En 1976, en réponse à l’annonce par le gouvernement israélien d’un plan de confiscation de 21 000 dounams (près de 5 200 acres) de terres palestiniennes, une grève générale et des manifestations ont été organisées dans les villes depuis la Galilée jusqu’au Negev.
Dans les affrontements qui ont suivi avec l’armée et la police israéliennes, six Palestiniens désarmés ont été abattus, une centaine ont été blessés et des centaines d’autres arrêtés.
Depuis cette date, le 30 mars a été le jour où les Palestiniens et leurs partisans se rassemblent pour démontrer leur attachement indéfectible à leurs terres ancestrales et à leur identité culturelle commune. Et à plusieurs reprise, Israël a réagi très violemment.
Au cours de la deuxième Intifada en 2001, à l’occasion du 25ème anniversaire de la Journée de la terre, quatre Palestiniens ont été tués et 36 blessés à Naplouse lorsque les forces israéliennes d’occupation ont utilisé des tirs à balles réelles contre des manifestants. Et à Ramallah la même année, un Palestinien a été abattu et 11 autres blessés lorsque des soldats se sont affrontés avec 2000 manifestants qui brûlaient des photos d’Ariel Sharon. Il y avait aussi des manifestations dans le même temps à Gaza.
Certains se demandent si le Jour de la Terre de 2018 sera identique aux autres. Les Palestiniens de Gaza prévoient une manifestation massive qui débutera le 30 mars et se poursuivra jusqu’au 15 mai, jour de l’anniversaire de la Nakba – «la catastrophe» quand plus de 750 000 personnes ont été chassées de leurs foyers pour faire place à Israël.
Cette initiative palestinienne intervient alors que le gouvernement américain a annoncé la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert de son ambassade depuis Tel Aviv – avec une ouverture prévue le 14 mai – puis une réduction drastique du financement de l’agence des Nations Unies qui soutient les réfugiés palestiniens (UNRWA).
“La marche de cette année peut faire face à de nombreux défis, mais nous devons faire en sorte qu’elle reste non-violente. Nous devons informer les participants de rester pacifiques et de ne pas entrer en conflit avec les soldats israéliens”, explique l’analyste politique Ibrahim Habib.
“La peur d’Israël de cette marche l’obligera à pousser aux provocations et cela ne doit pas nous empêcher de continuer, même s’ils utilisent des drones pour tirer des bombes lacrymogènes sur les manifestants, comme ils nous ont prévenus qu’ils le feront. Nous devons faire de cette marche un succès, car si c’est le cas, ce sera une nouvelle étape pour la résistance palestinienne.”
L’action centrale des initiatives prévues à Gaza est une “ville-tente”, installée sur plusieurs points, à 700 mètres de la clôture israélienne.
Ce qui va se dérouler pendant la première semaine déterminera les actions pour les jours suivants. Ce qui est central, cependant, c’est un accord entre toutes les organisations politiques pour travailler ensemble sous deux drapeaux seulement – la Palestine et les Nations Unies – dit l’un des principaux organisateurs de la jeunesse, Ahmed Abu Rteima.
C’est un objectif majeur, étant donné l’antagonisme actuel entre le Fatah et le Hamas.
Dans le même temps, des groupes en Cisjordanie projettent de planter des oliviers sur des terres qui ont été volées par l’occupant. D’autres projets comprennent la réalisation de peintures murales et de sculptures, des expositions mettant en avant des réalisations du patrimoine palestinien et de l’artisanat, et des campagnes numériques sur divers sites de réseaux sociaux.
“J’adore ma terre, je ne peux pas l’oublier”, dit Mahmoud Khaldi, un agriculteur âgé de 65 ans dans le nord de Gaza et qui envisage de participer à “la Grande Marche du retour”. “Ma terre est mon âme et il est impossible de l’abandonner. Même si on nous la vole, nous la récupérerons.”
Ahmed Saleh, un journaliste de Gaza âgé de 24 ans, a déclaré qu’il comptait participer à la marche: “La commémoration de la Journée de la Terre n’est pas seulement une commémoration d’événements historiques, mais une nouvelle bataille dans une guerre pour restaurer les droits des Palestiniens.”
L’Organisation de libération de la Palestine rend Israël responsable “des crimes contre notre peuple, sa terre et ses droits” et appelle à étendre le boycott des produits israéliens pour briser la politique expansionniste et agressive d’Israël, et briser aussi son blocus de Gaza.
Le porte-parole du Fatah, Atef Abu Seif, a qualifié la “nouvelle marche du retour” de nouvelle étape “pour affirmer notre droit au retour dans notre pays, la terre de nos pères et grands-parents”.
Fawzi Barhoum, porte-parole du mouvement Hamas qui administre la bande de Gaza, a lancé un grand exercice de défense ce dimanche, notant que le bombardement de la Bande de Gaza ce week-end a démontré qu’Israël craignait la manifestation à venir.
“Mais ils doivent savoir que ce bombardement ne nous empêchera pas de nous préparer pour la marche”, a-t-il déclaré.
Selon le Bureau central palestinien des statistiques, Israël occupe plus de 85% de la Palestine historique. Alors que les Palestiniens représentent 48% de la population totale [selon les derniers chiffres publiés, plus de 50% – NdT], ils ne peuvent vivre que sur 15% des terres. Dans le même temps, il y a plus de 6000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, la plupart d’entre eux étant détenus en tant que prisonniers politiques.
“Pour nous, la terre est un aspect important de notre vie”, explique Ahmed Kama, un militant âgé de 50 ans qui prévoit également de participer à la manifestation du 30 mars. “Elle nous garantit la sécurité et une vie décente, elle est la patrie des civilisations qui ont émergé à travers l’histoire, elle est au cœur de notre identité”.
Haitham Kaloub, membre du comité des médias pour la marche, résume les sentiments des Palestiniens: “Le Jour de la Terre nous rappelle la perte de nos terres et les souvenirs de ceux qui nous ont précédé et qui ont été tués en protégeant leurs terres. En ce jour, nous renouvelons notre espoir, notre détermination.”
* Mohammed Moussa écrit pour We Are Not Numbers dans la bande de Gaza.
26 mars 2018 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine