans le cortège funèbre. Tenant le cercueil d’une main et posant l’autre sur sa poitrine, elle parle à voix haute en marchant vers le cimetière : « Mon fils aîné est mort. La lumière s’est éteinte dans mes yeux. »

Rehab déplore que son fils aîné soit parti chercher de la nourriture pour la famille, qu’il soit parti sur ses propres jambes puis ait été ramené sur les épaules de ses amis.

Comme beaucoup d’autres dans les centres de déplacement, Muhammad et un groupe d’amis et de voisins se sont rendus au point de distribution, désespérés de trouver de quoi nourrir leurs familles.

Ensemble, ils ont rassemblé des cartons de nourriture et sont repartis. Sur le chemin du retour, ils se sont séparés près de la zone de Jizan al-Najjar, le long de la route de Salah al-Din, entre Khan Younis et Rafah. Ahmad al-Qadi, l’un des amis qui accompagnait Muhammad, a été le premier à arriver chez lui.

Quelques instants plus tard, Ahmad a entendu une explosion près de chez lui. Il a regardé alentour et s’est rendu compte que le groupe qu’il venait de quitter avait été pris pour cible par un drone israélien. Muhammad était parmi eux.

Al-Qadi a déclaré que la frappe avait eu lieu à environ un demi-kilomètre du point de distribution de l’aide, où ils avaient reçu les boîtes de nourriture.

« Nous avions obtenu cette aide avec beaucoup de difficulté », a-t-il déclaré dans son témoignage pour Mondoweiss. « Quelques minutes après être entré chez moi, j’ai entendu le bruit du missile du drone. »

La scène poignante à laquelle al-Qadi a assisté rappelait les images du « massacre de la farine » de mars 2024. « J’ai regardé vers la rue et j’ai vu Muhammad et les autres gisant sur le sol, déchiquetés, avec des boîtes de nourriture éparpillées autour d’eux », a-t-il raconté.

Trois morts et sept disparus après l’incident de Rafah

Mardi, Muhammad Abdel Hadi faisait partie des milliers de Palestiniens qui se sont rendus à Rafah pour recevoir des colis alimentaires qui devaient être distribués par le GHF.

À la suite de l’assaut du site, des informations ont commencé à faire état d’enlèvements de personnes qui faisaient la queue pour recevoir de l’aide, comme l’a rapporté Drop Site News.

Plusieurs autres cas ont été signalés de personnes qui ont quitté leur abri pour aller chercher de l’aide pour leur famille et qui ne sont jamais revenues, leur sort restant inconnu.

Le Centre palestinien pour les personnes disparues et victimes de disparitions forcées [PCMFD], une organisation indépendante nouvellement créée dans la bande de Gaza, a publié mardi soir un communiqué confirmant que certaines personnes qui s’étaient rendues au point de distribution américain pour recevoir de la nourriture sont désormais portées disparues.

« Nous suivons avec inquiétude la disparition de plusieurs citoyens qui se sont rendus cet après-midi à un point de distribution de l’aide américaine à Rafah, au sud de la bande de Gaza », indique le communiqué du Centre. « Nous n’avons encore aucune information confirmée sur leur sort. »

Le Centre a tenu « l’occupation israélienne pour entièrement responsable » et a exigé que le sort des personnes disparues soit immédiatement révélé.

Le bureau des médias du gouvernement de Gaza a fait écho à ces informations mardi, déclarant que sept personnes avaient disparu après l’incident de Rafah.

Le bureau des médias a également déclaré que les forces israéliennes avaient commis un « massacre » au centre de distribution géré par le GHF, tuant trois civils et en blessant 46 autres.

Outre Muhammad Abdel Hadi, le bureau des médias a identifié les deux autres victimes tuées comme étant Khalil Ashraf Khalil Musa et Ashraf Anwar Khalil Musa.

On ne sait pas encore comment Khalil et Ashraf Musa ont été tués, ni s’ils ont été tués au point de distribution de l’aide ou de la même manière qu’Abdel Hadi, qui a été pris pour cible alors qu’il rentrait chez lui après avoir obtenu un colis d’aliments.

« Cela s’est produit lors d’un rassemblement à l’intérieur des soi-disant « centres de distribution d’aide » gérés par l’occupation israélienne dans ce qu’on appelle les « zones tampons », a déclaré le Bureau des médias, faisant référence aux parties érasées de Gaza à Rafah qui ont été complètement prises par l’armée israélienne.

« Les forces d’occupation israéliennes, présentes dans ou autour de ces zones, ont tiré à balles réelles sur les civils affamés qu’elles avaient invités à venir recevoir de l’aide, alors même que le besoin urgent de nourriture les avait poussés à se rendre sur ces sites. »

La distribution d’aide à la population affamée de Gaza par l’organisation soutenue par les États-Unis s’inscrit dans le cadre du plan israélien visant à contrôler l’acheminement de l’aide aux Palestiniens.

L’objectif du plan israélien, qui consiste officiellement à empêcher le Hamas d’accéder à l’aide, est en réalité un moyen de concentrer la population de Gaza dans des ghettos isolés et d’utiliser l’aide comme appât pour l’y attirer.

« Je suis venue quand même parce que la faim est impitoyable »

Mardi, les jeunes hommes capables de porter des cartons d’aide n’étaient pas les seuls à se rendre au point de distribution. Tous ceux qui avaient entendu dire que de la nourriture était disponible se sont précipités sur place, poussés par la faim qui touche la majeure partie de la population.

Samira Abu Khammash, mère de huit enfants, s’est rendue au point de distribution malgré son épuisement et plusieurs maladies chroniques. Entendant des coups de feu avant d’arriver sur place, elle a rapidement fait demi-tour et est retournée vers ses enfants les mains vides.

« J’ai des enfants blessés et une fille handicapée de 19 ans », a ajouté cette mère de huit enfants. « Je ne peux ni la nourrir ni subvenir à ses besoins. Nous sommes épuisés à force de chercher du pain sans en trouver. »

Abu Khammash a décrit ce qu’elle a vu en approchant du point de distribution, expliquant que la foule avait poussé jusqu’à démolir la clôture qui entourait la zone. Au moment où les gens commençaient à atteindre les cartons d’aide, elle a entendu des coups de feu.

« Les gens ont pris d’assaut les lieux et tout le monde s’est mis à courir », a déclaré Abu Khammash. « Nous avons entendu des coups de feu intenses. Nous ne savions pas d’où ils venaient, mais nous avons fui par crainte de mourir. »

« Je suis allée à Rafah pour chercher de la nourriture pour mes enfants, comme tout le monde, même si je suis malade. Je souffre de diabète et d’hypertension. J’ai perdu un œil lorsque l’armée israélienne a bombardé ma maison à Khan Younis », a raconté Abu Khammash.

« Je peux à peine marcher, mais je suis venue quand même, car la faim est impitoyable. »

Muhammad Eslayeh a recueilli des témoignages pour ce rapport.

28 mai 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine