
Des supporters brandissent un grand drapeau palestinien lors du match Tunisie-Australie de la Coupe du monde de football 2022, le 26 novembre à Doha, au Qatar - Photo : Showkat Shafi/Al Jazeera</pW
Par Ramzy Baroud
Les fans de football du monde entier contestent sans équivoque le soutien continu de la FIFA à Israël et s’organisent avec une unité sans précédent en faveur de la Palestine. Contrairement aux actions précédentes, cette mobilisation est désormais remarquablement bien coordonnée, étendue et cohérente.
Il est loin le temps où la solidarité dans le sport émanait avant tout des supporters du Celtic Glasgow, du Deportivo Palestino chilien ou des équipes arabes. Gaza est désormais le centre incontesté de la solidarité sportive mondiale.
Les conséquences de cette évolution sont sans doute les plus importantes en termes de sensibilisation internationale au génocide israélien à Gaza en particulier, mais aussi à l’occupation militaire et à l’apartheid israéliens dans l’ensemble de la Palestine occupée.
Pendant des années, les médias grand public ont fait tout leur possible pour ignorer les drapeaux, banderoles et chants pro-palestiniens. Lorsque la solidarité a dépassé les limites tolérables, que ce soit en Écosse ou au Chili, les autorités du football ont réagi par des amendes et diverses autres mesures punitives.
Aujourd’hui, cependant, ces pratiques échouent complètement. Parfois, le Celtic Park semble être un immense rassemblement pro-palestinien, tandis que de nombreux autres clubs se joignent au mouvement ou intensifient leurs efforts.
À Paris et dans ses environs, lors de la finale de la Ligue des champions de l’UEFA entre le Paris Saint-Germain et l’Inter Milan le 31 mai, il semblait que toutes les activités des supporters du PSG étaient axées sur la Palestine.
Des chants « Nous sommes tous les enfants de Gaza » résonnaient partout, à l’intérieur et à l’extérieur du stade. Dès qu’Achraf Hakimi a marqué le premier but, une banderole géante a été déployée avec le slogan « Stop au génocide à Gaza ».
Ces actes de solidarité sans précédent sont comparables aux boycotts sportifs contre l’apartheid en Afrique du Sud, qui ont débuté au milieu des années 1960. Ces boycotts ont contribué à libérer le discours et à faire passer le débat sur l’apartheid des salles universitaires à la rue.
Si cela est vrai, les deux cas ne sont toutefois pas toujours comparables. En ce qui concerne l’apartheid, grâce aux efforts des gouvernements du Sud, les boycotts ont largement commencé au niveau institutionnel et ont progressivement recueilli un soutien populaire massif.
Dans le cas palestinien, en revanche, on assiste à un effondrement moral total de la part d’institutions telles que la FIFA, tandis que ce sont les supporters de football qui défendent la solidarité.
La FIFA n’a toujours pas pris de mesures contre Israël malgré le racisme flagrant au sein de ses institutions sportives et le préjudice direct qu’elle cause au sport palestinien. L’excuse habituelle est le slogan « le sport et la politique ne se mélangent pas ». Mais si tel est le cas, pourquoi la FIFA a-t-elle mélangé les deux sans problème après l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
Presque immédiatement après le début de la guerre, les pays occidentaux, prétendant parler au nom de la communauté internationale, ont commencé à imposer des centaines, puis des milliers de sanctions à la Russie, qui s’est retrouvée isolée dans tous les domaines, y compris le sport.
La FIFA s’est rapidement jointe à eux, interdisant à l’équipe nationale russe de participer à ses compétitions.
Dans le cas de la Palestine, l’hypocrisie est sans limite, même si elle a commencé bien avant le génocide israélien à Gaza. Tous les efforts palestiniens, souvent soutenus par des associations arabes, musulmanes et du Sud, pour tenir Israël responsable de son apartheid et de son occupation militaire ont échoué. La réponse est toujours la même.
Une déclaration de la FIFA en octobre 2017 en est un exemple typique. Elle faisait suite à un rapport final du Comité de suivi Israël-Palestine de la FIFA, qui avait répondu à des demandes répétées de groupes internationaux demandant d’examiner la question de l’occupation israélienne et la nécessité pour la FIFA de demander des comptes à Israël.
La réponse a été sans équivoque : « La situation actuelle […] n’a rien à voir avec le football. » Elle est « d’une complexité et d’une sensibilité exceptionnelles » et ne peut être « modifiée unilatéralement par des organisations non gouvernementales telles que la FIFA ».
Le « statut définitif des territoires de Cisjordanie » relève de la compétence des autorités internationales compétentes en matière de droit public international. Elle a conclu que « la FIFA […] doit rester neutre en matière politique », ajoutant que l’association « s’abstiendra d’imposer toute sanction » à Israël et que « l’affaire est close ».
Depuis lors, beaucoup de choses ont changé. Par exemple, en juillet 2018, Israël s’est déclaré un pays réservé aux juifs par le biais de la loi dite « loi nation-État ».
En juillet 2020, le gouvernement de coalition a conclu un accord permettant l’annexion des zones occupées de Cisjordanie. Et depuis le 7 octobre 2023, il se livre à un génocide à Gaza.
Cette fois-ci, ce ne sont pas les Palestiniens et leurs alliés qui tiennent des propos accusateurs. Ce sont les institutions internationales, qui enquêtent activement sur les violations horribles commises par Israël à Gaza.
Même si la FIFA continue d’affirmer que la question est trop « complexe » et « sensible », comment peut-elle ignorer le fait que plus de 700 athlètes palestiniens ont été tués et quelque 270 installations sportives détruites au cours des 14 premiers mois de la guerre ?
Il convient ici de souligner la ténacité des Palestiniens, une qualité qui ne dépend pas de l’action ou de l’inaction de la FIFA.
L’équipe nationale palestinienne de football continue de se renforcer et, plus impressionnant encore, les enfants palestiniens de Gaza parviennent d’une manière ou d’une autre à créer des espaces, même parmi les ruines de leurs villes, pour taper dans un ballon, volant ainsi un moment de joie à l’horreur du génocide.
Bien que la FIFA continue de laisser tomber la Palestine, les amateurs de sport refusent de prendre part à cette parodie de moralité.
En fin de compte, c’est la ténacité des Palestiniens et la solidarité croissante envers leur juste cause qui forceront la FIFA à agir, non seulement pour le bien de la Palestine ou même pour l’avenir du sport, mais aussi pour la pertinence même de l’organisation.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française)
Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
9 juin 2025 – Arab News – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
Soyez le premier à commenter