Palestine : c’est maintenant au peuple de décider

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Commémoration par des étudiants palestiniens de la Nakba - le « nettoyage ethnique » de la Palestine par les milices sionistes en 1948 - à l'université de Tel-Aviv, Palestine de 1948 (Israël) - Photo : ActiveStills.org

Par Kamel Hawwash

Un véritable changement de direction ne peut venir du simple remplacement du Président palestinien Mahmoud Abbas par l’un de ses acolytes.

La question de la succession à la direction palestinienne continue d’être un sujet important en Israël/Palestine et dans d’autres pays qui y ont un intérêt. Mais le débat semble se focaliser sur les personnes, plutôt que sur ce qui est réellement pour que les Palestiniens reprennent la main et sauvent leur cause, dont l’existence est menacée.

Non seulement les Palestiniens sont confrontés à un occupant implacable, féroce et meurtrier soutenu sans équivoque par les Etats-Unis et d’autres états occidentaux, mais ils ont également été les témoins d’accords de normalisation donnant à Israël une plus grande couverture pour poursuivre ses politiques d’apartheid.

La mauvaise question à poser maintenant est qui devrait succéder au président Mahmoud Abbas. Il est difficile d’imaginer qu’une des personnes de son cercle rapproché – comme Hussein al-Sheikh, Jibril Rajoub ou Jamil Majdalawi – suivrait une stratégie différente.

L’un d’entre eux s’engagerait-il réellement à mettre fin à la collaboration en matière de sécurité avec Israël ? Appliquerait-il d’autres décisions adoptées par le Conseil National Palestinien (PNC), comme celle de geler la reconnaissance d’Israël ? La réponse est résolument non.

L’homme présenté comme le plus proche d’Abbas est Hussein al-Sheikh, qui a récemment rencontré le groupe de pression pro-israélien Aipac à Ramallah et a participé à des entretiens au domicile du Ministre de la Défense Benny Gantz.

Ce sont là de piètres qualifications pour le dirigeant du peuple palestinien, ce qu’atteste son manque de popularité.

Rejeter le statu quo

A cette étape, la bonne question qu’il faut se poser est la suivante : Comment peut-on amener un changement de direction qui revivifirait la cause, et mènerait à la libération et au retour ? Les Palestiniens n’acceptent pas le statu quo.

Pendant combien de temps encore le siège de Gaza doit-il durer ? Pendant combien de temps encore les réfugiés doivent-ils survivre dans des camps, ou affronter la mort dans des embarcations à destination de l’Europe ? Pendant combien de temps encore les Palestiniens doivent-ils apprendre au réveil que des jeunes et des enfants ont à nouveau été assassinés par l’occupant ? Pendant combien de temps encore doivent-ils tolérer les incursions d’un nombre croissant de colons dans le complexe de la mosquée al-Aqsa ?

L’actuelle direction n’a aucune stratégie, si ce n’est de revenir à de futiles négociations dans l’espoir de parvenir à une solution à deux états. Ce n’est pas une stratégie ; c’est un leurre ou de la paresse.

Les Palestiniens doivent s’unir et se mobiliser pour pousser au changement, mais il leur faut un vecteur pour exercer cette pression. La prochaine Conférence Populaire Palestinienne qui se tiendra à Ramallah et à Gaza le 5 novembre pourrait être ce vecteur.

Au début de ce mois, la préparation de cette assemblée a été annoncée. Soulignant sa stratégie différente, des intervenants du RU, d’Australie, de Gaza, de Ramallah et des territoires de 1948 ont revendiqué la même chose : reconstruire l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), en commençant par des élections au PNC.

Des millions de voix palestiniennes dans l’ensemble de la Palestine historique et de la diaspora réclament un changement. (Pour ne rien cacher : je fais partie de l’équipe qui organise l’Assemblée.)

L’Assemblée sera diffusée par lien vidéo partout dans le monde, dans le but de servir de voix collective aux 14 millions de Palestiniens du monde entier.

Difficultés à venir

De l’assemblée émanera une commission de pilotage et un comité de suivi chargés de développer et de mettre en œuvre les décisions adoptées. Les membres des deux organismes seront issus à la fois de la Palestine historique et de la diaspora.

Ceux d’entre nous qui sont dans le comité de préparation sont tout à fait conscients des difficultés qui les attendent. Ceux qui sont au pouvoir vont-ils donner leur accord et œuvrer pour la tenue d’élections ? Il devrait en aller ainsi ; que le peuple palestinien demande une représentation démocratique devrait aller de soi.

Pourtant, cela irait à l’encontre de tout ce que l’actuelle direction a fait jusqu’ici. Ceux qui sont au pouvoir agissent comme s’ils n’avaient de comptes à rendre à personne, et comme s’ils savaient mieux que le peuple. Ils craignent que des élections réellement libres et démocratiques mettent fin à leur règne, et à tous ses attributs.

Après tout, pourquoi le peuple élirait des hommes/femmes politiques accusés d’être de mauvais dirigeants et de corruption (bien que cela ne s’applique pas à tous les membres de la direction) ?

La Conférence, non-alignée sur aucun parti ou faction politique, est un outil pour pousser au changement. Elle ne prétend pas représenter l’ensemble des 14 millions de Palestiniens, mais plutôt leur offrir une voix à un moment crucial.

Si l’actuelle direction tente de prendre la conférence pour cible, elle exhibera sa propre nature antidémocratique. Si elle essaie de faire blocage en réitérant combien il est difficile de tenir des élections à l’échelle de plusieurs pays, les Palestiniens alors répondront : faisons preuve de créativité dans la manière dont la représentation peut fonctionner au sein de diverses localités.

Reprenons le célèbre appel « yes, we can » associé à l’ancien président des E.U. Barak Obama, plutôt que de continuer à dire « we can’t » ( nous ne pouvons pas ).

Le temps du changement de dirigeants en Palestine est venu – et il ne s’agit pas de changer de têtes, mais de permettre au peuple de reprendre l’initiative.

13 octobre 2022 – Middle East Eye – Traduction: Chronique de Palestine – MJB