Gaza : reconstruire à nouveau

Alaa Shamaly, 36 ans, a perdu sa maison pour la deuxième fois pendant l'assaut israélien de mai - Photo: avec l'aimable autorisation d'Alaa Shamaly

Par Khuloud Rabah Sulaiman

Pour de nombreux Palestiniens, ce n’est pas la première fois qu’ils sont contraints de chercher un abri temporaire, avec la perspective d’une coûteuse reconstruction.

Gaza – Au cours des douze dernières années, les habitants de Gaza ont subi quatre attaques israéliennes meurtrières, reconstruisant après chacune d’elles en espérant que ce serait la dernière.

Mais après la dernière attaque militaire israélienne contre l’enclave sous blocus, de nombreux Palestiniens se retrouvent une fois de plus obligés de reconstruire leurs habitations détruites.

L’assaut israélien de 11 jours en mai a détruit 1148 logements et locaux commerciaux et en a partiellement endommagé 15 000 autres, laissant plus de 100 000 civils déplacés dans des écoles gérées par les Nations Unies et d’autres communautés d’accueil.

Pour de nombreux survivants, ce n’est pas la première fois qu’ils sont contraints de chercher un abri temporaire, avec la perspective d’une coûteuse reconstruction.

Ramez al-Masri, âgé de 39 ans, a perdu sa maison de deux étages en un clin d’œil pour la deuxième fois en mai, laissant sa famille à nouveau sans abri. Sa maison a été réduite en miettes une première fois lors de la guerre israélienne de 2014 contre Gaza.

Le 14 mai vers 3 heures du matin, l’un des voisins d’al-Masri a reçu un appel téléphonique de l’armée israélienne ordonnant à tous les habitants des environs d’évacuer car les raids aériens étaient imminents.

“À cette heure tardive, mon voisin m’a téléphoné juste pour me parler de l’alerte”, a déclaré al-Masri. “Avant l’évacuation, je me suis précipité dans ma chambre pour prendre le sac qui contient nos affaires [de première nécessité]. Paniqués, nous avons fui vers un hôpital voisin en quête de sécurité. Nous y sommes restés jusqu’à l’aube”.

Les restes du bâtiment de deux étages d’al-Masri après avoir été touché par des attaques aériennes israéliennes – Photo: Ahmed al-Sharateha/Al Jazeera

Totalement détruit

Pendant les 11 jours d’attaques israéliennes meurtrières, la famille d’al-Masri s’est alors abritée chez l’un de leurs proches. Après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 21 mai, ils sont retournés dans leur maison, mais elle n’était plus qu’un trou jonché de débris et rempli d’eaux usées à cause des tuyaux brisés dans le sous-sol.

“Après avoir trouvé ma maison totalement détruite. J’ai loué un appartement pour ma famille – ma femme et mes six enfants – pour 200 dollars. Il n’y a que deux chambres, une pour moi et ma femme et l’autre pour tous mes enfants”, dit-il.

La maison d’Al-Masri avait déjà été démolie lors de la guerre de 2014, lorsque les forces israéliennes ont envahi la zone la plus au sud de Gaza, bombardant de façon indiscriminée tout le secteur et laissant des milliers de maisons détruites.

La maison a été reconstruite au bout de trois ans et sa famille a déménagé à nouveau en 2017. “Ma maison, qui a été détruite une fois de plus, mettra-t-elle encore trois ans à être reconstruite ? Serai-je sans abri jusqu’en 2024 ?”

Al-Masri dit qu’il craint de retourner dans “les caravanes”, de petites cabanes en métal disséminées en grand nombre dans les zones endommagées, où il a vécu pendant les trois années précédant la reconstruction de sa maison. Il ne peut pas se permettre de payer longtemps le loyer trop élevé, car il est vendeur de légumes et son revenu lui permet à peine de faire vivre sa famille en temps normal.

“Vivre dans les caravanes en été est insupportable [à cause de la chaleur]”, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il espérait que la communauté internationale l’aidera, lui et d’autres Palestiniens sans abri, à reconstruire le plus rapidement possible.

Ramez al-Masri se tient devant sa maison de deux étages détruite pour la deuxième fois par des raids israéliens – Photo: avec l’aimable autorisation de Ramez al-Masri

Sans abri pour la quatrième fois

Si la destruction des maisons lors de la dernière attaque est douloureuse pour les Palestiniens, le bilan humain l’est encore plus.

En mai, au moins 256 personnes, dont 66 enfants et 40 femmes, ont été tuées dans des attaques aériennes et des tirs d’artillerie israéliens. Près de 2000 autres personnes ont été blessées, dont 600 enfants et 400 femmes, selon un rapport des Nations unies sur les récentes attaques contre Gaza.

Vivre près de la clôture de séparation avec Israël [Palestine de 48] a des conséquences terribles. Mithqal al-Sirsawy, âgé de 40 ans, a construit sa maison sur son terrain, à 700 mètres de la clôture. Sa maison a été détruite quatre fois au cours des 12 dernières années, à commencer par la guerre de 2008.

“Ma maison a été prise pour cible par les chars ou les avions à réaction israéliens lors de toutes les guerres – en 2008, 2012, 2014 et lors de la dernière, qui s’est déroulée il y a quelques semaines”, a-t-il déclaré. “Combien de temps vais-je subir cette situation ?”

Comme à chaque attaque israélienne sur Gaza, al-Sirsawy n’avait pas d’autre endroit pour s’abriter que les écoles gérées par l’ONU, bien qu’elles ne soient pas adaptées à la vie.

“Vivre dans les écoles est intolérable car les salles de classe sont bondées de monde. Plus de deux familles vivent dans une seule classe. Et le plus difficile, c’est que ces écoles n’ont pas accès à l’eau potable”, a-t-il déclaré.

Al-Sirsawy a besoin de près de 50 000 dollars pour reconstruire sa maison – une somme impossible pour un vendeur d’épices qui gagne environ 300 dollars par mois.

“Après chaque guerre, j’ai reçu une aide qui était insuffisante pour pouvoir reconstruire la maison. L’aide ne représentait qu’un tiers du montant dont j’avais besoin”, a-t-il déclaré.

“Ma vie est devenue un enfer et ma famille ne se sent pas en sécurité dans la maison depuis la guerre de 2008”, a-t-il ajouté. “Quand les guerres sur Gaza s’arrêteront-elles pour que je puisse vivre en sécurité avec ma famille dans notre maison ?”.

“Je pense qu’il ne sert à rien de reconstruire la maison car tout ce que nous construisons ici est détruit tant que la guerre continue.”

La maison de Mithqal al-Sirsawy a été détruite quatre fois au cours des 12 dernières années – Photo: avec l’aimable autorisation de Mithqal al-Sirsawy

Marcher sur les morts

Alaa Shamaly, un photojournaliste de 36 ans, a une histoire différente. Sa seconde habitation a été détruite dans cette guerre après avoir qu’il a choisi un appartement dans ce qu’il pensait être l’endroit le plus sûr de Gaza.

L’expérience de Shamaly lors de la guerre de 2014 l’avait amené à quitter le quartier d’al-Shujayea, le considérant comme l’une des zones les plus dangereuses quand Israël attaque Gaza en raison de sa proximité avec la zone tampon.

“Au cours de l’un des 50 jours de la guerre de 2014, les jets et les chars israéliens ont lourdement et bombardé sans limites notre quartier”, se souvient Shamaly. “Sous des bombardements fous venant de toutes les directions, ma famille et moi sommes sortis de nos maisons, fuyant vers l’ouest.

“De nombreuses maisons ont été détruites sur leurs habitants, et beaucoup d’autres ont été assassinés alors qu’ils tentaient de fuir. Nous avons marché sur les morts en essayant de survivre”.

Après cette attaque israélienne, Shamaly a cherché un nouvel endroit pour sa famille, c’est-à-dire sa femme et ses cinq enfants.

Ils ont acheté un appartement dans l’immeuble de six étages Anas Bin Malek, au cœur de Gaza, pensant qu’il s’agissait de l’un des endroits les plus sûrs pour échapper à d’autres raids israéliens. Mais cela s’est avéré faux lors de l’attaque de mai.

“L’occupation israélienne a lourdement attaqué le centre de Gaza, détruisant sept grandes tours résidentielles, laissant des centaines de familles sans abri, et commettant le massacre le plus brutal dans la rue al-Wehda, où plus de 40 personnes ont été assassinées”, a-t-il expliqué.

Le 16 mai, l’immeuble Anas Bin Malek a été rasé, laissant Shamaly désespéré de se retrouver sans abri pour la seconde fois.

“Ce qui rend les choses plus difficiles pour moi, c’est que je dois continuer à rembourser les mensualités de l’appartement pour les deux prochaines années”, a-t-il déclaré, notant que sa banque prélève automatiquement 200 dollars par mois sur son compte bancaire.

Après la destruction de son appartement, Shamaly vit désormais avec sa famille élargie à al-Shujayea, face à un avenir incertain.

“Je ne pourrai pas acheter un nouvel appartement avant la fin des échéances [du prêt]”, a-t-il déclaré.

21 juin 2021 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine