Gaza : la résistance est sur le pied de guerre

Combattant des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du mouvement du Hamas [résistance islamique] - Photo : archives

Par Zoran Kusovac

Les incursions terrestres d’Israël, les bombes et le black-out sur l’information imposé à Gaza ne nuiront pas nécessairement à un mouvement Hamas bien préparé.

Une forte attaque combinée d’armes sur Gaza, qui a commencé vendredi soir, s’est poursuivie samedi, mais il est difficile de savoir s’il s’agit de la première étape de la grande offensive annoncée par Israël ou s’il s’agit simplement d’un nouveau test pour éprouver la résistance palestinienne.

L’armée israélienne a lancé deux attaques terrestres de portée limitée mercredi et jeudi soir, diffusant des vidéos pour les exploiter à des fins de propagande. À chaque fois, ils se sont repliés en Israël [Palestine de 48] avant l’aube.

L’attaque toujours en cours ne semble pas être la « grande » attaque. Mais en tant qu’extension évidente des deux précédentes incursions à Gaza, elle pourrait être le précurseur d’une offensive générale.

Les rapports de samedi en provenance de Gaza pourraient être les derniers à passer par les réseaux mobiles et l’internet terrestre. Les forces israéliennes ont frappé l’infrastructure publique de télécommunications et Gaza est désormais soumise à un black-out presque total des communications.

Les seuls moyens de transmettre des informations au monde entier sont les quelques téléphones satellites restants, mais ceux-ci peuvent être pris pour cible à tout moment.

Les avions de guerre électronique de l’armée de l’air israélienne peuvent repérer chaque appareil échangeant des données avec les satellites de communication en orbite basse et diriger contre lui des missiles air-sol mortels.

La technique n’est pas nouvelle : elle a été utilisée pour la première fois par les Russes en 1996 pour assassiner le président tchétchène Dzhokhar Dudaev alors qu’il utilisait un téléphone satellite.

Les Israéliens ont une longue expérience des assassinats ciblés utilisant des téléphones pour identifier et localiser la cible. L’une des premières victimes de cette technique a été le chef du Hamas, Yahya Ayyash, tué la même année que Dudaev.

Toutefois, la destruction des nœuds de communication et l’utilisation de contre-mesures électroniques pour bloquer les lignes publiques qui ont survécu ne nuiront pas aux combattants du Hamas qui, connaissant les tactiques et les capacités israéliennes, semblent s’être préparés à ce type d’action.

Des sources palestiniennes affirment que le Hamas a installé des infrastructures de communication « à l’épreuve d’Israël » dans son vaste réseau de tunnels sous la bande de Gaza. Il aurait posé des dizaines de kilomètres de câbles dotés d’un solide blindage électromagnétique pour empêcher la détection et l’interception des signaux.

Installés dans les tunnels les plus modernes, beaucoup plus profonds, ils sont presque totalement à l’abri de l’espionnage des Israéliens. Les câbles émettent un minimum de radiations électromagnétiques et la grande profondeur empêche pratiquement toute détection et interception des signaux.

Ces nouveaux moyens de communication sécurisés pourraient expliquer comment le Hamas a réussi à garder secrets ses plans pour l’offensive du 7 octobre.

Samedi, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a admis que ses forces visaient spécifiquement les tunnels. Israël a affirmé avoir touché plus de 150 cibles souterraines, mais cette affirmation doit être prise avec des pincettes. Des bâtiments cachant des entrées de tunnels, peut-être… mais 150 tunnels, c’est très peu probable.

Depuis que le Hamas s’est lancé dans la guerre souterraine, ses tunnels sont passés d’abris de fortune rudimentaires de quelques mètres de profondeur à des structures sophistiquées, bien conçues et recouvertes de béton, qui atteindraient jusqu’à 20 mètres de profondeur.

La raison d’une telle profondeur – un exploit qui nécessite un effort d’ingénierie considérable et l’utilisation de beaucoup de main-d’œuvre – est de passer sous les barrières israéliennes, notamment les hauts murs de béton qui s’étendent jusqu’à huit mètres sous la surface.

Le fait de creuser profondément donne au Hamas l’avantage supplémentaire de rendre ses tunnels relativement insensibles aux bombardements israéliens.

Les bombes en ordinaires en métal, à chute libre ou guidées par laser, pénètrent mal. Tout ce qui se trouve à plus d’un mètre de profondeur est relativement indemne. Pour détruire des cibles cachées plus loin sous terre, des munitions spéciales sont nécessaires.

Les bombes accélérées par des fusées, développées à l’origine pour pénétrer le béton épais et résistant des pistes d’aéroport et exploser dans le sol meuble situé en dessous, soulevant la surface pavée et la rendant inutilisable pour les avions, peuvent être utilisées contre les tunnels et les bunkers souterrains.

Mais à Gaza, leur efficacité est discutable, car les tunnels sont rarement creusés dans un sol ouvert que ces bombes à effet de levier peuvent pénétrer.

Après avoir subi bombardements sur bombardements, le Hamas a pris soin de placer ses installations souterraines sous les structures de surface. Ses tunnels s’étendent probablement sous les bâtiments, dans la mesure du possible.

Les tunnels bénéficient ainsi de la protection de plusieurs dalles de béton que même les plus gros engins ont du mal à pénétrer. Les bombes et les roquettes explosent normalement lorsqu’elles heurtent un obstacle dur, pénétrant le premier plancher en béton mais manquant de puissance pour traverser les suivants.

Ce problème est surmonté par les ogives en tandem, dont la première charge explose lorsque les projectiles touchent la dalle la plus haute, la suivante explosant au passage de celle qui se trouve juste en dessous.

La plupart de ces ogives sont conçues pour détruire deux niveaux, quelques-unes peuvent en détruire trois. Mais aucune ne peut traverser trois ou quatre étages.

Si les structures sont préalablement touchées par des explosions conventionnelles et se transforment en couches de décombres, la tâche devient encore plus ardue. Les décombres favorisent les défenseurs plutôt que les attaquants.

Il existe des bombes spéciales « bunker buster », conçues pour s’attaquer aux bunkers souterrains les plus grands et les plus durs, mais elles ne changeront certainement pas la donne dans ce conflit.

De tels systèmes de pénétration en profondeur ont été conçus pour vaincre les énormes plafonds en béton des bunkers de l’ancien dirigeant irakien Saddam Hussein. Mais ils constitueraient une solution très peu pratique et d’un coût prohibitif car, malgré la supériorité de la technologie israélienne, ils n’auraient qu’une chance infime de détecter avec précision les tunnels bien enterrés du Hamas.

Le gaspillage de milliers de bombes d’une valeur de plusieurs millions d’euros chacune n’est tout simplement pas envisageable.

Les États-Unis n’ont finalement pas utilisé ces « super-pénétrateurs » au moment de l’invasion de l’Irak. Israël a acheté un nombre non divulgué de bombes GBU-28 de 2100 kg (4500 livres) spécialisées dans la pénétration en profondeur, mais je serais surpris qu’elles puissent faire une différence stratégique, car les conditions de leur utilisation sont loin d’être idéales.

L’Irak disposait probablement de plusieurs dizaines de bunkers de commandement principaux dont l’emplacement était généralement connu, tandis que le Hamas dispose d’un plus grand nombre d’installations plus petites, la plupart bien cachées sous des bâtiments.

Nous devons étudier comment la dernière escalade évoluera, si elle conduira à une invasion de plusieurs lignes avec au moins 30 000 soldats au sol ou si elle se rétrogradera.

Pour résumer les quatre derniers jours d’attaques, je dirai que rien de ce qu’Israël a montré jusqu’à présent ne peut se transformer en une stratégie majeure permettant de remporter la guerre sur le terrain.

Les prochaines étapes montreront dans quelle mesure il tire les leçons de ses « performances » et de celles du mouvement Hamas.

28 octobre 2023 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine