Dans une lettre ouverte, des centaines d’employés de l’UE appellent à la levée du siège sur Gaza

23 juillet 2025 - Un des nourrissons traités à l'hôpital Nasser de Khan Yunis, dans la bande de Gaza, pour malnutrition sévère. L'hôpital Nasser a constaté une augmentation du nombre d'enfants souffrant de malnutrition en raison du blocus imposé par Israël. Le ministère de la Santé de Gaza a récemment confirmé la mort de 72 enfants depuis le début de la guerre menée par Israël contre Gaza, des suites de la malnutrition. De nombreuses organisations internationales ont condamné Israël pour avoir utilisé la famine comme arme de génocide - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Le personnel de l’UE exhorte les dirigeants à faire pression sur Israël pour permettre l’accès à l’aide humanitaire à Gaza dans une lettre ouverte.

Des centaines de membres du personnel travaillant pour les institutions européennes ont adressé une lettre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et à la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Kaja Kallas, les exhortant à faire pression sur Israël pour qu’il autorise l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza.

Selon la lettre consultée par Al Jazeera, plus de 700 signataires demandent l’ouverture de tous les points de passage terrestres pour la livraison de biens essentiels et l’autorisation d’accoster pour les navires humanitaires.

« Israël ne peut être autorisé à faire fi d’un nouvel accord et à manquer une nouvelle fois de respect à l’Union européenne », peut-on lire dans la déclaration, qui fait référence à l’accord conclu mi-juillet entre l’UE et Israël pour améliorer la situation sur le terrain.

L’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël et, à ce titre, elle dispose d’un levier considérable pour exiger le respect du droit international humanitaire, indique le document.

Les signataires ont proposé des mesures spécifiques qui pourraient être prises à l’encontre d’Israël. En voici quelques-unes :

  • Appliquer des sanctions ciblées contre les entités responsables d’entraver l’accès humanitaire, y compris les dirigeants israéliens.
  • Mener une action internationale coordonnée avec l’ONU pour garantir des couloirs humanitaires sûrs vers Gaza.
  • Suspendre les relations diplomatiques avec Israël.
  • « Notre crédibilité et notre leadership moral dépendent de notre capacité à prendre dès maintenant des mesures audacieuses et fondées sur des principes. »

    Téléchargez l’intégralité de la lettre en version originale.Compte Instagram des signataires.

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    Bruxelles, le 29 juillet 2025

    Objet : Appel du personnel de l’UE en faveur d’une action immédiate de l’UE pour rétablir l’accès de l’aide humanitaire à Gaza

    Madame la Présidente von der Leyen, Madame le Haut Représentant Kallas

    Nous, membres du personnel des institutions européennes soussignés, vous écrivons avec une profonde urgence et une vive inquiétude concernant la situation humanitaire catastrophique à Gaza.

    Le temps presse.

    Les famines ne suivent pas une trajectoire linéaire, mais s’accélèrent, ressemblant souvent à des phénomènes exponentiels. Les famines liées à la guerre et à l’occupation, notamment l’Holodomor (1933-1934), le siège de Leningrad (1941-1942), l’occupation du Bengale (1943), la Grande Famine chinoise (1959-1961) et les guerres du Darfour (2004), de Somalie (2011) et du Yémen (2016), montrent qu’une fois un seuil critique atteint, les taux de mortalité peuvent rapidement augmenter, doublant chaque jour.

    Cela est intuitif : lorsque les ressources ne parviennent pas à atteindre une population assiégée, les conséquences s’accumulent à un rythme dévastateur.

    Nos projections indiquent que, sans un rétablissement immédiat et substantiel de l’aide, Gaza est en passe de dépasser les 100 décès par jour liés à la famine au cours des deux à
    trois prochaines semaines, dont beaucoup d’enfants. Le franchissement de ce seuil marque essentiellement un point de non-retour, où il serait probablement impossible d’empêcher l’anéantissement de facto de la population de Gaza.

    Il est important de noter que l’aide humanitaire temporaire n’a pas d’incidence sur la nature exponentielle du phénomène, mais ne fait que le retarder, en particulier si elle est acheminée par des moyens inefficaces tels que des largages aériens. Nous avons présenté les bases statistiques de cette évaluation, accompagnées de références scientifiques, dans l’annexe à la présente lettre.

    En tant que servants des institutions, nous sommes fiers de défendre les valeurs de l’Union européenne : la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme.

    Ces valeurs ont poussé un nombre croissant de fonctionnaires de l’UE à s’exprimer sans relâche au cours des 19 derniers mois et, aujourd’hui plus que jamais, à un moment où il est urgent d’agir, notre silence serait synonyme de complicité.

    Le blocus actuel de l’approvisionnement en denrées alimentaires, en lait maternisé et en fournitures médicales à Gaza n’est pas seulement une tragédie humanitaire profonde, mais aussi un test décisif pour les fondements moraux et politiques de notre Union, sans lesquels le projet européen lui-même perdrait son sens et sa légitimité.

    Nous attirons également votre attention sur l’échec total de la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) qui, au lieu d’apporter de l’aide, a coûté la vie à plus de 1000 personnes depuis mai, tuées par les forces de défense israéliennes et les sous-traitants de la GHF, selon les chiffres largement relayés par l’ONU.

    Au nom de l’Union européenne, nous vous exhortons à prendre immédiatement des mesures décisives pour faire pression sur Israël afin qu’il autorise sans délai l’acheminement d’une aide humanitaire massive vers Gaza.

    Cela doit inclure l’ ouverture de tous les points de passage terrestres pour la livraison de biens essentiels et l’autorisation aux navires humanitaires d’accoster. Israël ne peut être autorisé à faire fi d’un nouvel accord et à manquer une nouvelle fois de respect à l’Union européenne. Nous nous référons à l’accord annoncé le 15 juillet par le HR/VP Kallas.

    L’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël et, à ce titre, elle dispose d’un levier considérable pour insister sur le respect du droit international humanitaire. Bien que, lors des discussions sur l’accord d’association UE-Israël, certains États membres se soient rangés du côté d’Israël et aient empêché la suspension de l’accord, l’Union européenne peut et doit agir de manière indépendante en utilisant d’autres moyens.

    Afin de soutenir vos efforts, nous vous proposons respectueusement les mesures suivantes (dont certaines figurent déjà dans le mémorandum juridique de 18 pages qui vous a été transmis le 15 avril 2025) :

    • L’examen de sanctions ciblées, y compris des restrictions sur les transactions financières et des contrôles à l’exportation, à l’encontre des entités responsables d’entraver l’accès humanitaire, y compris les hauts dirigeants israéliens.
    • La conduite d’une action internationale coordonnée au sein des Nations unies et d’autres forums multilatéraux afin de garantir la sécurité des couloirs humanitaires vers Gaza.
    • La suspension par le SEAE des relations diplomatiques avec Israël et le rappel de son ambassadeur à Tel-Aviv.
    • La suspension immédiate par la Commission de toute coopération et négociation en cours en vue d’accords futurs avec et impliquant des entités israéliennes dans le cadre de la NDICI-GE, ainsi que dans le cadre de la stratégie de recherche et d’innovation de l’UE.
    • Nous saluons les dernières informations indiquant que la Commission propose une suspension partielle de l’association d’Israël au programme Horizon Europe. Si nous considérons cette initiative comme louable, nous proposons la suspension immédiate de toute coopération et le lancement d’un audit judiciaire approfondi et indépendant de la coopération actuelle et passée avec des entités israéliennes dans le cadre du programme Horizon Europe et de ses prédécesseurs, qui pourrait aboutir au recouvrement des fonds et à la responsabilisation des auteurs d’irrégularités, lorsque celles-ci sont avérées.
    • L’ouverture immédiate d’une enquête par le Conseil sur les allégations de pillage par Israël et des États membres de l’UE des réserves de gaz offshore dans les eaux de Gaza, qui sont la propriété de l’État de Palestine, et la suspension immédiate des contrats d’exploration et d’exploitation jusqu’à ce que la situation soit clarifiée.

    L’Union européenne a toujours aspiré à être un défenseur mondial des droits de l’homme. Nous ne pouvons pas permettre que cette tragédie dégénère en un scénario encore plus indescriptible. Notre crédibilité et notre leadership moral dépendent de notre capacité à prendre dès maintenant des mesures audacieuses et fondées sur des principes.

    1er août 2025 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine

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