Peut-on faire confiance aux États-Unis ?

Photo : Présidence irannienne
Le président iranien Hassan Rouhani - Photo : Présidence iranienne

Par Hassan Rouhani

Le 8 mai, j’avais deux options à ma disposition lorsque le président Trump a annoncé le retrait officiel des États-Unis de l’accord nucléaire avec l’Iran, connu sous le nom de Plan d’action global conjoint (JCPOA).

J’aurais pu rendre la pareille et annoncé le retrait de l’Iran, ce qui allait certainement plonger la région dans l’insécurité et l’instabilité. Ou je pouvais envisager un court délai de grâce pour les autres parties [signataires] afin de compenser les effets négatifs de la décision des États-Unis sur ce précieux accord conclu après 12 années de négociations soutenues et difficiles.

Conformément à notre tradition de respect de l’état de droit et des normes du droit international, et pour préserver la paix et la sécurité dans la région, j’ai opté pour cette dernière option.

Les États-Unis s’attendaient à un retrait iranien immédiat qui lui aurait aisément permis de forger une alliance internationale contre l’Iran et de relancer automatiquement les sanctions de la précédente période. Notre action a plutôt contrecarré cette démarche. Les entretiens avec les autres signataires du JCPOA et leur réaffirmation de vouloir respecter l’accord ont placé les États-Unis dans une position isolée. Un fossé aussi grave entre les États-Unis et leurs partenaires européens sur une question de politique étrangère tout à fait cruciale était unique et sans précédent – ce qui, je peux le dire, prouvait que nous avions raison dans notre approche de l’accord nucléaire et par notre diplomatie proactive.

L’actuelle politique étrangère américaine à l’égard de l’Iran est en décalage avec les réalités sur le terrain – en Iran, dans la région et dans le monde. Je dirais que ce n’est même pas conforme aux intérêts nationaux américains. Alimentés par la désinformation et les fausses analyses de groupes terroristes et d’Israël, l’administration américaine est dans l’illusion que le recours à des sanctions conduira à des concessions de la part de l’Iran. Les Iraniens, pourtant, sont connus pour serrer les rangs et opposer une forte résistance aux pressions extérieures. Les États-Unis, par le biais de leur régime de sanctions généralisées, n’ont pas forcé les Iraniens à céder pendant la période précédant le JCPOA. Ce sont les États-Unis qui ont changé de tactique et ont opté pour des négociations.

Dans le cadre de nos actuels entretiens avec les autres participants au JCPOA, nous avons souligné que la sauvegarde des intérêts à long terme du peuple iranien était primordiale pour nous. Si ces intérêts peuvent encore être garantis malgré le retrait des États-Unis de l’accord, nous resterons dans l’accord; sinon, nous poursuivrons une ligne de conduite différente. Notre logique est simple et directe : soit tous les participants à l’accord en bénéficient, soit aucun. Garder le silence face à un harcèlement ouvert des États-Unis contre d’autres pays pour couper les relations économiques et commerciales avec l’Iran, en violation flagrante des règles établies du droit international, n’est tout simplement pas acceptable, et en rien une option pour nous.

L’offre de Trump de pourparlers directs avec l’Iran n’est ni honnête ni sincère. Comment pouvons-nous être convaincus de sa sincérité alors que son secrétaire d’État est allé jusqu’à établir, pour des pourparlers, une longue liste de conditions préalables ouvertement insultantes ? Pire encore, comment pouvons-nous faire confiance au gouvernement américain maintenant qu’il a officiellement renié ses engagements internationaux, notamment la résolution 2231 du Conseil de sécurité des États-Unis ? Comment l’Iran et d’autres pays peuvent-ils faire confiance aux États-Unis alors qu’ils menacent de punir d’autres pays pour la mise en œuvre de la même résolution américaine qu’il a parrainée et pour laquelle ils ont voté ? Le recours par les États-Unis à des sanctions contre l’Iran et le peuple iranien – qui notamment, rendent plus difficile l’accès de tout un chacun aux médicaments ou leur interdit de voyager en sécurité sur de nouveaux avions achetés par des transporteurs iraniens – est totalement injustifié et inacceptable. Reflets d’une haine et d’un esprit de vengeance, les prétentions du gouvernement américain à l’égard du peuple iranien sont creuses, hypocrites et peu convaincantes.

Je suis convaincu que le gouvernement américain devra changer de cap une fois de plus. Quoi qu’il en soit, nos discussions avec nos partenaires commerciaux vont bon train, nous faisant escompter un avenir prometteur pour nos interactions internationales. Il est maintenant devenu clair que la plupart des pays du monde s’opposent à l’unilatéralisme américain et détestent l’intimidation. Même si, à court terme, nous sommes confrontés à des difficultés dans nos relations économiques, nous tenterons, avec nos partenaires, de résoudre ces problèmes et ces jours-ci passeront.

Nous sommes attachés aux pourparlers et au dialogue – c’est la raison pour laquelle nous sommes entrés dans les négociations sur la question nucléaire en premier lieu et sommes parvenus à un accord solide et mutuellement bénéfique. La preuve des bonnes intentions de toutes les parties à l’accord, en particulier des États-Unis, réside dans le respect total et honnête de ses dispositions. Il est de notoriété publique que lors des négociations sur le dossier nucléaire, notre chef suprême a déclaré que l’honnêteté de l’autre partie ouvrirait la voie à de nouvelles discussions sur des questions d’intérêt mutuel. L’approche dépourvue de sincérité de Washington à l’égard de la mise en œuvre de l’accord, depuis le premier jour jusqu’à sa dénonciation illégale, est révélatrice du manque d’honnêteté dans la mise en œuvre de ses obligations internationales.

L’histoire moderne témoigne du fait que l’Iran n’a commis aucune agression à l’extérieure de ses frontières au cours des 250 dernières années. Il a cependant résisté farouchement à l’agression et aux interventions étrangères. Notre arsenal de guerre, c’est la paix et nous nous sommes engagés à assurer la réciprocité à tous les gestes et mesures pacifiques authentiques et honnêtes. Sur ce point, nous sommes résolus et fermes.

* Hassan Rouhani est le Président de l’Iran

21 septembre 2018 – Washington Post – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah